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Corndiic
372 LE TOUR DU MONDE.
titre de « BeDeficiado de la Iglesia mayor de la real fortaleza
de la Alhambra • ,
ajoute que l'un est un personnage
distingué et très-connu, et l'autre un mililaiie,
homme de beaucoup de raison et de jugement, et qui
mérite toute confiance.
Le premier rencontra une nuit l'un de ces deux terribles
fantômes; seulement il n'oserait affirmer si c'était
le Caballo descabezado ou le ^'elhido ; il incline pourtant
à croire que c'était le dernier, parce qu'il lui sembla
couvert de laine ou de poil. Le monstre menait à sa suite
un cortège de chevaux invisibles, dont la présence ne se
manifestait que par le bruit de leurs pas. Aussitôt qu'il
le vit s'approcher, il tira un sabr,.- qu'il portait à la
ceinture, et lui porta trois ou quatre coups de taille ; le
fantôme, que la vue des armes effrayait sans doute,
poursuivit son chemin, entraînant sur ses pas la ronde
infernale. Ce fait,
ajoute le narrateur, me fut raconté par
le témoin lui-même sur l'emplacement où arriva l'aventure,
et la manière dont il me la raconta m'assure qu'il
ne mentait pas.
L'autre témoin est encore plus croyable, parce que
non-seulement n vit le fantôme, mais il lui parla :
« Où vas-tu ? lui demanda le Caballo, qui, du reste,
était un fantôme tout à fait raisonnable et plein de courtoisie.
— Je me dirige vers l'enceinte de l'Alhambra, où j'ai
mon domicile.
— Et y vas-tu avec l'intention de cliorcher à découvrir
quelque trésor?
— Pas le moins du monde; je rentre chez moi et ne
me soucie pas des trésors.
— C'est bien, lui dit le Descabezado; pourvu que tu
me promettes de n'y pas tourher, tu peux t'en aller où
bon te semblera. »
Après ces mots, cette canalla del otro mundo, comme
l'appelle naïvement le P. Echeverria, disparut pour continuer
sa promenade infernale.
C'est aux Mores, ajoute le P. Echeverria, qu'il faut
attribuer tous ces sortilèges, car la magie leur était aussi
familière que leur couscoussou.
Quittant le domaine du fantastique pour rentrer dans
la réalité, dirigeons-nous versl'yl /ra^ato, dont un soleil
ardent colore les murailles rugueuses des tons les plus
intenses. L'Alcazaba était la citadelle de l'Alhambra, et
passe pour avoir été construite par Alhamar; on y entrait
autrefois par la torre del llovicnagc (la tour de
l'Hommage), énorme et massive construction qui sert
encore aiijourd hui de prison pour les condamnés militaires.
A un des angles de cette tour, nous remarquâmes une
pierre en forme de pilier, enlevée sans aucun doute par
les Mores aux ruines de l'ancienne Illiberia, et sur lii-
([uellc nous lûmes une inscription qui nous apprit qu'elle
appartenait à un monument élevé par P. Yalerius Lucanus
à sa très-douce éjiouse Gornelia :
vxori
induUjenlissimx. Une petite cour de l'Alcazaba renferme
un très-curieux monument de sculpture arabe qui doit
remonter à une époque fort ancienne : c'est un grand
bassin de marbre dont la forme rap])clle h peu près celle
des sarcophages romains, mais qui paraît avoir été destiné
à recevoir l'eau d'une fontaine.
Sur une des faces sont sculptés quatre groupes affrontés
représentant chacun un sujet répété : c'est un lion
qui, saisissant par le cou un animal qui peut être une gazelle
ou une antilope, s'apprête à le dévorer; les Orientaux
ont assez souvent, malgré la défense du Prophète,
représenté des sujets analogues, tels qu'un faucon dévorant
un lièvre ou une perdrix. Le bas-re'ief en question
est d'un travail barbare et très-naïf, tt rappelle assez
comme faire la fontaine des Lions que nous verrons bientôt
dans l'Alhambra.
A gauche de la tour del Homenage, s'élève celle de la
Armeria, où se trouvait autrefois l'arsenal, comme son
nom l'indique, et qui sert aujourd'hui de caserne. On
nous a assuré qu'au commencement de ce siècle la tour
de la Armeria renfermait encore des armes et armures
très-curieuses provenant des anciens défenseurs de Grenade
, et faisant sans doute partie de celles qui furent
déposées à l'Alhambra lors de la reddition de la citadelle
; car un des articles de la capitulation stijmjait que
toutes les armes devaient être livrées entre les mains des
vainqueurs. Or, ces glorieux trophées, précieux à plus
d'un titre, furent vendus par le gouverneur don Luis
Bucarelli, dont nous avons déjà parlé, pour subvenir à
la dépense d'un combat de taureaux. Qui sait à quels
vulgaires usages ils ont pu servir! Peut-être auront-ils
partagé le triste sort de l'espada valenciana de don
.\lonso de Céspedès, un des meilleurs capitaines de
Charles-Quint : celte fameuse épée, qui pesait quatorze
livres, était de la même fabrique que celle dont François
I" se servait à Pavie; en 1809, elle tomba entre les
mains d'un maçon qui ,
pour utiliser une lame d'une si
bonne trempe , la cassa en plusieurs morceaux et en fit
des truelles et autres instruments. Triste fin d'une épée
qui avait été la terreur des ennemis de l'Espagne !
Pénétrons maintenant dans la fameuse lorre de lu
Vêla ou de la Campana, la plus haute, avec la lorre de
Comarès, de toutes celles de l'.^lhambra, et, comme
toutes les tours moresques, massive et de forme carrée ;
elle servait autrefois de vigie (vcla), et son autre nom
vient de la cloche de l'arrosage {Campana de los riegos),
qu'on appelle encore el lieloj de los labradores, ou l'horloge
des laboureurs, parce qu'elle sert à régler pour les
laboureurs de la "N'ega les heures d'irrigations, au moyen
des différentes combinaisons des campanadas qu'on
frappe ])endant la nuit. La torre de la ^'ela, qui passe
pour avoir été construite sous le règne d'Alhamar, fait
aujourd'hui partie des armes modernes de Grenade,
parce que, dit un auteur local, le son de la cloche produisit,
en 1843, un elfet prodigieux sur les habitants de
la ville, leur donnant un courage sui-naturel pour repousser
les troupes rebelles qui l'assiégeaient.
Après avoir franchi une petite porte basse, nous monterons
un étroit escalier qui conduit à la plate-forme de
la tour de la Yela, el nous serons éblouis par la plus
splendide vue qu'il soit permis à l'homme de rêver : le
golfe de Naples vu du haut du Vésuve, Consiantinople