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Il En
dix-huit
298 LE TOUR DU MONDE.
tentir l'air de leurs chants joyeux, et, à demi nus sous
un soleil ardent, la queue enroulée aalour du crâne,
ils travaillent avec ardeur depuis le point du jour
jusqu'à la tombée delà nuit, ne s'inlerrompant quelques
minutes que pour manger des oif,'nons et une poignée
de riz, pour tirer quelques l>ouflées de leurs pipes, et
pour s'éventer avec ardeur quand le soleil devient trop
chaud, et que h sueur inonle leurs membri.>s robustes.
Les eaux de cette province ne sont ^uère moins e.\-
]jIoitées que le sol.
La pisciculture est pratiquée sur une grande échelle et
(le la manière la plus iutelligeute. Au commencement
du printemps, un grand nombre de marchands de Irai
Je poisson parcourent les campagnes |jour vendre cette
précieuse semence aux propriétaires d'étangs. Les œufs
fécondés par la laitance, sont transportés dans des tonnelets
garnis de mousse humide. Il y a aussi des marchands
d'alevin, babiles plongeurs qui vont prendre
dans les trous des fleuves avec une poche à mailles trèsserrées
des petits poissons nouvellement nés ; on élève
cet alevin dans des étangs particuliers d'oii il est
répandu, quand il est plus fort, dans les lacs et les
grandes réserves. Les Chinois sont parvenus à conserver
dans des bassins artificiels et a nourrir en domesticité
les espèces les plus intéressantes et les plus productives
de leurs fleuves. Dans les vastes étangs situés près
du temple du Ciel, à Pékin, on élève des dorades, une
sorte de brème qui pèse jusqu'à vingt-cinq livres, des
carpes et le lameu.\ gourami ou kia-yu, poisson domestique;
matin et soir les gardiens apportent des herbes
et du grain Ans. poissons qui s'en nourrissent avec avidité,
et qui atteignent en peu de temps des proportions
considérables grâce à cet engraissage forcé. Dans ces
conditions, un étang rap])orte plus à son propriétaire
([ue les meilleures terres de labour.
Les côtes de la iner à l'embouchure du Pei-ho sont
garnies sur toute leur étendue de jiarcs ])our prendre le
poisson à marée basse. Ce sont des mandragues consistant
en plusieurs carrés de cotonnade bleue tendus en
travers sur des bouts de rotin qui sont fi.xés eu.\-mêmes
à de petits piquets se déployant comme les feuillets
d'un paravent; on se sert aussi de la seine et d'un
chalut qui se traîne à fond. On prenJ dans le golfe de
Pe-tche-li des plies, des soles, des flétans, des crapauds
et des brèmes de mer, des dorades, des merlans,
des germons, des morues et une foule d'autres poissons.
On y rencontre des cétacés, cachalots et dauphins,
plusieurs espèces de squales parmi lesquelles le requin
tigre (Sçua/ui liyfin us), ùunl la peau rayée et tachetée .sert
à divers usages industriels, et d'énormes tortues de mer'.
La pêche des rivières qui nous est mieux connue se
fait de ditl'érentes manières fort ingénieuses : il y a la
pèche avec des cormorans privés ', la pêche au feu , au
1. Qu'on veuille bien se rappeler, jioui- tout ce qui est de zoologie
chinoise, que les mêmes noms appli.|ués aux mêmes objets
indiquent des genres semblables, mais des espùces différenlcs.
2. La pÊche aus cormoi-ans a été décrite par beaucoup de voyageurs.
trident, à la nasse et h. l'échiquier; on tend aussi des
tramaux pour barrer le cours d'eau à l'époque des migrations
des j)oissons voyageurs. Le Pii.ho, peu])lé de nombreux
]jêcheurs, présente l'aspect le plus animé : de
grandes bai'ques contiennent des familles eutiùes; les
femmes sont occupées à raccommoder les filets, à fabriquer
des nasses en osier, à vider et à saler les produits
de la ])êche, à transporter dans les étuis les poissons
qu'on veut conserver vivants; les petits enfants, le corps
entouré d'une ceinture natatoire en vessies de porcs,
courent sur les bordages et grimpent comme des chats
aux mâts et le long des cordages; des hommes laissent
tomber à l'eau perpendiculairement leurs vastes échiquiers
qu'ils relèvent sans peine ]jar an méc;inisme ingénieux
en pesant de tout le poids de leur corps sur un
montant en bois qui forme balance; d'autres visitent les
filets dormants qui occupent tout le fond du fleuve et
qui sont reconnaissables aux morceaux de bois flottant çà
et là; enfin quelques-uns descendent le courant en harpon::ant
les gros poissons avec un trident attaché à leur
poignet par une forte corde. Pour no pas efl'aroucher
leur proie, ils ont imaginé de construire une sorte de
radeau composé de deux poutres reliées entre elles par
des barres de bois; c'est absolument la forme d'une
échelle ; l'avant est taillé en pointe, à l'arrière, qui est
carré, est placée une pagaie avec laquelle ils peuvent
godiller. Par un miracle d'équilibre ils parviennent à se
tenir debout un pied sur chacun des montants, le bras
levé et armé du trident et le cou tendu pour apercevoir
le poisson qui dort au soleil à la surface de l'eau. C'est
un spectacle émouvant que de voir cinq ou six pêcheurs
descendant le courant du fleuve eu ligne sur ces frêles
esquifs ; ils ont pour coiffure un grand chapeau de
paille, et pour vêtement une casaque eu jonc tressé
imperméable et une culotte formée de petites tiges de
roseaux non aplaties et cousues ensemble ; leurs jambes
et leurs bras nus sont nerveux et bronzés, leur ligure
est énergique et son expression calme annonce l'habitude
du danger. Cependant, quoi(iu'il arrive souvent
que la proie harponnée plus vigoureuse que le
harponneur lui fasse perdre l'équilibre et le précipite
dans l'eau où il n'a d'autre ressource , s'il ne veut
être entraîné dans ses profondeurs, que de couper la
corde attachée à son poignet, on entend rarement parler
d'accidents, car tous sont excellents nageurs. La uuil, il
se fait un bruit étrange sur les eaux qui sont illuiuiuées
par des torches de résine ; les pêcheurs parcourent en
tout sens le fleuve en exécutant des roulements précipités
sur des tambours de bois afin de chasser le poisson
vers les endroits où sont tendus leurs filets.
C'est à travers des scènes variées de cette nature que
vers une heure de l'après-midi arrivèrent les voyageurs
européens à Cha-ho , village assez important, muré
comme tous ceux du nord de la Chine avec un faubourg
situé entre deux bras de la rivière Cha-hu (rivière de Sable)
petit affluent du Pei-ho.
arrivant à Cha-ho, nous soulliions tous de la
chaleur :
kilomètres franchis à ciieval par un