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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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270 LE TOUR DU MONDE.

nant l'exem]ile del'i'nergio et du dévouement, cet homme

était parvenu à réveiller de leur apatliie désespérée ses

malheureux concitoyens et avait su tirer le meilleur parti

des qualiti's qui les rendent si propres à une pierre d'escarmouches;

son plan était conduit avec tant d'intelligence

et de bravoure qu'il put même un icstant esjjérer la

réalisation

des rêves ([u'il avait faits pour l'avenir de son

pays. Mais la plus odieuse des lâchetés débarrassa de lui

les Hollandais : attiré dans leur camp .sous prétexte de

parlementer, il y fut immédiatement passé par les armes.

Du moins les indigènes ne furent point ingrats à

son égard, et son nom est encore prononcé aujourd'hui

comme celui d'un héros et d'un martyr.

Les territoires de Solo et de Djiokdjiokkarta offrent

un grand nombre de ruines très-intéressantes ;

on y

découvre les traces de villes entières, et principalement

d'édifices religieux. Je ne citerai que les merveilles de la

montagne du Guenhung-Dieng, située sur la limite de la

résidence de Pékalongang, et où on a retrouvé, prétend-on,

les restes de quatre cents temples. C'est beaucoup

sans doute, et l'on pourrait supposer plus judicieusement

que ce sont les vestiges de quelque antique cité :

nous ne voudrions rien affirmer cependant, car, suivant

les vieilles traditions, Guenhung-Dieng a été le berceau

de la mythologie malaise et le séjour de plusieurs dieux

du pays. Malgré tout, on est bien réduit à se livrer à

des conjectures, car la vue de toutes ces choses si cui-ieuses

est presque absolument interdite.

Mais revenons à notre voyage. Désolé de n'avoir pas

pu voir les cours de Solo et de Djiokdjiokkarta, et surtout

les grands temples de Boroli-Bodoh, dont j'ai parlé plus

haut, j'étais donc revenu par mer à Batavia, où je sollicitai

vainement la permission de me rendre à Boghor

(Buitenzoorg, Sans-Souci)'. Mais comme j'étais décidé

à ne pas revenir en Europe sans avoir visité l'intérieur

du pays de Java, je me passai bravement de l'autorisation

de rigueur et montai à tout hasard en diligence.

On ne peut pas se faire en P'urope une juste idée de ce

qu'est un voyage en poste dans l'île de Java : on est littéralement

ahuri par la rapidité de la course, par les cris

et les coups de fouet des Indiens qui courent après les

chevaux, et les excitent du geste et de la voLx ; le cocher,

lui, ne fait que maintenir l'attelage dans la direction de

la route, ce qui n'est pas une mince besogne, grâce aux

caprices et aux emportements des chevaux indigènes;

son fouet ne lui sert que dans les grandes occasions,

et autant pour réveiller l'attention de ses <t garçons a

que pour rappeler à l'ordre un des quadrupèdes indociles.

Nous voilà donc en voiture, roulant, volant plutôt sur

la route de Boghor. Nous eûmes bientôt dépassé Cramatt,

Meister-Gornelis, et vîmes le grand bourg chinois

a))i)elé

Biddaralh-Tchina. Là, nous relayâmes et prîmes

deux nouveaux voyageurs, un officier hollandais, roide

1. Je préfère, et j'adopte dans ce récit, le nom inilion Boghor

au nom hollandais Buileiizoorg (Sans-Souci), étrange souvenir do

la célèbre résidence de l''rédéric

II.

comme un bâton de sucre de pomme, et un mulâtre javanais,

fort riche, qui revenait de Paris.

Ce dernier, bon homme au fond, ne tarda pas à engager

avec moi une conversation en malais assez fatigante.

.\près m'avoir adressé mille questions indiscrètes

au.xquelles je ne répondais que très-laconiquement, il

m'apprit qu'il avait dépensé vingt-cinq mille roupies

dans son voyage en France, et qu'il en avait rapporté une

foule de curiosités qu'il me fallut admirer ; entre autres

choses, je vis un magnifique diamant que le Vandale

avait fait tailler comme une vitre, et sur lequel il avait

fait faire une photographie microscoj)ique représentant

son intéressante personne.

Pendant toute notre conversation, l'officier hollandais

était resté muet et dédaigneux : tout au plus s'était-il une

ou deux fois interrompu de fumer pour pester contre la

lenteur des chevaux et la mollesse des « garçons ». Il

est vrai qu'à ses yeux un Français et un métis ne faisaient

pas à eux deux un homme , et d'ailleurs noire entrelien

n'était que médiocrement intéressant.

Tout alla bien jusqi>au troisième relais; mais là commencèrent

pour nous des tribulations maintenant inconnues

en Europe, grâce à nos administrations prévoyantes

et à nos ingénieurs des ponts et chaussées. De temps en

temps je voyais notre cocher lancer ses six chevaux à

toutes brides, mais sans comprendre pourquoi. J'en demandai

l'explication à l'officier.

et Vous voyez sur la route ces endroits humides? me

répondit-il.

Parfaitement.

— Eh bien, monsieur, ce sont des bourbiers qui rendent

le tirage des chevaux très-dur et que le cocher cherche

à leur faire franchir le plus rapidement possible,

car souvent ils se découragent....

El on y reste?

Naturellement.

Alors, ces routes sont détestables ?

— Vous l'avez dit.

— Mais, dans un pays qui abonde en bois durs et

imperméables, ne serait-il pas facile, en couchant quelques

troncs d'arbres dans ces bourliiers, de remédier à

cela?

— Ce serait la chose du monde la plus simple, d'autant

plus ((ue le gouvernement vient de voter quatrevingt

mille roupies pour l'entretien de cette route.

— Cent soixante-dix mille francs! m'écriai-je, et on

ne fait rien dans un pays où la main-d'œuvre est à vil

prix ?

— Le bois manque.

Au milieu de ces splendides foi-èls?

Il est défendu de les exploiter.

— Ah I très-bien I... Mais le gouverneur, qui parcourt

cette route doux fois par mois, aurait tout intérêt à la

faire réparer, ne fût-ce que ])nur sa commodité personnelle?

— Il s'est embourbé ici très-souvent, en cfl'ct.

— Eh bien ?

— Monsieur, me dit l'officier, Son Excellence le gou-

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