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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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326 LE TOUR DC MOXDK

les circonstances changent bien la manii-re d'envisager

les choses.

« Le chemin entre Tclmlchouvtài et Tclicula'i était tri'Sjkissable,

mais je n'en dirai pas autant du reste. Le terrain

commence à s'entrecouper de ravins et de mamelons

en dos d'àne; l'herbe est moins toulïue ;

les pierres

jjlus nombreuses; tout annonce l'approche du désert de

Gobi.

Nous avons vu jirès de Onla-llailn au moins vingt-cinq

liuang yang (antilopes) dispersées en petites bandes de

cinq ou six; elles passaient au petit galop devant nous,

et s'arrêtaient sur les escarpements voisins pour nous

regarder à loisir.

Antilopes chassées par des aigles. — Menu d'un déjeuner au désert.

— Étangs couverts d'oiseaux aquatiques. — Les végétaux et les

animaux du Gobi. — lîaux sulfureuses. — Extrêmes variations de

température. — AITreux cahots par suite du mauvais état des chemins.

— Accidents arrivés aux voitures. — Visite à la lamaserie

d'Homoutch.— Altercation curieuse entre un Mongol et sa femme.

— Rencontre d'une caravane dirigée par des marchands sibériens.

— Promenade à dos de chameau. — Danger couru dans

des prairies hourheuses. — Singulier effet de mirage. — Les émigrants

mongols.

Oula-Houdouk , .30 mai au matin. — a J'ai été souffrante

depuis Bombalou ; aussi n'ai-jc pris aucune noie

pendant ces deux jours.

« C'est à Chara-Huda ,

la station qui suit celle de

Bombalou, que les Mongols placent le commencement du

désert de Gobi. Nous allons mettre cinq ou six jours à

le traverser. Heureusement (ju'il est bien moins désolé

à cette époque du jtrinleuips qu'après les chaleurs de

l'été où on n'y trouve plus ni eau jinlalile ni im brin

d'herbe.

ot J'ai remarqué hier un singulier effet de lumière :

par ini grand vent, de nombreux flocons de nuages

sombres passaient sur le disque du soleil qui disparaissait

voilé ou brillait alternativement de tout son éclat ; la

terre a pris la couleur du ciel, et le ciel la couleur de la

terre ; c'est-à-dire qu'en haut tout est devenu d'une

même teinte uniforme, tandis que devant nous des

plaques noires comme de l'encre, entremêlées de taches

de lumière éclatante, couraient aussi ivipides que le vent

sur la .surface du désert.

« Entre Bobotou et Olo-IIoudovk , où nous avons couché

hier, j'ai revu de nombreuses bandes de hoang yang,

mais elles n'avaient pas la sécurité des premières ;

elles

erraient çà et là dans les steppes, effarées et cherchant

en vain un abri; dans les airs, au-dessus de leur tête,

planaient majestueusement deux aigles qui, fascinant

leurs victimes avec le mouvement de trépidation de leiu's

ailes immenses, descendaient ])eu à ])eu en tournoyant

vers la terre. Mais la rapidité de la marche ne m'a pas

permis de voir le dénoûment de ce drame de la nature,

qui sans doute s'est terminé comme ceux qui se jouent

chez les hommes, par l'absorption du jilus laible ])ar le

plus fort.

« Nous étions à Chnra-Moiuvuii à onze heures cl demie

du matin. Il ne faut pas se figurer que nous vivons

comme des cénobites, quoique nous soyons au désert.

Voici le déjeuner qu'Auguste, intendant de M. de liourboulon,

a trouvé le moyen de nous faire servir en pleine

Mongolie : omelette, riz au naturel, jambon demi-sel,

pâté de faisans, confitures de framboise, vin de Bordeaux

et café ! La seule chose qui manquait au menu ,

pour

le vrai bien vivre, c'était le pain frais. On se latigue

bien vite de biscuit, de biscotes et de toutes ces duretéslà.

