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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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superstition. Nous avions acquis la certitude que dans

les régions montagneuses de plusieurs districts limitrophes,

le Goomsur, le Boad, le Chinna Kimedj', le .Teypore,

des victimes humaines étaient fréquemment offertes,

soit au dieu de la terre , Tado Pennor, soit au

dieu rouge des batailles , Manuck-Soro, — au premier

afin de s'assurer des moissons abondantes ou pour

conjurer un désastre imminent, — au second, à la

veille d'une entreprise militaire quelconque pour se ménager

une chance victorieuse. Indépendamment des victimes

offertes dans un intérêt publjc, il n'était pas rare,

nous disait-on, que des individus en vue de tel ou tel

avantage particulier sollicitassent par les mêmes moyens

la faveur divine. D'une tribu à l'autre, le mobile et le

cérémonial du sacrifice pouvaient différer; mais on retrouvait

chez toutes la même impitoyable cruauté.

L'achat des victimes appelées Mériabs était une condition

essentielle du rite. Ni l'âge, ni le sexe, ni le culte

n'étaient d'ailleurs déterminés; on préférait cependant

les adultes aux enfants ou aux vieillards comme coûtant

plus cher et mieux venus par conséquent de la divinité à

laquelle on les immolait. Le plus ou moins d'embonpoint

était aussi un motif de préférence. Il existait pour

cet odieux trafic des agents professionnels appartenant

presque tous à la caste Panoo. Sans avoir pour eux

l'excuse de la superstition ou de l'ignorance, obéissant

simplement à d'ignobles calculs, ces misérables pourvoyeurs,

cent fois plus dignes de châtiments que les

Khonds eux-mêmes, profitaient des époques de famine

pour aller acheter dans les villages de la plaine des

enfants que leurs parents, abrutis par la misère, leur

livraient à vil prix. Le rapt, l'enlèvement leur étaient

d'ailleurs familiers ; sous prétexte de leur fournir un

travail lucratif, ils attiraient dans les montagnes les

jeunes gens ou les jeunes filles mériabs. Captifs une

fois là, et traités d'ailleurs avec de certains ménagements,

ces malheureux attendaient quelqT:efois pendant plusieurs

années consécutives, avec cette résignation fataliste,

qui se retrouve partout en Orient, le moment où

leur destinée devait s'accomplir. Provisoirement les

jeunes gens travaillaient à la terre pour le compte du

Sirdar qui les avait achetés : fpiant aux jeunes filles, si

le chef du village ne s'arrogeait pas sur elles tous les

droits du maître sur son esclave, elles contractaient à la

longue, soit avec un des jeunes montagnards khonds,

soit avec un de leurs compagnons de captivité, Mériabs

comme elles, une sorte d'hymen imparfait qui les laissait

ainsi cpie leurs enfants sous le coup de la terrible

sentence

Le prix d'achat, variant de soixante à cent trente roupies

', était rarement payé argent comptant. On donnait

plutôt en échange quelques têtes de bétail, des

pourceaux, des chèvres, des vases ou des ornements de

bronze, etc.

Sur le sacrifice même auquel n'avait jamais assisté un

Européen, on n'avait fpie des témoignages indirects.

1. Cent cinquante à trois cent vingt-cfnq Trancs.

LE TOUR DU MONDE. 339

^'oici le résumé de ceux que recueillirent à la même

époque MM. Russell et Ricketts, les commissaires de

Goomsur et de Cuttack :

« La publicité de la cérémonie est une de ses conditions

essentielles. Pendant le mois qui précède, les festins

se multiplient, on s'enivre, on danse autour de la

Mériah, parée de ses plus beaux habits et couronnée de

fleurs. La veUle du sacrifice on l'amène stupéfiée, par

la boisson, au pied d'un poteau que surmonte l'effigie

de la divinité (un paon, un éléphant, etc.). La multitude

se met à danser au son de la musique, et ses hymnes

barbares, adressées à la terre, disent à peu près ceci :

o Nous vous offrons, ô dieu, cette victime, donnez-nous

des saisons clémentes, de riches moissons et la santé ! . . . "

Après quoi, parlant à la victime : « Nous vous avons eue,

continuent-ils, par achat et non par violence ; nous allons

maintenant vous immoler selon nos coutumes-; nul

crime par conséquent ne doit ne nous être imputé.... i

a Le j our d'après on la ramène plongée dans une ivresse

nouvelle, après avoir frotté d'huile certaines parties de

son corps que chaque individu présent vient toucher afin

de s'oindre à son tour en essuyant sur ses cheveux

l'huile que ses doigts ont gardée. Une procession se

forme alors, en tête de laquelle marche la musique, pour

promener la victime portée à bras tout autoxu- du village

et du territoire adjacent. Le prêtre officiant, ou

zani (qui peut appartenir à n'importe quelle caste), ramène

le cortège autour du poteau toujours placé près

de l'idole locale (Zacari Penoo) représentée par trois

grosses pierres. Il accomplit alors le rite appelé pooga,

c'est-à-dire qu'il offre à l'idole des fleurs, de l'encens,

etc., par l'intermédiaire d'un enfant au-dessous de

sept ans, nourri, babillé aux dépens de la communauté,

qui mange toujours seul et auquel on n'impose aucun

des actes réputés impurs. Cet enfant s'appelle le Zoomha.

Cependant une espèce de fosse vient d'être creusée au

pied du poteau; un pourceau, qu'on égorge au bord de

cette fosse, y verse peu à peu tout son sang, et la Mériah,

que l'ivTesse a privée de tout sentiment, est précipitée

dans ce trou fangeux; on lui tient la tête contre t«rre

jusqu'à sufibcation complète. Le zani détache du corps

un morceau de chair et l'enfouit auprès de Tidole comme

une offrande au dieu de la terre. Chacun des assistants

l'imite à son tour, et ceux qui sont venus des villages

environnants emportent les hideux lambeaux qui leur

sont échus pour les enterrer soit aux limites de leur territoire,

soit au pied de leurs idoles respectives. La tête

de la victime demeure intacte et on la laisse, avec les os

dénudés, au fond du trou sanglant que Ion se hâte de

combler.

o Quand l'horrible cérémonie touche à son terme, un

jeune buffle est conduit près du poteau sacré. On lui

coupe les quatre jambes, et après l'avoir ainsi mutilé on

le laisse là jusrpi'aii lendemain. Des femmes viennent

alors, en vêtements d'homme et armées comme des

guerriers, boire, danser, chanter autour de l'animal

expirant; on le tue ensuite, on le mange, et le zani est

renvoyé avec un présent. — Le supplice que je viens de

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