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,
37S LE TOUR DU MONDE.
— C'était TAlhambra, seigneur,
El cet autre la mosquée,
Et ici
étaient les Alixares,
Travaillés à merveille;
Le More qui les orna
Gagnait cent doublons par jour;
Et le jour qu'il ne travaillait pas,
Il
en perdait tout autant.
Cet autre, c'est le Gencralife
Jardin qui n'a pas son pareil ;
Et cet autre, bs tours Vermeilles,
Château de grande valeur.
— Si tu le voulais ,
Grenade,
Avec toi je me marierais;
Cordoue et .Séville
Comme arrlies et dot je t'apport'jrais!
— Je suis mariée, roi Don Juan,
Mariée et non pas veuve
,
Et le More qui me possède
M'aime d'un grand amour !
Dans cette antique enceinte de l'Acropole des rois de
Gi-enade il n'est pas une pierre, pour ainsi dire, qui n'ait
sa légende, et qui ne rappelle un événement chanté, dans
quelque romance morisco, comme celui qui précède.
Nous allons maintenant pénétrer dans le palais proprement
dit, la maison royale. Casa rcal, comme on
l'appelle aujourd'hui. Passons de nouveau devant la farade
imposante, mais tant de lois maudite par nous du
palais de Charles-Quint ; arrivé à l'un des angles, nous
tournerons brusquement à droite, et nous suivrons une
étroite et triste ruelle percée dans un coin obscur ;
arrivés
en face d'une petite porte de construclionmoderne et
de l'aspect le plus vulgaire, nous sonnons, et aussitôt un
gardien coiffé du sombrero andalous vient nous ouvrir;
nous le suivons, et bientôt le spectacle le plus magique
vient tout à coup éblouir nos yeux ; nous sommes dans
l'Alhambra.
Le pillais (le l'Allianilira. — Le Patio do. la Alberca ou de Ins Arrayunes.
— Andréa Navagei-o, ambassadeur vénilien, visite l'Alhaniljra
en 1524. — Le Paliu de los icônes, la ï'aio de los l.eones,
les tacbes de sang. — Comment les Abencerrages ont réellement
existé. — Les Zégris en massacrent trente-si.x dans la cour des
Lions.
La cour dans laquelle nous pénétrâmes d'abord s'appelle
le Patio de la Alberca, ce qui signifie en espagnol
la cour du Réservoir, et n'est autre que la traduction du
mot arabe al-her kali, qui a le
même sens; son nom lui
vient d'un bassin ayant la forme d'un parallélogramme
qui occupe le milieu de la cour. Ou prétend cependant
que le mot alberca n'est que la corruption de l'arabe
barkah, bénédiction ; et ce qui rendrait cette version
assez vraisemblable, c'est que le mot barkah se retrouve
souvent parmi les inscriptions arabes qui décorent les
murs du inilio. Les Lspagnols appellent aussi cette cour
patio (le la barca, c'est-à-dire de la barque, nom qui
n'offre aucun sens raisonnable pris dans celte acception,
mais qui s'explique parfaitement, si l'on veut n'y voir
que la répétition du mot arabe harkali.
De chaque côté du bassin s'élève une liaie de myrtes
épais et touffus, f[ui ont fait donner à celle délicieuse
entrée de l'Alhambra le nom Irès-euphonique de palio
de los Arraijanes, cour des myrtes. Ar-rn7jhan signifii'
myrte en arabe, et ce mot, comme tant d'autres de la
même langue, s'est conservé en espagnol sans aucune
altération.
Il
serait difficile de donner une idée de l'extrême élégance
de ce patio, le
plus grand et en même temps un
des mieux ornés de ceux de l'Alhambra : à chaque extrémité
de la pièce d'eau s'élève une galerie ; les arceaux,
ornés d'arabesques encadrées dans des quadrilles,
sontsup|)ortés par de légères colonnes en marbre blanc
de Macael, dont la forme élancée se reflète dans l'eau de
Vestani/ur, calme et unie comme la surface d'un miroir.
Les ornements des murs sont d'une délicatesse extraordinaire
et beaucoup mieux conservés que ceux des autres
pièces; entre les fenêtres et aux angles on voit
l'écusson des rois de Grenade, de la forme usitée au
quinzième siècle, sur laquelle se lit la devise arabe si
connue : Wa la ghnlib illa Allah, Et Dieu seul est vainqueur!
Citons encore, parmi les inscriptions qui ornent
le palio, ces vers d'un poêle aralie :
» Je suis comme la parure d'une fiancée douée de toutes
les beautés et de toutes les perfections ;
Regarde plutôt ce vase, et tu comprendras toute lii
vérité de mon assertion. »
A gauche se trouve la salle où était relégué avec des
débris sans valeur le magnifique vase de l'Alhambra,
aujourd'hui mieux placé, comme nous l'avons dit. Est-ce
à ce vase que
font allusion les vers qu'on vient de lire '!
Ils nous paraissent trop vagues pour ([u'il soit possible
de rien décider à ce sujet.
h' eslanque élait autrefois eutouré d'une riche jialustrade
moresque, qui existait intacte au commencement
de ce siècle; c'est encore le gouverneur Buoarelli, ce
grand dévastateur de l'.Vlhambra, qui la fit enlever h
celle époque, et la vendit ensuite.
A l'époque des Mores, le Patio de la .\lberca formait
le centre de l'Alhambra; à droite, s'élevait la grande
porte d'entrée, qui fut démolie du temps de Charles-
Quint, ainsi que toute la partie composant le palais d'hiver,
pour faire place h. la vatte construction dont nous
avons parlé.
Avant de pénétrer dans les autres salles, il est nécessaire
de faire quelques observations sur les procédés
employés par les Mores pour les ornements qui couvrent
les murs du palais; malgré leur légèreté inouïe et une
délicatesse infinie dans les détails, qui les a fait comparer
h la gui|iure, leur solidité est extrême, et cependant
ils
sont tout simplement en plâtre durci, ou en stuc, dans
le genre du ijesso duro dont les Italiens du quinzième
siècle se servaient pour mouler ces madones en bas-relief
qu'ils ont répétées à l'infini. Le marbre a été trèspeu
emjiloyé dans l'Alhambra, si ce n'est pour les colonnes
et chapiteaux, pour quelques fontaines el salles