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370 LE TOUH DU MONDE.
torien arabe Ibn-al-Kliattib, qui dit que peu de temps
après qu'il eut chassé les Almoiavides, le sultan Ibn-alliamar
lit bâtir un palais dans la citadelle ou forteresse
de celte ville, et qu'il y fixa sa résidence, dès qu'une parlie
de l'édifice fut terminée; il n'est donc pas permis
d'en douter, c'est à ce sultan qu'est dû le monument où
résidèrent ensuite les princes de sa dynastie.
Dès le neuvième siècle, il y avait sur la colline qui
s'élève à gauche du Darro, une forteresse appelée Kalatal-hamra,
— le château rouge, et dont les ruines s'appellent
encore aujourd'hui les tours rouges, — torres
bcrmejas. Lorsque Badis Ibn Ilabous quitta Elvira pour
fixer sa résidence à Grenade, il fit construire des murs
autour de la colline et élever une citadelle à laquelle
on donna le nom de KassaLah-al-hamra, c'esl-à-dire la
citadelle rouge, soit à cause de la couleur des murs, soit
à cause de la nature du sol, qui est rougi par l'oxyde de
fer. C'est dans cette Kassabah que Ibn-al-hamar fit construire
le palais qui reçut le nom de Kars-l-hamra, c'està-dire
le palais de l'Alhambra, parce qu'il avait été bâti
dans cette enceinte, et non comme on l'a affirmé souvent,
en souvenir du surnom d'Al-hamar; si tel avait été le
cas, le palais, comme le fait observer M. de Gayangos,
aurait été appelé Kars-1-hamri.
Mohammed II, successeur d'Ibn-al-hamar, répara les
Torres bermejas, et continua l'Alhambra; il l'agrandit
considérablement, et prodigua ses trésors aux nombreux
artisans qu'il fit travailler au palais. Ses successeurs
contribuèrent encore à embellir leur résidence, et il faut
surtout signaler parmi eux Abou-1-hadjadj, qui construisit
l'élégante Puerta del Vino, ainsi que la Puerta
de Justicia; il fit construire plusieurs salles nouvelles,
notamment celle des ambassadeurs, et employa à ces
travaux la plus grande partie de ses revenus. Les dépenses
étaient si considérables ,
qu'on était persuadé
que ses revenus ne lui suffisaient pas , et qu'il cherchait,
comme son contemporain Alphonse le savant,
la source de ses richesses dans le secret de la transmutation
des métaux. Al-Khattih assure qu'il fit repeindre
et redorer tous les appartements du palais, ce
qui dut coûter des sommes d'argent au-dessus de tout
calcul.
il
Le règne d'Abou-1-hadjadj fut des plus prospères, et
sut toujours se maintenir en paix avec les Espagnols,
iait qui explique bien j)lus naturellement que l'alciiimie
les richesses énormes qu'il consacra à l'Alhambra. Les
successeurs de ce sultan ajoutèrent également de nouvelles
constructions à l'Alhambra, mais le règne d'Abou-
1-hadjadj, c'est-à-dire le milieu du quatorzième siècle,
]ieut être considéré comme la plus belle époque de
l'Alcazar
moresque.
Disons aussi quelques mois de l'histoire des dévastations
qu'eut à subir le célèbre j»lais-fortcresse des rois
de Grenade; lamentable histoire, car il semble que, dès
la conquête, les vainqueurs se soient plu à détruire en
(juel(|ues années les chefs-d'œuvre accumulés pendant
près de trois siècles par la patience et le génie des Mores,
dans le plus merveilleux séjour que l'imagination puisse
rêver. L'Alhambra, malgré son apparence légère et gracieuse,
était une construction sohde jusque dans ses
plus petits détails, et a bien moins souffert du temps
que de la main des hommes.
Dès le temps d'Isabelle la Catholique, le zèle exagéré
de quelques moines commença à effacer et à détruire
beaucoup d'inscriptions arabes, qui rappelaieut le souvenir
de » l'abominable secte raahoinétane. » Nous
avons vu précédemment que Charles-Quint, son petitfils,
alla bien plus loin, et qu'il poussa le vandalisme
jusqu'à jeter à bas une grande partie de l'Alhambra,
pour élever sur ses ruines le massif palais qui porte son
nom, lourde construction qui n'a pas été achevée, et qui
ne le sera sans doute jamais. L'empereur allemand ne
se contenta pas de cette profanation, et nous aurons encore
l'occasion d'en constater d'autres consommées par
ses ordres, dans le palais moresque qu'il aurait dû respecter.
Pendant le dix-septième siècle, on n'entendit guère
parler de l'Alhambra; cependant le poète andalou Gongora,
qui visita en 1627 les antiquités de Grenade, leur
a consacré quelques vers très-emphatiques :
Pues ères Granada ilustre ,
Granada de Personages,
Granada de Seraphines
Granada de antiguedades!
A la fin du dLx-septième siècle, l'Alhambra devint un
asile pour les débiteurs insolvables; il servait en même
temps de refuge à toute une population picaresque,
comme des soldats vagabonds, des voleurs et autres gens
sans aveu.
Plus tard, quand le palais moresque fut confié à la
surveillance de gouverneurs, la plupart de ceux qui
avaient pour mission de le garder et de le conserver,
semblèrent s'être donné à l'envi la lâche de hâter sa
ruine. Ce serait une curieuse histoire que celle de ces
dévastations : nous y verrions par exemple le gouverneur
Savera se servant d'un mirador moresque pour y établir
sa cuisine; nous en verrions un autre, don Luis liucarelli,
ancien officier catalan, s'étaJjlir dans les ajipartements
des rois de Grenade, et y loger successivement
ses cinq filles avec ses cinq gendres; c'eît le même, assure-t-on,
qui vendit un jour,i)our payer la dépense d'un
combat de taureaux, les plus beaux azulejos dont la plupart
des salles étaient ornées. A propos des azulejos, un
fail
bien connu à Grenade, et que nous avons entendu
rapporter par plusieurs personnes, c'est qu'on les vendait
au premier venu, pour les broyer et en faire du
ciment comme avec 4ps tuiles : la charge d'un âne ne
coûtait que quelques réaux. Le moment viendra où il ne
restera plus un seul de ces beaux carreaux de faïence :
nous vîmes un jour, dans une des salles de l'Alhambra,
un Anglais qui s'amusait à les enlever du mur, et qui ne
se dérangea pas à notre approche, comme s'il eût fait la
chose du monde la plus naturelle. Ce rival de lord Elgiu
paraissait avoir une grande habitude de ce petit travail,
qu'il exécutait fort habilement au moyen d'un ciseau et