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302 LE TOUR DU :\IOXDE.
mandarins d'«i§orte avaient soin de faire évacuer à l'avance
les bâtiments de l'arrière-cour compl(*tement r.*-
servt^s aux voyageurs europi^ns, qui y trouvaient dressés
leurs lits de voyape et un souper à demi civilisé.
Quant à leur suite, Cl)inoi8 de tous prades, ils s'accommodaient
des places libres sur les kangs, ou bien
encor? s'étendaient roulés dans leurs couvertures sur les
nattes qui garnissent les dortoirs.
Ces auberges, dont l'entrée est indiquée la nuit par
de monstrueuses lanternes de couleur, ont des pancartes
faisant réclame en lettres de deux pieds de haut.
On y lit des inscriptions de ce genre :
Hôtel des bons rapports socmu.r, loge ks hâtes passagers,
se charge de toutes a/faires et en garantit le succès.
Ou bien encore : Hôlrl de la vertu récompensée, Weichau
vend bon marché et achète cher.
On peut juger par ces inscriptions fidèlement traduites
de la naïveté des réclames chinoises.
C'est un spectacle bien curieux pour un Européen que
l'agitation et le bruit étourdissant qui se font dansces hôtelleries
à la
tombée de la nuit, surtout dans les grandes
villes commerçantes de la frontière de Mongolie : les
voyageurs vont çà et là en demandant des renseignements,
les porteurs de bagages se disputent, le maître
de la maison vocifère, les domestiques répètent ses ordres,
les garçons du restaurant chantent à tue-tète les
notes des consommateurs, les mendiants nasillent leurs
misères, les charretiers , les chameliers jurent après
leurs animaux qui répondent chacun dans leur langage,
tandis que tous les chiens du voisinage aboient en se
disputant les os et les débris des cuisines.
DE TCHANG-PING-TCHEOU A SUAN-HOA-FOU.
Visite à la sc'piiltiire iIps Mings. — Monolithes à l'ontrép. — MaRnifiqu?
panorama. — Avenue bordée de statues d'animaux Ripantes'iues.
Arcs de triomplie. — Déjeuner sur les pierres
sépulcrales. — Enceinte des monuments funéraires. — Grand
mausolée en marbre. — Merveilleuses sculptures.
La nuit s'écoula sans événement notable à Tchangping-tcheou,
et le lendemain malin à sept heures et
demie, les voyageurs montèrent à cheval pour aller visiter
la sépulture des empereurs delà dynastie des Miiifis
(Ta-ming-feuti) situ('e à onze kilomètres au nord-est.
« Nous ne pouvions passer aussi près de cette agglomération
de monuments qu'on nous avait vant(''S à Pékin
comme un des plus beaux spécimens de l'art chinois au
dix-septième .siècle, sans nous détourner pour aller les
voir. Nous serons les premiers Européens qui aient foulé
de leurs pieds profanes la sépulture des princes de cette
grande dynastie chinoise.
« Nous sommes partis ce matin par un temps superbe
sous la conduite d'un mandarin de Tchang-ping-tchtou.
n Au sortir de la ville, dans la direction du nord-est,
le pays commence à devenir plus accidenté; l'œil est
flatté de l'aspect des collines couvertes d'arbres verts,
pins et mélèzes entremêlés de rochers de granit; le bord
de la roule est planté de ricins qui agitent au vent leurs
larges panaches verts.
« Bientôt après nous descendons dans un chemin
creux où l'on ne voit rien que deux hautes murailles de
terre jaune et de pierres.
« La route se continue ainsi pendant quelque temps
jusqu'à un carrefour auquel ou arrive par un pont délabré
jeté sur un torrent rocailleux.
« Sur une hauteur devant nous, nous apercevons une
réunion de
monolithes gigantesques en pierre de taille
et d'une architecture bizarre.
'
Six pierres brutes d'un seul morceau en forment les
colonnes : elles sont supportées par des piédestaux carrés
couverts de sculptures mythologiques, et décorés de figures
de lions de grandeur naturelle.
t
Ces six colonnes sont couronnées de douze pierres de
la même dimension posées d'aplomb et cimentées, ou
supportées par des socles en pierre, de manière à former
cinq ouvertures carrées dont les plus basses sont celles
des deux extrémités et la plus haute celle du milieu.
<t Au-dessus de "-haque ouverture sont cinq toits à la
chinoise recouverts de tuiles vernissées et dorées, et audessus
de chaque colonne, pour masquer le vide,' six autres
petits toits en miniature construits sur le même
modèle.
" Ce monument a peu d'épaisseur; les pierres en sont
immenses, mais plates; cela fait l'impression d'un décor
en bois comme ceux de nos fêtes publiques.
n C'est l'entrée de la sépulture des Mings, et le point
de départ d'une large chaussée pierréc qui s'étend ;i
perte de vue au milieu d'une plaine nue et aride.
« Cependant dès que nous avons gravi l'escarpement,
nous voyons se dessiner, noyé dans une brume lointaine,
un grand amphithéâtre de collines boisées.
" Les Chinois sont de grands maîtres en di'cors : ils
ont établi ces simples monolithes pour attirer l'attention,
et non pour faire deviner les magnificences qui attendent
le visiteur; ils ont su graduer la surprise dans tout cet
ensemble extraordinaire de constructions.
« La colline s'abaisse à dater du monument que nous
venons de voir, et la chaussée s'élève graduellement audessus
des plaines environnantes.
« Nous parcourons ainsi un espace de cinq ou six cents
]ias, et peu à peu l'horizon s'élargit devant nous; enfin
nous franchissons une brusque dépression de terrain,
et un cri d'admiration s'échappe de toutes les bouches.
n
Sur notre côté, en contre-bas, la vallée parait couverte
de monolithes funéraires de toutes formes et de
toutes dimensions; devant nous se dresse» un arc de
triomphe en marbre blanc percé de trois portes monumentales,
celle du milieu laissant entrevoir une véritable
armée de monstres gigantesques rangés sur les bords
de la chaussée dont ils paraissent défendre renlr('e; plus
loin, au bout de celle chaussée qui s'élève à une grande
hauteur au-dessus du sol, apparaissent d'autres arcs de
triomphe; puis sur une colline qui parait à pic de la distance
oii nous sommes, au milieu d'im magique amphithéâtre
de forêts de pins séculaires, une réunion grandiose
de temples, de kiosques, de pagodes s'étendent à
perte de vue ; enfin ce magnifique panorama est couronné