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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE.

Dieu merci, aucun accident grave. A peine étions-nous

repartis qu'un ressort de la calèche s'est cassé en deux;

il a fallu faire la route au petit pas; nous étions fort effrayées,

Mme de Baluseck et moi de la perspective de

continuer le voyage en charrettes chinoises ;

c'est un

triste mode de transport auquel il faudrait condamner

les admirateurs exagérés de la civilisation de l'Empire

du milieu. Heureusement noire sergent du génie a habilement

réparé l'avarie à Toli-Boulack où nous avons

déjeuné, et où les Mongols ont mis nos trois heures

de halte à profit pour réparer les autres voilures

plus ou moins avariées au passage du fossé. Un de nos

malheureux chevaux, qui s'y était cassé la cuisse, a été

abattu, dépecé et dévoré en grillades par les gens de

notre escorte et d'autres nomades accourus sur notre

passage. La chair de cheval est le mets le plus estimé

des Mongols; il n'y a cpie dans les grandes fêles qu'on

tue un de ces animaux pour les festins d'apparat.

•< Il y a à Toli-Boulack une petite pagode en briques

rouges : c'est la seule construction que nous ayons vue

depuis Kalgan , c'est-à-dire pendant six cenis kilomètres.

a La végétation devient de plus en plus rare : on voit

encore par-ci par-là quelques touffes de saxifrages élevant

au milieu des pierres leurs bouquets roses, une

plante grasse épineuse et rampante', quelques maigres

bruyères, et enfin dans les anfracluosités des rochers

un peu de chiendent; depuis que nous avons quitté la

terre des herbes j'ai dit adieu aux iris pourpres, blancs

et jaunes, et aux œillets rouges qui bordaient la route,

et embaumaient la steppe de leur odeur délicieuse. Cette

aridité extrême me fait penser avec regret aux beaux

parcs des palais et des temples de Pékin tapissés de violettes,

de roses, de jasmins, de mauves, et de tant d'autres

charmantes fleurs auxquelles la science n'a pas encore

donné un nom.

<t C'est la journée aux accidents. Un peu avant la station

de Mouhour-Kaclwûm, un de nos postillons a fait

une chute, et a été roulé d'une manière effroyable sous

les jambes des chevaux de l'attelage. Il a été emporte de

suite, et malgré mes questions il m'a été impossible de

savoir de ses nouvelles : les chutes sont si fréquentes que

personne n'a l'air d'y faire attention.

<i Je viens d'assister ici à Hoimioiitch à un spectacle

aussi imposant que pittoresque : nous arrivions, c'était

au coucher du soleil; le désert empourpré par ses derniers

rayons s'étend aride, nu, et infini jusqu'aux extrêmes

limites où la terre se confond avec le ciel; nos

gens avaient dressé notre camp autour de nos tentes

préparées à l'avance; nos charrettes placées en longue

file avaient l'air avec leurs roues énormes, l'étroitesse et

la forme demi-circulaire de leurs capotes, de caissons

d'artillerie rangés en bataille

;

quelques chameaux accroupis

ruminaient les jambes repliées et le cou allongé

en avant à raz de terre comme de gigantesques limaçons

;

nos chevaux entravés erraient {,à et là avec un

1. Plante de la famille des crassula.

bruit de fers ' à la recherche de quelques touffes d'herbe ;

au loin s'étendaient semblables à des champignons une

foule de petites tentes pointues, à pans coupés, carrées

par le haut, auxquelles semblaient commander les nôtres

avec leurs flammes nationales et leurs vastes chapiteaux.

C'est que Homoutch est une des capitales du désert, un

lieu d'arrêt pour les caravanes, et que les pasteurs y affluent

sans cesse de tous les points du Gobi pour y faire

des échanges avec les marchands chinois ou sibériens.

Quoiqu'il n'y ait pa.s d'autres habitations que des tentes

à Homoutch, on rencontre sur ce point une lamaserie

assez vaste, entourée de pyramides funéraires et défendue

par une muraille (voy. p. 333).

« Une foule considérable nous entoura dès que nous

eûmes mis pied à terre : nous voulions visiter avant la

fin du jour la lamaserie située à quelques centaines de

mètres au nord de notre campement. A mesure que nous

avancions, la foule se séparait pour nous livrer passage,

et chacun croisant respectueusement ses mains sur son

front faisait une génuflexion en nous saluant du mot

mcndou ^. Ces hommages qui nous étaient rendus

avaient quelque chose de plus patriarcal, de plus digne,

que le salut chinois ' accompagné de la kyrielle de compliments

obligés, et des perpétuels branlements de tête

qui les font ressembler aux magots qu'ils fabriquent

pour l'exportation européenne. Un lama en robe et bonnet

jaune à pompon rouge vint nous ouvrir les portes

de la lamaserie, et nous servit de guide pour en visiter

les bâtiments qui se composent d'un temple d'architecture

mongole accompagné de plusieurs pagodes chinoises

moins ornées et d'une forme plus écrasée. Rien de tout

cela n'est très-curieux et n'approche comme grandiose

et comme luxe des temples de Pékin. Les pyramides

funéraires qui bordent régulièrement l'enceinte donnent

seules un aspect bizarre à cet ensemble de constructions

; un escalier pratiqué dans leur intérieur mène à

une chambre souterraine contenant des ossements humains

sur lesquels sont gravées en rouge des sentences

mystiques. Homoutch est un lieu renommé pour la sanctification

des morts, Bouddha passant pour en visiter

souvent la lamaserie dans ses pérégrinations mystérieuses

; aussi les Tartares riches obtiennent-ils des lamas,

moyennant des redevances annuelles considérables,

la promesse d'y recevoir la sépulture. La lamaserie

d'Homoutch, construite tout entière, murailles, pyramides

et pagodes en briques enduites d'un vernis blanc

qui a l'éclat et le poli du marbre, se détache avec vigueur

sur l'horizon comme une blanche et fantastique

apparition, réjouissant et reposant les yeux du voyageur

fatigué des teintes sombres du désert. Notre visite faite

et après avoir récompensé notre guide lama, nous nous

sommes acheminés vers nos tentes jjour goûter un repos

que nous avions bien mérité. Le tintement des clochettes

annonçait l'approche de notre caravane de ba-

1

Les entraves dont se senent les Mongols sont des chaînes de fer.

2. Memiou est un souhait de bienvenue.

3. I-es Chinois saluent en portant les deux poings fermés à hauteur

du menton.

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