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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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iorme exquise, de l'oiseau par leur belle couleur, et de

l'arbre par leur taille imposante.

Tout à coup le mandour de M. Ploëm, qui nous servait

de guide et qui savait le but de notre excursion,

s'arrêta en nous disant :

. Voilà!

— Voilà quoi? dis-je.

— Le premier des grands arbres, monsieur, celui

que l'on voit du Maga-Meudong. »

Et il

m'indiqua du regard une sorte de four, garnie à

son sommet de brancbes et de feuilles, mais que bien

certainement je n'aurais jamais pu prendre pour un

arbre.

i Celui-ci est petit, me dit-il, mais en montant plus

haut ces messieurs en verront de bien plus grands. »

Et en effet, bien que l'échantillon que nous avions devant

les yeux dépassât déjà les limites du vraisemblable,

nous reconnûmes, en arrivant aux lisières de l'immense

forêt, que les arbres devenaient

de plus en plus gros. Chose remarquable

pourtant , ils étaient

presque tous malades; plusieurs

d'entre eux, noirs dans le haut,

étendaient dans les airs leurs

grands bras décharnés. L'on

m'apprit que le soleil en était la

seule cause et que ces vigoureux

végétaux ne pouvaient pas supporter

ses rayons.

Je ne saurais bien exprimer

maintenant, n'ayant plus la réalité

devant les yeux, l'impression

de recueillement que m'inspira la

vue de ces colosses, véritables patriarches

des forêts, témoins sans

doute des anticjues créations et

des époques où la nature était

encore dans toute la fécondité de

sa jeunesse , et qui, encore debout

aujourd'hui , m'entouraient

de la colonnade de leurs troncs géants et me recouvraient

du feuillage de leurs énormes branches.

Le dessin que nous donnons ici représente la fin de

cette zone de troncs malades et le commencement de la

forêt; c'est, à mon sens, un des endroits les plus intéressants

de notre excursion.

A ce moment, une pluie fine qui survint fit tomber

des arbres sur nous une multitude de sangsues terrestres

qui, pénétrant par le collet et les manches de nos

vêtements, nous saignèrent sans scrupule, et dont nos

Indiens nous débarrassèrent en nous frottant avec des

citrons; on sait qu'aux Indes il en pousse presque partout.

En redescendant, nous passâmes auprès des plantations

de quinquina, acclimaté à Java pour la plus grande

prospérité du gouvernement hollandais.

fie vingt à vingt-cinq centimètres de diamètre. J'ai vu plusieurs

de ces plantes aussi hautes que les dattiers du jardin d'acclimatation

d'Alger (six à sept mètres).

LE TOUR DU MONDE. 287

Plus loin, notre mandour trouva dans un tronc d'arbre

encore debout, mais complètement pourri, un

splendide capricorne, dont les longues antennes repliées

dépassaient de beaucoup la longueur du corps, et nous

fit, avec une précision à laquelle j'étais loin de m'attendre,

une description des transformations successives

de cet animal, tour à tour larve, chrysalide, et enfin

insecte étincelant.

Ce n'était pas, du reste, la première fois que je constatais

chez les Malais la connaissance de l'histoire naturelle;

ils sont sous ce rapport bien plus avancés que

nos paysans. Ils savent les reptiles et les insectes dangereux,

ainsi que les moyens de soigner les morsures et

les piqiires ; ils connaissent les plantes et leurs diverses

propriétés; mais je dois malheureusement ajouter que,

quelquefois aussi, ils mettent ces connaissances spéciales

Dessm de M de Wolins

au service des plus mauvais penchants.

A mon avis, la réputation de férocité qu'on a faite aux

animaux des forêts de Java est exagérée

;

j'ai pu m'en convaincre en

parcourant des parages infestés de

bêtes fauves et de reptiles de toutes

sortes, et quoique je n'eusse bien

souvent que des chaussures en

lambeaux et de légers vêtements,

je n'ai jamais été mangé par les tigres

ni bu par les boas. Je suis

donc autorisé à croire que les serpents

et les scorpions fuient pres-

(|ue toujours à l'approche de

l'homme, et que les tigres et les

panthères sont effrayés des pâles

figures des Européens , dont le

teint entièrement décoloré par les

transpirations continuelles, et les

yeux clairs, animés par la fièvre,

n'ont rien de rassurant pour des

animaux habitués à voir les belles

chairs dorées des Malais et leurs

yeux, ordinairement si doux, et

toujours voilés de longs cils : en un mot, nous ne sommes

pas appétissants. Et puis ,

je connais plusieurs

exemples de bêtes féroces parfaitement apprivoisées et

n'ayant donné, pendant plusieurs années de suite, aucun

signe du caractère qu'on prête à leurs races.

Mais quant aux poisons composés et souvent employés

par les Indiens, c'est une autre question, et tout ce qu'on

a dit à ce sujet est resté au-dessous de la vérité. J'ai vu,

pendant mon séjour à Java, plusieurs Européens empoisonnés

par les indigènes. Les substances les plus

généralement employées sont celles qui développent

chez les personnes qui les ont prises, des maladies

connues et naturelles : je ne citerai que le poil court et

noir qui entoure le nœud du bambou vert et qui produit

le rhume de cerveau incurable, la bronchite chronique

et la phthisie pulmonaire, suivant qu'il s'est logé dans

les fosses nasales, les bronches ou le poumon.

Mais le temps était toujours aussi affreux, et nous

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