LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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390 LE TOUR DU MONDE.J'oiseau, une colline surchargée Je hi vétri'talioii la jilusluxuriante, au pied do laquelle coule le Darro.Revenant sur nos pas, nous suivrons une longue galerieconstruite après la con([uête, et qui vient aboutirà lin petit pavillon qu'on appe'le Tocador île In Reiiia ouPi'inador de la Heina, deux noms qui signifient cabinetde toilette de la reine. Celle petite pièce, qui servaitautrefois d'oialoireaux sultanes, paraît avoir été reconstruiteà l'époque de Charles-Quint ; elle n'a plus riende moresque ; les quatre murs sont décorés de fresquesdans le goût italien de la première moitié du seizièmesiècle, représentant des (jrolcsques en arabesques imitéesdo celles de Jean d'Udine et de Battisia Franco. Cesfresques, d'un style excellent, ont malheureusementbeaucoup soufl'ert, et sont couvertes de noms propres etde toutes sortes d'impertinences, gravées sur la peinture])ar plusieurs générations de visiteurs de tous les pays.Les peintures de la voûte, moins exposées, sont un peumieux conservées, et représentent des médaillons avecbustes, fleuves, métamorphoses et autres sujets mythologiques.Des documents conservés :\ la ConUiduriunous apprennent que les auteurs de ces fresques sontdes Espagnols nommés lîartolomé de Ragis, AlonzoPerez et Juan de la Fuente, et qu'elles furent exécutée?en 1524.A travers les légères colonnes de marbre blanc surmontéesd'arcs surbaissés qui .supportent la toiture, 1;:vue s'étend sur un des plus merveilleux panoramas quiexistent au monde : on aperçoit quand on se penche eudehors un ravin d'une ])rofondeur immense, sur lesbordsduquel s'élèvent des peupliers, treiubles et autre;arbres touffus et serrés; on a le vertige en découvrant,bien bas sous ses pieds, les hautes cimes de ces arbres,qu'on ne voit qu'en raccourci. D'un cùlé s'élève l'imposantetour de Comarès, d'un autre les murs blancs dutîénéralife, qui ressortent sur une masse de verduresombre. Quant à l'immense tableau de la Vega, qui sidéveloppe à l'infini, avec vr\ horizon de montagnes formantune succession graduée de plans, il faudrait, pouiessayer d'en donner une idée, employer la comparaisondes opales, des saphirs et autres pierres des nuances lefplus douces; c'est surtout une heure ou deux avant lecoucher du soleil, après avoir passé notre journée iil'Alhambra, que nous aimions à admirer cet étonnaiwspectacle, et nous restions quelquefois îi le contenipleijusqu'à l'heure où commence le crépuscule.Du Peinador de la Reyna on descend dans le Palioou Jardin de Lindaraja, encombré d'une végétatioitouffue d'orangers, de citronniers, d'acacias et autre.»ailires qui croissent au hasard dans un désordre charmant.Le milieu du Patio est occupé par une belle fontaine,et de deux côtés règne une galerie supportée parde sveltes colonnes de marbre blanc.Le Mirador de Lindaraja, qui domine ce petit jardin,est formé de deux fenêtres en ogive séparées par unecolonne de marbre blanc; il n'est peut-être aucune parliede l'Alhambra où les ornements soient plus riches etd'un meill-'ur style que dans le Mirador. Le tympan (iuis'élève au-dessus des deux fenêtres présente une v.asledécoration composée de caractères couGques formantdes entrelacs et autres dessins variés, et peut passerpour le spécimen le plus beau et le plus complet (.;uiexiste en ce genre; aussi les inscripùons font-elles allusionh cette richesse d'ornements:« Ces appartements renferment tant de merveillesque les yeux du spectateur y restent fixés pour toujours,s'il est doué d'une intelligence qui puisse les apprécier.•tIci descend la tiède brise pour adoucir la rigueur del'hiver, et apporter avec elle un air salubre et tempéré.n En vérité, telles sont les beautés que nous renfermons,que les étoiles descendent du ciel pour nous emprunterleur lumière. »Le Mirador doit son nom à une princesse, dont labeauté est souvent célébrée dans les 7-onianccs et légendesmoresques, sous le nom de Zilindartija, l.indariijii,ou simplement Daraja. La IJermom liindanija,comme on l'appelle souvent, était du sang des .\bencerrages,et fille de Mahamcte, alcayde de Malaga; lesromances la représentent .souvent comme la dame despens('es du valeureux More (iazul, ce qui n'empêchepas qu'elle épousa le prince Nasr, frère de Yoiisouf, undes rois de Grenade.p]n quittant le Jardin de Lindaraja, nous traverseronsla Sala de Secrclos, construite sous Charles-Quint, eiqui doit son nom à un elTet d'acoustique produit par laconformation de la voûte, effet déjà connu du temps desRomains, et qu'il n'est pas rare de rencontrer dansd'autres édifices de diiférentes éjioques : on n'a qu'à chuchoterquelques mots dans l'un des angles, et si basseque soit la voix, elle est entendue très-distinctement parla personne qui applique son oreille à l'angle opposé.La Sala de las Mnfas doit sou nom à deux statues demarbre représentant des déesses ; nous remarquâmesau-dessus de l'arcade intérieui'e un très-beau médaillonen bas-relief, dont le sujet est Jupiter sous la formed'un cygne et caressant Léda; celte remarquable sculpture,qu'on est assez étonné de rencontrer là, est probablementl'ouvrage d'un des nombreux artistes italiensqui vinrent s'établir en Espagne dès la première moitiédu seizième siècle, peut-être du Florentin Torrigiano,ffui travailla quelque temps à Crenade.\ côté du Jardin de Lindaraja se trouvent égalementles anciens bains morcsijues, /o.? Baiios de laStillana; ilssont composés de deux salles qu'on appelle égalementel Baho dcl liey et cl liaiio del Principe, et furent construitspar Mohammed V, .\lghani Rillah (celui (pii seplaît en Dieu), dont la louange se lit parmi les inscriptions;celle-ci, qu'on lit également, montre qu'un autresultan contribua à embellir ces bains: «Gloire à notreseigneur, .Vboul Hadjadj Yousouf, commandeur descroyants : Puisse Dieu lui donner la victoire sur sesennemis!« Rien n'est plus merveilleux ([ue le bonheur dont onjouit dans ce délicieux séjour. »Les soubassements sont garnis de beaux azulejos,formant des bandes d'ornements (ju'on tippelle ccncfas.

