LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa
,32 LE TOUR DU MONDE.slaristiques criminelles, ils se servent assez volontiersdes ciichillos renommés qui se fabriquent dans la ville.En traversant la plaza de la Constituciou, nous remarquâmesun édifice fort ancien sur lequel nous lûmescette inscription : La Carcel, qui nous apprit que c'étaitla prison; nous aperçûmes, derrière une fenêtremunie de barreaux de fer, deux gaillards portant le costumeandalou, qui nous souhaitèrent le bonjour; nousapprîmes, en les faisant causer, que le plus âgé des deuxavait été condamné avec trois autres pour un assassinat,mais il nous assura que cen'était pas lui qui avaitfait le coup. Le plus jeune,âgé de vingt-cinq ans àpeine, avait une figurepresque féminine , descheveux noirs et de trèsbeauxyeux bleus; il nousconta, d'un air très-douxet avec un très-fort accentandalou, qu'on l'avaitenfermé pour une punaldqu'il avait donnéedans un accès de jalousie.Gomme il se conduisaitbien , ainsi que son camarade,on leur accordaitun cachot au rez-de-chaussée,donnant sur la place,où ils obtenaient quelquespièces de monnaie de lacharité des passants.En quittant Guadiznous traversâmes un paysde plus en plus accidenté,et nous aperçûmes bientôtsur notre gauche lescimes neigeuses de laSierra Nevada, que dominaitmajestueusement lePico de Mulhaccn ; devantnous, la Sierra de Susanaétendait à l'horizon sesdécoupures bizarres. Ce paysage, un des plus vastes quel'imagination puisse rêver, est plus sauvage assurémentet plus grandiose peut-être qu'aucun de ceux qu'on admireen Suisse.La route que nous parcourions est une des moinsfréquentées d'Espagne : nous ne rencontrions guèreque des balijeros , cavaliers qui transportent les letti-esdans une valise fixée à leur selle; quelques paysansà âne, einbossés dans leur mante et armés de leurescopette , et des gitanos en voyage. Notre caleseronous (il remar([U(.'r une vieille gitana accroupie sur lePaysan des environs de Grenade.bord de la route ,près d'un pauvre feu sur lequelcuisait en plein air un maigre puihcro. « Voyez, nousdit-il un peu plus loin , voici les dents de cette sorcière; » et il nous montrait des rochers auxquels leurforme fantastique a faitdonner le nom de los Dicntes dela Vicja, et qui ressemblent en effet, avec un peu debonne volonté, à la mâchoire accidentée de quelquevieille sorcière.A Diezma, nid d'aigle brûlé par le soleil, notre caleseronous fit d'assez longs loisirs, motivés par la fatiguede ses chers mulets Bandoleroet Comisario; nousen fûmes enchantés, carce retard nous valut unspectacle des plus picaresques: dans la cour d'unemaison à moitié en ruine,qu'abritait une treille gigantesque,était assise,un pandcro à la main, unejeune gitana de la plusgrande beauté ; sa mère,ou plutôt sa grand'mère,debout derrière elle, passaitun vieux peigne édentédans ses longs cheveux,d'un noir bleu .commel'aile d'un corbeau; unchat et une pie, animauxchers aux sorciers, paraissaientcauser en amis surle rebord d'une fenêtre,tandis qu'un grand lévrier,dont les oreillesdroites ressemblaient àdeux cornes, regardait lesgitanas d'un air tout à faitdiabolique. «Dépêche-toi,dis-je à Doré, de crayonnercette scène, car lessorcières vont enfourcherleur balai, et partir pourle sabbat. » Et, discrètementabrité derrière un laurier-rose, il en fit en quelquesminutes un ravissant croquis.Impatients d'atteindre le but de notre voyage, nouspressâmes le calesero de partir, et bientôt nous traversâmesHuetor : nous n'étions plus qu'à deux heures del'antique ville de Boabdil; enfin, après de nombreusesmontées, nous franchissions une enceinte de muraillesmoresques dominant des coteaux couverts de cactus :nous étions dans Grenade.{La suite à une autre livraison.)Ch. Davillier.
LE TOUR DU MONDE. 33Cour de l'ancien Observatoire des jésuites, à Péliin. — Dessin de Laticelot d'après l'album de Mme de Bourboulon.RELATION DE VOYAGE DE SHANG-HAI A MOSCOU,PAR PÉKIN, LA MONGOLIE ET LA RUSSIE ASIATIQUE,RÉDIGÉE d'après LES NOTES DE M. DE BOURBOULON, MINISTRE DE FRANCE EN CHINE, ET DE Mme DE BOURBOULON,PAR M. A. POUSSIELGUE '.1859-1862. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.PROMENADE DANS PEKIN. LA VILLE TARTARE.Promenade dans l'intérieur de l'ôliin. — Ancien Observatoire des jésuites. — Le Temple des lettrés. — Celui de Confucius. — Couventde lamas. — La montagne du Charbon. — La mer des Roseaux. — Lo Pci-tha-sse, etc.reur Khang-hi à remplacer les instruments indigènesNous avons embrassé l'ensemble de Pékin du hautX. — HT' LIV.de ses impuissants remparts ; descendons maintenant par d'autres plus grands et plus compliqués, qui furentdans la ville : nous y trouverons des monuments grandiosesfabriqués à Pékin, sous la direction des jésuites et d'a-et des points de vue pittoresques.près les principes de l'astronomie européenne.Cette grosse tour carrée qui domine les murs du Quand les jésuites furent expulsés de l'empire, l'ObservatoireSud-Est, auxquels elle est adossée, c'est l'ancien Observatoirefut abandonné , aucun savant du pays n'étantdes jésuites.de force à leur succéder. Depuis plus d'un siècle queElle fut construite jadis pour l'usage des astronomeschinois: au dix-huitième siècle, le P. Verbiest, présidentdu tribunal des mathématiques, détermina l'empel.l'établissement est placé sous les scellés impériaux, rienn'a été changé de place. Une lourde porte en bois vermouluconduit dans une petite enceinte placée à la basedes remparts, entourée de bâtiments dégradés, et plantésd'arbres deux fois centenaires. C'est là que demeureSuite. — Voy. t. IX, p. 81, 97 et113.3
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slaristiques criminelles, ils se servent assez volontiers
des ciichillos renommés qui se fabriquent dans la ville.
