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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE. 303

par les clochetons et les coupoles d'un vaste édifice en

marbre blanc qui domine tout le paysage; les tuiles

dorées de tous ces monuments scintillent au soleil en

opposition avec la sombre verdure des arbres.

<r Mais nous sommes bienlôt rappelés à la réalité par

l'agitation inusitée de nos chevaux.

« Au moment où la cavalcade débouche sur la chaussée

bordée de statues , nous ne sommes plus maîtres de nos

montures qui bronchent et qui renâclent à la vue de

tous ces monstres grimaçants; quelques-uns de nous sont

emportés dans la plaine, d'autres sont forcés de descendre

et de conduire leurs chevaux par la bride ; les plus heureux

passent en leur couvrant les yeux.

I C'est qu'on ne peut rien voir de plus saisissant que ces

lions, ces tigres, ces éléphants, ces rhinocéros, ces buffles,

cinq ou six fois plus grands que nature, couchés ou

debout sur de larges piédestaux, ouvrant leurs gueules

menaçantes peintes en couleur de sang, et qui semblent

rouler dans leurs orbites de pierre l'émail blanc de leurs

yeux.

«t Vus un à un ils sont plutôt grotesques, comme toutes

les sculptures chinoises, mais l'ensemble en est effrayant.

<t A mesure que nous descendons dans le fond de la

vallée, aux bêtes féroces succèdent les animaux (Joniestiques,

serviteurs fidèles de l'homme dont ils annoncent

la présence, les chevaux, les chameaux, les bœufs, puis

enfin, à quelques pas de l'arc de triomphe qui termine

cette avenue magique, les statues des sages, des grands

mandarins, et des empereurs de la dynastie des Mings

dont les restes sont inhumés dans les caveaux des temples

funéraires que nous apercevons sur la colline devant

nous.

o

Ce dernier arc de triomphe rappelle comme proportion

, et comme forme l'arc de triomphe de l'Etoile à

Paris : il est percé sur ses quatre faces de portes monumentales

et cintrées; la voûte en est couverte de sculptures

rappelant des sujets mythologiques.

" Au milieu, oa remarque sur un socle de pierre une

statue gigantesque portant sur son dos un obélisque de

marjire couvert d'inscriptions.

" C'est un monument élevé à la mémoire d'un des ministres

les plus dévoués d'un empereur jVwîgr .- la tortue

est l'emblème funéraire des mandarins de première

classe.

tDe ce point nous commençonsàgravir, pendant cinq

cents mètres environ, une chaussée bordée d'une épaisse

forêt d'arbres séculaires, où s'élèvent de distance en

distance de petites pagodes, et dont des pierres sépulcrales,

débris de quelques tombes détruites par le temps

ou par la main des hommes, encombrent l'approche.

o Enfin nous nous arrêtons devant une enceinte de

murs élevés en pierre blanche qui défend l'entrée de la

sépulture des Mings.

« Pendant que nos Ting-tchais et ceux de la légation anglaise

gravissent la colline et font le tour de l'encemte

murée pour chercher la demeure des gardiens et nous

en faire ou\Tir les portes, nous descendons de cheval,

nous nous asseyons sur un gazon vert à l'ombre des mélèzes

gigantesques ,

et, sur des pierres tumulaires qui

font l'office de tables, nous nous mettons à déjeuner

gaiement.

« vieux empereurs des anciennes dynasties, qui vous

eût dit qu'un jour les barbares du lointain Occident,

dont le nom méprisé arrivait à peine jusqu'à vous, viendraient

troubler la paix de vos mânes avec le cliquetis

de leurs verres et la détonation des bouchons de Champagne

!

«Du reste, tout le paysage a un aspect mélancolique

et saisissant. Celte partie du pays est l'endroit le plus

désert et le moins peuplé que nous ayons vu en Chine.

« Accoutumés à la curiosité des foules qui nous accompagnent

partout, nous sommes agréablement surpris

de cette calme solitude.

« Quelques rares villageois hasardent seuls leur tête

famélique derrière les troncs des vieux arbres pour regarder

avec envie "les pâtés et les poulets de notre déjeuner

rustique.

«Les gardiens ont été bien difficiles à trouver, car

nous avons le temps de déjeuner avant le retour de nos

Ting-lcha'is.

» Enfin, on nous ouvre les portes : le gardien de la première

encemte nous offre le thé, et nous faisons distribuer

de l'argent aux employés de la sépulture impériale

réunis autour de nous.

« En Chine, autant et plus qu'en Europe, c'est là une

tormalité inévitable, et le fameux principe rien pour

rien a dû certainement être inventé dans l'empire du

Milieu.

« Il est vrai que par respect ou pour toute autre cause,

les gardiens se dispensent de nous suivre et nous laissent

parfaitement libres d'aller et de venir à notre gré; c'est

donc un véritable voyage de découvertes que nous

faisons.

« Dès que nous sommes entrés dans l'enceinte sacrée,

nous montons quelques marches et nous nous trouvons

dans une immense cour carrée : les avenues en sont

dallées en marbre blanc veiné de gris, devenu jaunâtre

par la vétusté; au milieu et alentour nous contournons

des pelouses vertes avec des rangées de cyprès et

d'ifs taillés à façon ; cette cour rappelle à s'y méprendre

celle de Versailles, mais sans sa population de statues ;

aux quatre coins sont placés des temples consacrés aux

divinités du ciel et de l'enfer.

ΠUn superbe escalier en marbre, de trente marches,

nous mène à un nouveau carré planté dans le même

style, aussi large, mais moins profond: une épaisse forêt

de cèdres gigantesques l'encadre à droite et à gauche.

Ces arbres, que nous n'avons encore vus nulle paît, font

un effet saisissant avec leur écorce d'un gris presque

blanc et leur feuillage d'un vert tellement sombre, qu'il

en parait noir ;

leurs branches latérales sont si grosses

et étendent si loin leurs panaclies qu'on a été forcé de

les étayer.

« Huit temples à coupoles rondes et superposées suivant

le mode de construction adopté en Chine, mais plus

ornés et plus grands que ceux de la première cour, s'é-

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