Gioeralife,— Dessin de Gustave Doté,

390 LE TOUR DU MONDE.

J'oiseau, une colline surchargée Je hi vétri'talioii la jilus

luxuriante, au pied do laquelle coule le Darro.

Revenant sur nos pas, nous suivrons une longue galerie

construite après la con([uête, et qui vient aboutir

à lin petit pavillon qu'on appe'le Tocador île In Reiiia ou

Pi'inador de la Heina, deux noms qui signifient cabinet

de toilette de la reine. Celle petite pièce, qui servait

autrefois d'oialoireaux sultanes, paraît avoir été reconstruite

à l'époque de Charles-Quint ; elle n'a plus rien

de moresque ; les quatre murs sont décorés de fresques

dans le goût italien de la première moitié du seizième

siècle, représentant des (jrolcsques en arabesques imitées

do celles de Jean d'Udine et de Battisia Franco. Ces

fresques, d'un style excellent, ont malheureusement

beaucoup soufl'ert, et sont couvertes de noms propres et

de toutes sortes d'impertinences, gravées sur la peinture

])ar plusieurs générations de visiteurs de tous les pays.

Les peintures de la voûte, moins exposées, sont un peu

mieux conservées, et représentent des médaillons avec

bustes, fleuves, métamorphoses et autres sujets mythologiques.

Des documents conservés :\ la ConUiduriu

nous apprennent que les auteurs de ces fresques sont

des Espagnols nommés lîartolomé de Ragis, Alonzo

Perez et Juan de la Fuente, et qu'elles furent exécutée?

en 1524.

A travers les légères colonnes de marbre blanc surmontées

d'arcs surbaissés qui .supportent la toiture, 1;:

vue s'étend sur un des plus merveilleux panoramas qui

existent au monde : on aperçoit quand on se penche eu

dehors un ravin d'une ])rofondeur immense, sur lesbords

duquel s'élèvent des peupliers, treiubles et autre;

arbres touffus et serrés; on a le vertige en découvrant,

bien bas sous ses pieds, les hautes cimes de ces arbres,

qu'on ne voit qu'en raccourci. D'un cùlé s'élève l'imposante

tour de Comarès, d'un autre les murs blancs du

tîénéralife, qui ressortent sur une masse de verdure

sombre. Quant à l'immense tableau de la Vega, qui si

développe à l'infini, avec vr\ horizon de montagnes formant

une succession graduée de plans, il faudrait, poui

essayer d'en donner une idée, employer la comparaison

des opales, des saphirs et autres pierres des nuances lef

plus douces; c'est surtout une heure ou deux avant le

coucher du soleil, après avoir passé notre journée ii

l'Alhambra, que nous aimions à admirer cet étonnaiw

spectacle, et nous restions quelquefois îi le conteniplei

jusqu'à l'heure où commence le crépuscule.

