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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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bambou et en papier de toutes couleurs ,

sortes d'exvoto,

grâce auxquels les Javanais superstitieux pensent

s'attirer certaines faveurs : grande richesse, nombreuse

lignée, etc. Rien n'est plus singulier cp.ie de voir les

familles aller en procession attacher ces offrandes aux

arbres consacrés. Le plus petit des enfants ouvre la

marche, portant entre ses mains l'ornement décrit plus

haut; puis viennent les autres enfants, l'un derrière

l'autre, par rang d'âge et de taille ;

LE TOUR DU MONDE. 267

puis la mère, et enfin

le père qui les domine tous et qui ferme la marche en

surveillant toute la colonne.

Peu de temps avant mon départ de Soërabaija, un navire

hollandais qui traversait l'océan Pacifique après

avoir doublé le cap Horn, ramena un singulier sauvetage

qu'il avait fait à la hauteur de la Nouvelle-Guinée, mais

très-avant dans la mer : c'étaient des Papous, montés

sur une pirogue, qui ayant été poussés au large par les

vents, sans vivres et sans ressources, erraient ainsi, depuis

longtemps déjà, et avaient même été réduits à manger

de la chair humaine. Trois de ces malheureux, une

femme et deux hommes, subsistaient encore lorsqu'on

les recueillit. Aucun officier du bord ne savait parler la

langue papoue, et on ne put s'exjiliquer avec eux que par

signes; on les soigna du mieux qu'on put et on les amena

à Soërabaija, où personne non plus ne pai-lait de langue

qui leur fût connue ; on ne pouvait même affirmer que

ce fussent des Papous, mais tout le faisait présumer. Je

les ai vus plusieurs fois, d'abord dans la prison, où on

les avait logés, et ensuite dans leurs promenades parles

rues. Ils ont le front déprimé, les traits extrêmement

sauvages, mais plutôt stupides que féroces ;

et ce qui

contribue le plus à leur donner un type extraordinaire,

ce sont leurs énormes oreilles tombant jusque sur leurs

épaules, et semblables à celles des chiens courants de

race normande. Je pense qu'ils les allongent ainsi par

des moyens particuliers, d'autant plus qu'ils s'en font

une coquetterie; l'ourlet de leurs oreilles est en effet

percé de petits trous qu'ils garnissent de pierreries noires

; et celles qui n'avaient pas ces ornements me faisaient

l'effet d'huîtres perlières dépouillées de leurs

perles. Ces pauvres diables commençaient à savoir

quelques mots malais quand je dus quitter Soërabaija.

En faisant mes emplettes de départ, je voulus acheter

quelques-uns de ces Leaux sarhongs que j'avais

vu teindre, comme je l'ai décrit plus haut, et je pus

pénétrer plus avant dans l'intimité des familles des

fabricants. Je fus étonné du grand nombre d'enfants

malades que je rencontrai dans ces visites, et surtout

indigné du peu de soins qu'on leur donnait. L'incurie des

Javanais pour l'hygiène des enfants est tout ce qu'on

peut imaginer de plus révoltant : j'ai vu un pauvre petit

garçon de quatre ans, atteint de la dyssenterie, dont

tous les membres étaient réduits à la plus effrayante

maigreur, à l'agonie enfin, et que des soins bien entendus

auraient pu soulager sinon guérir, et auquel ses

parents ne donnaient même pas le médicament ordinaire

du pays, l'eau de riz, le laissant manger n'importe quel

fruit vert et boire de l'eau froide immédiatement après.

Aux observations que je crus devoir faire, on répondit

avec la plus parfaite tranquillité qu'il fallait céder à ses

caprices, ne pas contrarier les malades. Et ce fait est

loin d'être le seul que je pourrais citer.

Peut - être l'excuse de pareilles monstruosités se

trouve-t-elle dans la profonde indifférence de la mort

qui caractérise tous les peuples musulmans. Ici, en effet,

la mort n'a rien de lugubre ni de solennel : on n'a pour

elle aucun respect, on n'y attache aucune importance ;

on meurt soi-même stoïquement, on voit mourir les

autres sans chagrin. On rit et l'on causj dans la maison

où se trouve un mort, dans les céri'monies funèbres,

dans les cimetières; et ces habitudes, quelque choquantes

qu'elles soient pour notre philosophie d'Europe,

ont leur explication et leur raison d'être dans les dogmes

de la religion des musulmans pour qui la mort n'est

pas un accident, un malheur, mais bien la conclusion

nécessaire de la vie actuelle, un changement d'état, une

transition. Ce mépris de la mort n'est pas d'ailleurs à

tous égards une mauvaise tendance, et il est vrai que,

devant les usages et les mœurs d'un pays où tout est

presque encore mystérieux pour nous, nous ne devons

pas nous hâter de former des jugements téméraires; il

faut toujours y regarder à deux fois avant de flétrir un

peuple de l'épithète de sauvage.

BOGHOR.

De Batavia à Boghor. Accidents de voyag-e. — Boglior (Buitenzoorg,

Sans Souci). — La villa d'Amoie. — Le jardin botanique.

— Les environs. — Le pont de Lambou.

Mon plan de campagne était de revenir de Soërabaija

à Batavia par terre ;

mais des circonstances étrangères à

ce récit me contraignirent à reprendre par mer le chemin

que j'avais déjà parcouru. La préférence que j'aurais

voulu donner cette fois-ci au vulgaire plancher des

vaches sur les poétiques plaines de Neptune, s'explique

assez par les mille

curiosités que me promettait cet itinéraire.

En effet, j'aurais rencontré sur ma route les résidences

de l'empereur de Java et du sultan, souverains de Solo

(Soërokarta) et Djiokdjiokkarta, et de leurs nobles familles.

Les dessins de notre illustre ami Bida, faits

d'après les documents les plus authentiques, reproduiront

bien ici les traits de quelques-uns de ces augustes

personnages; mais les difficultés qui s'opposèrent à mon

voyage dans l'intérieur, m'empêchent de décrire les

cours de ces souverains et les singuliers usages que l'on

y suit.

Des personnes dignes de foi m'ont bien donné de curieux

renseignements sur l'étiquette méticuleuse qui

règne dans ces cours orientales et les actes étranges

qu'elle impose aux courtisans. On m'a bien dit cpie nul

homme, si noble et si puissant qu'il soit, n'ose se présenter

devant le prince qu'en tenant ses jambes croisées

sous lui, à la façon de nos culs-de-jatte, et en se traînant

sur les mains ;

que , lorsque le souverain sort à

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