Le pain de seigle de la provision de Mme de 15aluseck

est bien préférable; détrempé dans l'eau ou dans

du lait, quand on peut s'en procurer, il forme une ])ât('

très-supportable.

« Il y a bien une atitre observation à faire : il m'est

impossible de manger du mouton frais qu'on nous a fait

griller ou rôlir sur des argols ; il en prend un goût insupportable.

Passe encore pour les aliments qu'on fait

bouillir avec ce genre de combustible, le seul qu'il

y ait au désert.

« En arrivant ici à la couchée, à (piali-e heures du

soir, j'ai été me promener pour faire boire mes chiens sur

le bord d'un étang où j'ai joui d'un coiq) d'oeil extraordinaire

: au milieu et sur les bords de l'eau, dans'un encadrement

de roseaux et de gazon vert, s'ébattaient avec

confiance une foule d'oiseaux de toutes couleurs et de

toutes grandeurs; des sarcelles, des canards de difl'érentes

espèces, des cygnes majestueux, des foulques, des

poules d'eau, puis des bandes d'échassiers, bécassines,

ibis, hérons; un troupeau d'antilopes s'abreuvait, sans

se soucier des cris de la gent ailée ;

une bande d'oies

sauvages paissait l'herbe verte ; un superbe faisan doré '

caquetait auprès de ses poules pour les décider à s'approcher

de l'aiguade ; un de nos compagnons croit même

avoir aperçu un couple de faisans vénérés'; enfin d'eux

1. Le coq faisan iloié a reru ilfBuffon le surnom de tricolore luippé

que justifie pirfailfmentson plumage. 11 a la gorge et le venlred'un

lipau piinrprc veloutr, le dos d'une nuance dorée, la couverture des

ailes d'un bleu qui prend au soleil des reflets métalliques. Sa queue

est beaucoup plus longue, plus émaïUée que celle du faisan ordinaire;

au-dessus des plumes de cette queue sortent d'autres plumes

dont la tige est jaune et les barbes écarlates; enfin les plumes de sa

tùte et de son col lui font, lorsqu'il les relève, une aigrette et une

gorgerette, dans lesquelles se retrouvent les plus vives couleurs du

prisme. Il est impossible d'imaginer un plus magnifique oiseau; il

supporte la comparaison avec l'oiseau de paradis lui-même. La femelle

est aussi pauvrement habillée (]ue la poule de nos faisans

ordinaires. Elle pond de dix à trente œufs, suivant son âge ; ces

œufs no sont qu'iui peu plus gros que des œufs de pigeon, et d'une

couleur jaune clair et mouchetés de blanc. Les petits s'élèvent aisément,

les jeunes coqs mettent deux ans à acquérir leur croissance

et leur magnifique livrée.

2. l'hasimms rmcralns (Temminck). On ne connatt encore que

le niMede ceUe espèce origiuau-e de la Chine, où elle paraît être

très-rare. Krédéric Cuvier dit que cet oiseau fait une des plus

grandes richesses des volières des Chinois, et que son exportation

est sévèrement punie, ce dunt il nous est permis de douter. Ce beau

faisan, paré de couleurs fortement tranchées et de la taille du faisant

argenté, a une queue d'une longueur énorme ;

son bec est plus

droit, plus déprimé, et surtout bien moins courbé à la pointe que

celui des autres espaces du groupe; la caroncule est très-étroite et

forme seulement un cercle rouge autour de l'orbite; la queue,

Irès-étagée, aune longueur remarquable, disproportionnée même

|ii)ur la taille de l'oiseau : elle est composée de dix-huit pennes

(llHlI(^,

les médianes, longues de plus d'un mètre trente-huit cenliim:iu<,

forment une gouttière renversée, tanilis que les latérales

S(iiii iréscourlcs. Aucune huppe ou parure accessoire n'orne la tCte

de ce faisan; une calotte blanche en couvre le sommet et descend

sur l'occiput ;

cet e.'pace blanc est bordé sur les côtés par une bande

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