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iorme exquise, de l'oiseau par leur belle couleur, et de
l'arbre par leur taille imposante.
Tout à coup le mandour de M. Ploëm, qui nous servait
de guide et qui savait le but de notre excursion,
s'arrêta en nous disant :
. Voilà!
— Voilà quoi? dis-je.
— Le premier des grands arbres, monsieur, celui
que l'on voit du Maga-Meudong. »
Et il
m'indiqua du regard une sorte de four, garnie à
son sommet de brancbes et de feuilles, mais que bien
certainement je n'aurais jamais pu prendre pour un
arbre.
i Celui-ci est petit, me dit-il, mais en montant plus
haut ces messieurs en verront de bien plus grands. »
Et en effet, bien que l'échantillon que nous avions devant
les yeux dépassât déjà les limites du vraisemblable,
nous reconnûmes, en arrivant aux lisières de l'immense
forêt, que les arbres devenaient
de plus en plus gros. Chose remarquable
pourtant , ils étaient
presque tous malades; plusieurs
d'entre eux, noirs dans le haut,
étendaient dans les airs leurs
grands bras décharnés. L'on
m'apprit que le soleil en était la
seule cause et que ces vigoureux
végétaux ne pouvaient pas supporter
ses rayons.
Je ne saurais bien exprimer
maintenant, n'ayant plus la réalité
devant les yeux, l'impression
de recueillement que m'inspira la
vue de ces colosses, véritables patriarches
des forêts, témoins sans
doute des anticjues créations et
des époques où la nature était
encore dans toute la fécondité de
sa jeunesse , et qui, encore debout
aujourd'hui , m'entouraient
de la colonnade de leurs troncs géants et me recouvraient
du feuillage de leurs énormes branches.
Le dessin que nous donnons ici représente la fin de
cette zone de troncs malades et le commencement de la
forêt; c'est, à mon sens, un des endroits les plus intéressants
de notre excursion.
A ce moment, une pluie fine qui survint fit tomber
des arbres sur nous une multitude de sangsues terrestres
qui, pénétrant par le collet et les manches de nos
vêtements, nous saignèrent sans scrupule, et dont nos
Indiens nous débarrassèrent en nous frottant avec des
citrons; on sait qu'aux Indes il en pousse presque partout.
En redescendant, nous passâmes auprès des plantations
de quinquina, acclimaté à Java pour la plus grande
prospérité du gouvernement hollandais.
fie vingt à vingt-cinq centimètres de diamètre. J'ai vu plusieurs
de ces plantes aussi hautes que les dattiers du jardin d'acclimatation
d'Alger (six à sept mètres).
LE TOUR DU MONDE. 287
Plus loin, notre mandour trouva dans un tronc d'arbre
encore debout, mais complètement pourri, un
splendide capricorne, dont les longues antennes repliées
dépassaient de beaucoup la longueur du corps, et nous
fit, avec une précision à laquelle j'étais loin de m'attendre,
une description des transformations successives
de cet animal, tour à tour larve, chrysalide, et enfin
insecte étincelant.
Ce n'était pas, du reste, la première fois que je constatais
chez les Malais la connaissance de l'histoire naturelle;
ils sont sous ce rapport bien plus avancés que
nos paysans. Ils savent les reptiles et les insectes dangereux,
ainsi que les moyens de soigner les morsures et
les piqiires ; ils connaissent les plantes et leurs diverses
propriétés; mais je dois malheureusement ajouter que,
quelquefois aussi, ils mettent ces connaissances spéciales
Dessm de M de Wolins
au service des plus mauvais penchants.
A mon avis, la réputation de férocité qu'on a faite aux
animaux des forêts de Java est exagérée
;
j'ai pu m'en convaincre en
parcourant des parages infestés de
bêtes fauves et de reptiles de toutes
sortes, et quoique je n'eusse bien
souvent que des chaussures en
lambeaux et de légers vêtements,
je n'ai jamais été mangé par les tigres
ni bu par les boas. Je suis
donc autorisé à croire que les serpents
et les scorpions fuient pres-
(|ue toujours à l'approche de
l'homme, et que les tigres et les
panthères sont effrayés des pâles
figures des Européens , dont le
teint entièrement décoloré par les
transpirations continuelles, et les
yeux clairs, animés par la fièvre,
n'ont rien de rassurant pour des
animaux habitués à voir les belles
chairs dorées des Malais et leurs
yeux, ordinairement si doux, et
toujours voilés de longs cils : en un mot, nous ne sommes
pas appétissants. Et puis ,
je connais plusieurs
exemples de bêtes féroces parfaitement apprivoisées et
n'ayant donné, pendant plusieurs années de suite, aucun
signe du caractère qu'on prête à leurs races.
Mais quant aux poisons composés et souvent employés
par les Indiens, c'est une autre question, et tout ce qu'on
a dit à ce sujet est resté au-dessous de la vérité. J'ai vu,
pendant mon séjour à Java, plusieurs Européens empoisonnés
par les indigènes. Les substances les plus
généralement employées sont celles qui développent
chez les personnes qui les ont prises, des maladies
connues et naturelles : je ne citerai que le poil court et
noir qui entoure le nœud du bambou vert et qui produit
le rhume de cerveau incurable, la bronchite chronique
et la phthisie pulmonaire, suivant qu'il s'est logé dans
les fosses nasales, les bronches ou le poumon.
Mais le temps était toujours aussi affreux, et nous