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380 LE TOUR DU MONDE.
de bains, et pour de grandes dalles de pavage. Si nous
en croyons un voyageur italien cpii \isita Grenade peu
de temps après la chute de la ville, Andréa Navagero
« certains ornements étaient en ivoire : I lavori parte
son diyc.iso, con oro assai,e parle di avorio c oroaccompagnato
;
— « ces travaux sont partie en plâtre, avec de
riches dorures, et partie en ivoire accompagné d'or, o
Le même autour nous apprend (|ue, de son temps, le
Patio était déjà planté de myrtes, et qu'on y voyait aussi
quelques orangers : « Da un canlo all'altro del canale vi
e iina spallcra di mirto bellùsima, e alquanli pe di naranci.
»
A droite du Patio de la .\lberca, se trouve le Cuarlo
de la Sullana, autrefois un des plus beaux appartements
de l'Alhambra, mais bien dégradé aujourd'hui, car il
n'y a pas très-longtemps encore il servait de magasin
pour la morue dont on nourrissait les galériens.
De là nous passerons à la célèbre cour des Lions, la
merveille de l'architecture moresque. Le Patio de los
Leones, la partie la plus parfaite du palais de l'Alhambra,
est bien loin d'avoir les grandes dimensions qu'on pourrait
croire, et que lui donnent ordinairement les gravures
de keepsakes ; c'est un parallélogramme qui ne
mesure guère plus de cent pieds sur cinquante, entouré
d'une galerie couverte, avec de petits pavillons à chaque
extrémité. La galerie est supportée par cent vingt-huit
colonnes de marbre blanc que surmontent des arceaux
d'un fini et d'une délicatesse de travail extraordinaires ;
les soubassements, en mosaïque de faïence de couleurs
vai'iées, ont été restaurés de manière à conserver leur
aspect primitif. Les chapiteaux des colonnes, qui offrent
tous les mêmes contours ,
paraissent uniformes au premier
abord; mais si on les examine avec attention, on
s'apercevra facilement que les dessins, arabesques et inscriptions
fouillés dans le marbre sont de la plus grande
variété. Ces chapiteaux étaient autrefois peints et dorés ;
ceux qui ont conservé leurs couleurs primitives font voir
que les arabesques étaient peintes en bleu et les fonds en
rouge ; les inscriptions étaient en or, ainsi qu'une partie
des ornements. L'or dont on se servait venait
d'Afrique, et on le battait en feuilles minces à Grenade.
Cette immense (juantité d'or employée explique les versions
fabuleuses dont nous avons parlé, et par lesquelles
on cherchait à expliquer les prodigieuses dépenses d'un
des rois de Grenade.
On remarque une légère irrégularité dans la disposition
des nombreuses colonnes, tantôt accouplées deux
par deux, tantôt isolées; irrégularité d'un efl'et charmant,
qui a été calculée sans aucun doute pour rompre
la monotonie. Ces colonnes étaient autrefois entièrement
dorées; après la prise de Grenade, on recula devant la
dépense ([u'il fallait faire pour réparer les dorures, et on
trouva beaucoup plus simple et surtout plus productif
de gratter les ornements pour enlever l'or. Les inscriptions,
en caractères coufiques, sont prodiguées partout et
chantent la louange de Dieu ; sur la bande qui entoure
le tympan de l'arc principal, on en remarque une en caractères
cursifs d'une élégance eJilrème, qui contient des
souhaits de bonheur pour le sultan : « Puissent un pouvoir
éternel et une gloire impérissable être le partage du
maître de ce palais! «Cette inscription rappelle l'usage,
très-ancien parmi les Orientau.^, de tracer sur la plupart
des objets usuels des souhaits de bonheur pour le propriétaire.
Au centre du Palio, s'élève la fontaine des Lions (/<(
Taza de los Leones), grande vasque dodéoagonale de
marbre blanc, surmontée d'une aiitre plus petite de
forme ronde, toutes deux ornées d'inscriptions et d'arabesques
en relief du plus beau travail. La vasque inférieure
est supportée par douze lions, également en
marbre blanc; ces lions, qu'on pourrait tout aussi bien
appeler des tigres ou des panthères, sont en réalité des
animaux fantastiques; les artistes mores, habitués à
obéir à leur fantaisie, ne se sont jamais exercés à imiter
la nature avec fidélité : la tête de ces lions, puisqu'il
faut les appeler ainsi,
est grossièrement équarrie et du
dessin le plus primitif; un trou rond figure la gueule
ouverte, par laquelle s'échappe l'eau qui retombe dans
la vasque ;
la crinière est figurée par quelques rayures
parallèles, et quatre supports carrés représentent les
pattes. Malgré celte naïveté ,
qui va jusqu'à la barbarie,
ces monsti-es ont un très-grand caractère décoratif qui
vous saisit
et vous charme, et nous avons vu peu de fontaines
dont l'ensemble soit d'un effet aussi heureux que
la Taza de los Leones. Les inscriptions tant soit peu emphatiques
dont la fontaine moresque est ornée, ont été,
la plupart du temps, traduites infidèlement. En voici la
traduction littérale , cpie nous empruntons à M. de
Gayangos :
a Vois cette masse de perles scintiller de toutes parts
et lancer dans les airs ses globules prismatiques,
« Qui retombent en un cercle d'écume argentée et s'écoulent
ensuite parmi d'autres joyaux surpassant tout en
beauté, comme ils surpassent le marbre même en blancheur
et en transparence. »
' En regardant ce bassin, on croirait voir une solide
masse de glace d'où l'eau s'écoule, et pourtant il est impossible
de dire laquelle des deux est liquide. »
« Ne vois-tu pas comme l'onde coule à la surface,
malgré le courant inft' rieur qui s'efforce d'en arrêter le
progrès
i Comme une amante dont les paupières sont pleines
de larmes et qui les retient, craignant un délateur ? »
tt
Car, en vérité, qu'est cette fontaine, sinon un nuage
bienfaisant qui verse sur les lions ses abondantes eaux ? »
il
» Telles sont les mains du calife quand, dès le matin,
se lève pour répartir de nombreuses récompenses entre
les mains des soldats, les lions de la guerre. »
« toi qui contemples ces lions rampants, sois sans
crainte! la vie leur manque et ils ne peuvent montrer
leur furie. »
. héritier d'.Vnsar ' ! à toi , comme au plus illustre
rejeton d'une branche collatérale, appartient cet orgueil
1. Ansïir ou Ansaiiun est le nom qu'on donne à ceux qui suivirent
Maliomet dans su fuite de Médine. La tribu de Klia/raj, à