En traversant la plaza de la Constituciou, nous remarquâmes
un édifice fort ancien sur lequel nous lûmes
cette inscription : La Carcel, qui nous apprit que c'était
la prison; nous aperçûmes, derrière une fenêtre
munie de barreaux de fer, deux gaillards portant le costume
andalou, qui nous souhaitèrent le bonjour; nous
apprîmes, en les faisant causer, que le plus âgé des deux
avait été condamné avec trois autres pour un assassinat,
mais il nous assura que ce
n'était pas lui qui avait
fait le coup. Le plus jeune,
âgé de vingt-cinq ans à
peine, avait une figure
presque féminine , des
cheveux noirs et de trèsbeaux
yeux bleus; il nous
conta, d'un air très-doux
et avec un très-fort accent
andalou, qu'on l'avait
enfermé pour une punald
qu'il avait donnée
dans un accès de jalousie.
Gomme il se conduisait
bien , ainsi que son camarade,
on leur accordait
un cachot au rez-de-chaussée,
donnant sur la place,
où ils obtenaient quelques
pièces de monnaie de la
charité des passants.
En quittant Guadiz
nous traversâmes un pays
de plus en plus accidenté,
et nous aperçûmes bientôt
sur notre gauche les
cimes neigeuses de la
Sierra Nevada, que dominait
majestueusement le
Pico de Mulhaccn ; devant
nous, la Sierra de Susana
étendait à l'horizon ses
découpures bizarres. Ce paysage, un des plus vastes que
l'imagination puisse rêver, est plus sauvage assurément
et plus grandiose peut-être qu'aucun de ceux qu'on admire
en Suisse.
La route que nous parcourions est une des moins
fréquentées d'Espagne : nous ne rencontrions guère
que des balijeros , cavaliers qui transportent les letti-es
dans une valise fixée à leur selle; quelques paysans
à âne, einbossés dans leur mante et armés de leur
escopette , et des gitanos en voyage. Notre calesero
nous (il remar([U(.'r une vieille gitana accroupie sur le
Paysan des environs de Grenade.
bord de la route ,
près d'un pauvre feu sur lequel
cuisait en plein air un maigre puihcro. « Voyez, nous
dit-il un peu plus loin , voici les dents de cette sorcière
; » et il nous montrait des rochers auxquels leur
forme fantastique a fait
donner le nom de los Dicntes de
la Vicja, et qui ressemblent en effet, avec un peu de
bonne volonté, à la mâchoire accidentée de quelque
vieille sorcière.
A Diezma, nid d'aigle brûlé par le soleil, notre calesero
nous fit d'assez longs loisirs, motivés par la fatigue
de ses chers mulets Bandolero
et Comisario; nous
en fûmes enchantés, car
ce retard nous valut un
spectacle des plus picaresques
: dans la cour d'une
maison à moitié en ruine,
qu'abritait une treille gigantesque,
était assise,
un pandcro à la main, une
jeune gitana de la plus
grande beauté ; sa mère,
ou plutôt sa grand'mère,
debout derrière elle, passait
un vieux peigne édenté
dans ses longs cheveux,
d'un noir bleu .comme
l'aile d'un corbeau; un
chat et une pie, animaux
chers aux sorciers, paraissaient
causer en amis sur
le rebord d'une fenêtre,
tandis qu'un grand lévrier,
dont les oreilles
droites ressemblaient à
deux cornes, regardait les
gitanas d'un air tout à fait
diabolique. «Dépêche-toi,
dis-je à Doré, de crayonner
cette scène, car les
sorcières vont enfourcher
leur balai, et partir pour
le sabbat. » Et, discrètement
abrité derrière un laurier-rose, il en fit en quelques
minutes un ravissant croquis.
Impatients d'atteindre le but de notre voyage, nous
pressâmes le calesero de partir, et bientôt nous traversâmes
Huetor : nous n'étions plus qu'à deux heures de
l'antique ville de Boabdil; enfin, après de nombreuses
montées, nous franchissions une enceinte de murailles
moresques dominant des coteaux couverts de cactus :
nous étions dans Grenade.
{La suite à une autre livraison.)
Ch. Davillier.