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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE. 271

vcmeur général toucho, pendanl k's cinq ans de séjour

qu'il fait aux Indes, de supei'bes appointements qu'il

économise ainsi que ses peines. Peu lui importe de rester

quelquefois six ou huit heures de plus qu'il ne faut

pour faire le trajet de sa résidence à Batavia, pourvu

qu'il retourne riche en Hollande. Et puis, voilà deux cent

cinquante ans que cela dure ainsi : cela peut encore

continuer, n

J'allais m'incliner en signe d'assentiment, quand la

voiture s'arrêta tout à coup; nous étions entrés jusqu'aux

essieux dans une fondrière.

Nous y serions sans doute restés, maigi'é les cris et

les coups de fouet, sans une voiture qui nous rejoignit

et nous prêta ses chevaux. Mais un peu plus loin, ce

fut à recommencer; on attela des buffles qui cassèrent

les traits, et nous fûmes obligés de mettre pied à terre

et de décharger les malles pour alléger la voiture;

nous en sortîmes pourtant cette fois encore, mais non

sans peine.

Nous eûmes aussi à faire l'épreuve du caractère des

chevaux de Java, qui ont parfois les lubies les plus singulières

et même les plus dangereuses. L'un des nôtres

se contenta de refuser tout à coup de marcher et se

fit traîner par ses camarades , et ce ne fut qu'après

qu'on l'eût dételé et changé de place, qu'il se décida à

reprendre son allure habituelle

Plus loin, dans une route parallèle à celle des voitures,

nous vîmes des kahars traînés par des buffles qui

s'étaient tellement enfouis dans la boue, que chars et

animaux ne la dépassaient plus que de quelques centimètres.

Ajoutons, pour être juste, que les buffles préfèrent

les routes les plus profondément bourbeuses, malgré le

surcroît de tirage.

Bref, partis de Batavia à six heures du matin, nous

arrivâmes à Boghor à une heure et demie ;

c'est-àdire

que nous avions mis huit heures pour faire dix

lieues. Décidément, le gouvernement hollandais ne fait

rien ou presque rien pour faciliter les communications

avec l'intérieur : il est vrai qu'il a ses raisons pour

cela.

A mon arrivée à l'hôtel Bellevue, je fus cordialement

accueilli par le propriétaire, M. Grenier, et logé dans

un ravissant pavillon qui porte le nom de Villa d'Amore.

Je n'ai pas encore rencontré dans tous les pays que j'ai

parcourus une habitation aussi admirablement située.

De ma fenêtre, j'aperçois en face le groupe du Salac,

couvert jusqu'à ses cimes les plus élevées de la splendide

végétation des tropiques; sur ma gauche, toute la

chaîne des montagnes du Bantam, et, au-dessous, les

croupes veloutées de Tjomas cjui s'abaissent et viennent

baigner leurs pieds dans la belle rivière qui coule au

centre du tableau, à cent mètres au-dessous de moi; à

ma droite, s'élèvent de grands cocotiers par-dessus lesquels

j'aperçois dans le lointain les bases du Pangrangoh

Non-seulement je me déclare impuissant à décrire ce

splendide paysage, mais je ne me suis même jamais

senti le courage d'en faire le dessin. Gomment reproduire

cet ensemble merveilleux ? Comment ne pas perdre,

en le réduisant, le charme infini du détail? Ces

fourrés impénétrables, celte mer a'arbres que le vent

agite sans cesse et que le soleil, dans sa course, fait

changer à chaque instant d'aspect ? Et cette rivière,

tour à tour or, feu, argent, opale, serpentant à travers

les sombres masses de verdure?

Je n'oubherai jamais les heures délicieuses que j'ai

passées, mollement bercé par mon hamac, sur la terrasse

de la Villa d'Amore, à admirer les couchers du

soleil. Chaque soir c'était un nouveau spectacle. Je ne

me lassais pas de regarder ce tableau mouvant, ces vallées

graduellement envahies par les ombres de la nuit,

ces coteaux resplendissants de lumière tout à l'heure et

revêtus maintenant des tons les plus puissants du vert,

enfin tout cet admirable panorama rpii finissait par se

confondre en une masse imposante, riche de détails

perdus, de formes disparues, de tons effacés ! J'oubliais

tout alors, et n'eût été ma pensée, qui suivait avec inquiétude

un navire voguant vers la France, mon bonheur

eût été complet.

Après avoir visité l'établissement de M. Grenier,

j'allai faire un tour par la ville. Bien moins important

que Batavia et que Soërabaija, Boghor diffère essentiellement

de ces deux villes, en ce qu'il est construit

sur les collines qui forment les premières croupes du

groupe du grand Salak, volcan à demi éteint. Sauf le

palais du gouverneur général, un Versailles en petit, je

ne vois aucun monument remarquable; mais par exemple

ce palais possède le plus beau jardin botanique du

monde. Signalons ici les superbes banians c[ui s'y trouvent;

ces arbres, qu'on peut justement appeler multipliants,

étalent au loin leurs branches énormes qui, s'inclinant

vers le sol et y reprenant racine, soutiennent

l'arbre géant de leurs puissants élais. Il y a là une allée,

taillée dans un seul de ces banians, dans laquelle peuvent

passer six voitures de front, pendant six ou huit

minutes, et au trot de leurs chevaux. Notons encore une

collection complète de la famille des palmiers, réunion

certainement unique dans le monde entier.

Les environs de la ville sont véritablement un paradis

terrestre. La végétation est ici plus vivace et plus

vigoureuse encore que dans la plaine de Batavia. Les

mouvements du sol, brusques et imprévus, révèlent facilement

leur origine volcanique et donnent au paysage

un caractère particulier. Ce sont de profondes vallées,

des collines arrondies par endroits, ailleurs déchirées de

profonds ravins, au fond desquels murmurent des eaux

bouillonnantes, dérobées à la vue par de formidables

épaisseurs de plantes de toutes sortes. Du côté de Batavia,

le pays s'ouvre tout à coup et offre à l'œil charmé

de longues perspectives, de larges rivières, des torrents

impétueux.

Je remarque, au-dessus de ces torrents, de merveilleux

ponts suspendus, de l'architecture la plus solide et

la plus ingénieuse, et dont le bambou, le Protée indien,

etf[uelques pierres font lous les frais.

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