Du Peinador de la Reyna on descend dans le Palio

ou Jardin de Lindaraja, encombré d'une végétatioi

touffue d'orangers, de citronniers, d'acacias et autre.»

ailires qui croissent au hasard dans un désordre charmant.

Le milieu du Patio est occupé par une belle fontaine,

et de deux côtés règne une galerie supportée par

de sveltes colonnes de marbre blanc.

Le Mirador de Lindaraja, qui domine ce petit jardin,

est formé de deux fenêtres en ogive séparées par une

colonne de marbre blanc; il n'est peut-être aucune parlie

de l'Alhambra où les ornements soient plus riches et

d'un meill-'ur style que dans le Mirador. Le tympan (iui

s'élève au-dessus des deux fenêtres présente une v.asle

décoration composée de caractères couGques formant

des entrelacs et autres dessins variés, et peut passer

pour le spécimen le plus beau et le plus complet (.;ui

existe en ce genre; aussi les inscripùons font-elles allusion

h cette richesse d'ornements:

« Ces appartements renferment tant de merveilles

que les yeux du spectateur y restent fixés pour toujours,

s'il est doué d'une intelligence qui puisse les apprécier.

•t

Ici descend la tiède brise pour adoucir la rigueur de

l'hiver, et apporter avec elle un air salubre et tempéré.

n En vérité, telles sont les beautés que nous renfermons,

que les étoiles descendent du ciel pour nous emprunter

leur lumière. »

Le Mirador doit son nom à une princesse, dont la

beauté est souvent célébrée dans les 7-onianccs et légendes

moresques, sous le nom de Zilindartija, l.indariijii,

ou simplement Daraja. La IJermom liindanija,

comme on l'appelle souvent, était du sang des .\bencerrages,

et fille de Mahamcte, alcayde de Malaga; les

romances la représentent .souvent comme la dame des

pens('es du valeureux More (iazul, ce qui n'empêche

pas qu'elle épousa le prince Nasr, frère de Yoiisouf, un

des rois de Grenade.

p]n quittant le Jardin de Lindaraja, nous traverserons

la Sala de Secrclos, construite sous Charles-Quint, ei

qui doit son nom à un elTet d'acoustique produit par la

conformation de la voûte, effet déjà connu du temps des

Romains, et qu'il n'est pas rare de rencontrer dans

d'autres édifices de diiférentes éjioques : on n'a qu'à chuchoter

quelques mots dans l'un des angles, et si basse

que soit la voix, elle est entendue très-distinctement par

la personne qui applique son oreille à l'angle opposé.

La Sala de las Mnfas doit sou nom à deux statues de

marbre représentant des déesses ; nous remarquâmes

au-dessus de l'arcade intérieui'e un très-beau médaillon

en bas-relief, dont le sujet est Jupiter sous la forme

d'un cygne et caressant Léda; celte remarquable sculpture,

qu'on est assez étonné de rencontrer là, est probablement

l'ouvrage d'un des nombreux artistes italiens

qui vinrent s'établir en Espagne dès la première moitié

du seizième siècle, peut-être du Florentin Torrigiano,

ffui travailla quelque temps à Crenade.

\ côté du Jardin de Lindaraja se trouvent également

les anciens bains morcsijues, /o.? Baiios de laStillana; ils

sont composés de deux salles qu'on appelle également

el Baho dcl liey et cl liaiio del Principe, et furent construits

par Mohammed V, .\lghani Rillah (celui (pii se

plaît en Dieu), dont la louange se lit parmi les inscriptions;

celle-ci, qu'on lit également, montre qu'un autre

sultan contribua à embellir ces bains: «Gloire à notre

seigneur, .Vboul Hadjadj Yousouf, commandeur des

croyants : Puisse Dieu lui donner la victoire sur ses

ennemis!

« Rien n'est plus merveilleux ([ue le bonheur dont on

jouit dans ce délicieux séjour. »

Les soubassements sont garnis de beaux azulejos,

formant des bandes d'ornements (ju'on tippelle ccncfas.

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