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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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370 LE TOUH DU MONDE.

torien arabe Ibn-al-Kliattib, qui dit que peu de temps

après qu'il eut chassé les Almoiavides, le sultan Ibn-alliamar

lit bâtir un palais dans la citadelle ou forteresse

de celte ville, et qu'il y fixa sa résidence, dès qu'une parlie

de l'édifice fut terminée; il n'est donc pas permis

d'en douter, c'est à ce sultan qu'est dû le monument où

résidèrent ensuite les princes de sa dynastie.

Dès le neuvième siècle, il y avait sur la colline qui

s'élève à gauche du Darro, une forteresse appelée Kalatal-hamra,

— le château rouge, et dont les ruines s'appellent

encore aujourd'hui les tours rouges, — torres

bcrmejas. Lorsque Badis Ibn Ilabous quitta Elvira pour

fixer sa résidence à Grenade, il fit construire des murs

autour de la colline et élever une citadelle à laquelle

on donna le nom de KassaLah-al-hamra, c'esl-à-dire la

citadelle rouge, soit à cause de la couleur des murs, soit

à cause de la nature du sol, qui est rougi par l'oxyde de

fer. C'est dans cette Kassabah que Ibn-al-hamar fit construire

le palais qui reçut le nom de Kars-l-hamra, c'està-dire

le palais de l'Alhambra, parce qu'il avait été bâti

dans cette enceinte, et non comme on l'a affirmé souvent,

en souvenir du surnom d'Al-hamar; si tel avait été le

cas, le palais, comme le fait observer M. de Gayangos,

aurait été appelé Kars-1-hamri.

Mohammed II, successeur d'Ibn-al-hamar, répara les

Torres bermejas, et continua l'Alhambra; il l'agrandit

considérablement, et prodigua ses trésors aux nombreux

artisans qu'il fit travailler au palais. Ses successeurs

contribuèrent encore à embellir leur résidence, et il faut

surtout signaler parmi eux Abou-1-hadjadj, qui construisit

l'élégante Puerta del Vino, ainsi que la Puerta

de Justicia; il fit construire plusieurs salles nouvelles,

notamment celle des ambassadeurs, et employa à ces

travaux la plus grande partie de ses revenus. Les dépenses

étaient si considérables ,

qu'on était persuadé

que ses revenus ne lui suffisaient pas , et qu'il cherchait,

comme son contemporain Alphonse le savant,

la source de ses richesses dans le secret de la transmutation

des métaux. Al-Khattih assure qu'il fit repeindre

et redorer tous les appartements du palais, ce

qui dut coûter des sommes d'argent au-dessus de tout

calcul.

il

Le règne d'Abou-1-hadjadj fut des plus prospères, et

sut toujours se maintenir en paix avec les Espagnols,

iait qui explique bien j)lus naturellement que l'alciiimie

les richesses énormes qu'il consacra à l'Alhambra. Les

successeurs de ce sultan ajoutèrent également de nouvelles

constructions à l'Alhambra, mais le règne d'Abou-

1-hadjadj, c'est-à-dire le milieu du quatorzième siècle,

]ieut être considéré comme la plus belle époque de

l'Alcazar

moresque.

Disons aussi quelques mois de l'histoire des dévastations

qu'eut à subir le célèbre j»lais-fortcresse des rois

de Grenade; lamentable histoire, car il semble que, dès

la conquête, les vainqueurs se soient plu à détruire en

(juel(|ues années les chefs-d'œuvre accumulés pendant

près de trois siècles par la patience et le génie des Mores,

dans le plus merveilleux séjour que l'imagination puisse

rêver. L'Alhambra, malgré son apparence légère et gracieuse,

était une construction sohde jusque dans ses

plus petits détails, et a bien moins souffert du temps

que de la main des hommes.

Dès le temps d'Isabelle la Catholique, le zèle exagéré

de quelques moines commença à effacer et à détruire

beaucoup d'inscriptions arabes, qui rappelaieut le souvenir

de » l'abominable secte raahoinétane. » Nous

avons vu précédemment que Charles-Quint, son petitfils,

alla bien plus loin, et qu'il poussa le vandalisme

jusqu'à jeter à bas une grande partie de l'Alhambra,

pour élever sur ses ruines le massif palais qui porte son

nom, lourde construction qui n'a pas été achevée, et qui

ne le sera sans doute jamais. L'empereur allemand ne

se contenta pas de cette profanation, et nous aurons encore

l'occasion d'en constater d'autres consommées par

ses ordres, dans le palais moresque qu'il aurait dû respecter.

Pendant le dix-septième siècle, on n'entendit guère

parler de l'Alhambra; cependant le poète andalou Gongora,

qui visita en 1627 les antiquités de Grenade, leur

a consacré quelques vers très-emphatiques :

Pues ères Granada ilustre ,

Granada de Personages,

Granada de Seraphines

Granada de antiguedades!

A la fin du dLx-septième siècle, l'Alhambra devint un

asile pour les débiteurs insolvables; il servait en même

temps de refuge à toute une population picaresque,

comme des soldats vagabonds, des voleurs et autres gens

sans aveu.

Plus tard, quand le palais moresque fut confié à la

surveillance de gouverneurs, la plupart de ceux qui

avaient pour mission de le garder et de le conserver,

semblèrent s'être donné à l'envi la lâche de hâter sa

ruine. Ce serait une curieuse histoire que celle de ces

dévastations : nous y verrions par exemple le gouverneur

Savera se servant d'un mirador moresque pour y établir

sa cuisine; nous en verrions un autre, don Luis liucarelli,

ancien officier catalan, s'étaJjlir dans les ajipartements

des rois de Grenade, et y loger successivement

ses cinq filles avec ses cinq gendres; c'eît le même, assure-t-on,

qui vendit un jour,i)our payer la dépense d'un

combat de taureaux, les plus beaux azulejos dont la plupart

des salles étaient ornées. A propos des azulejos, un

fail

bien connu à Grenade, et que nous avons entendu

rapporter par plusieurs personnes, c'est qu'on les vendait

au premier venu, pour les broyer et en faire du

ciment comme avec 4ps tuiles : la charge d'un âne ne

coûtait que quelques réaux. Le moment viendra où il ne

restera plus un seul de ces beaux carreaux de faïence :

nous vîmes un jour, dans une des salles de l'Alhambra,

un Anglais qui s'amusait à les enlever du mur, et qui ne

se dérangea pas à notre approche, comme s'il eût fait la

chose du monde la plus naturelle. Ce rival de lord Elgiu

paraissait avoir une grande habitude de ce petit travail,

qu'il exécutait fort habilement au moyen d'un ciseau et

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