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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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266 LE TOUR DU MONDE.

de réchellf elle se débattit avec violence, poussa des

cris affreux et s'échappa presque des mains de ses

bourreaux. Je répugne à dire les détails de son agonie,

qui furent épouvantables.

Les deux corps devaient rester exposés pendant six

heures.

Je m'éloignai du théâtre de ces scènes odieuses le

cœur rempli de douleur et de tristesse. En effet, quand

même ces cruautés ne seraient pas défendues par les

lois de la plus simple humanité, elles n'en seraient pas

moins ici complètement inutiles, à mon avis ; car, d'après

la connaissance que je crois avoir du caractère des

Indiens de Java, je suis convaincu que la seule privation

de la liberté, soit temporaire, soit à vie, leur est un

châtiment bien plus fort que toutes les peines physiques.

C'est ici le contraire de ce qui se passe en Europe, où

nous voyons des scélérats endurcis, rendus jurisconsultes

par l'expérience, s'arrêter dans le crime au degré

qui leur vaudra la prison, où ils retrouvent leur milieu,

leur société, et où l'on pourrait presque dire qu'ils vivent

heureux, si les scélérats pouvaient l'être.

Mais détournons les yeux de ces sombres tableaux ;

sortons des villes où l'on venge la société d'un crime

commis par un autre crime ; retournons au sein de la

splendide et généreuse nature, qui toujours charme et

toujours console; remontons les rives de ce Ijeau fleuve

qui traverse Soërabaija, et qu'on a si justement nommé

le Kahli-Mass, le fleuve d'or. Après s'être précipité des

flancs des montagnes, il roule maintenant dans la

plaine, large et majestueux. Suivons-le sous ces bambous

gigantesques, qui poussent en gerbes immenses,

semblables à des jeux d'orgue, et lui font un dôme de

verdure. Ici, sont amarrées des flottilles innombrables

de ces longs bateaux dont j'ai parlé déjà et dont un

grand nombre portent sur le milieu du pont et dans

toute leur longueur de gracieuses cabanes recouvertes

du chaume indigène. L'endroit, très-propice pour le

bain, attire une foule d'Indiens qui viennent accomplir

là les ablutions musulmanes. Les formes admirables des

baigneurs, ces groupes de jolies embarcations, les capricieux

méandres de la paisible rivière, celte verdure

éternelle, en un mot ce spectacle enchanteur nous purifiera

peut-être du souvenir de ces crimes affreux et de

leurs sanglantes représailles.

Les environs de Soêrabaija n'ofirent pas seulement

des paysages remarquables; on y trouve aussi des

monuments très -intéressants pour l'artiste et l'archéologue.

Je veux parler des fragments d'antiquités

iudoues qui s'y rencontrent en très-grand nombre, ruines

qui ont encore conservé ce caractère de force et de

grandeur qui a toujours distingué les arts primitifs. Ce

sont presque toutes des blocs de granit admirablement

sculptés quoique d'un dessin très-naïf et représentant

tous les motifs connus dans les pays où règne encore le

brahmiuisme : d'abord des animaux fabuleux, des chimères,

des griffons, des serpents; puis quelques figures

d'un beau style, et non sans analogie avec les conceptions

de la sculpture égyptienne. Ce sont pour la pluuart

des incarnations de la divinité indoue : un personnage

assis, ])ar exemple, à tête d'éléphant, tenant ses mains

sur ses genoux, et pourvu de trois ou quatre autres paires

de bras qu'il étage autour de sa tète en forme d'éventail;

c'est aussi une femme à huit bras, se tenant debout

sur un buffle. Plusieurs personnes qui connaissent

les Indes anglaises m'affirment que ce sont là exactement

les mêmes idoles, la même pensée, la même facture, le

même art enfin. Cela doit d'autant moins étonner que le

bouddhisme, puis le brahminisme furent jadis la religion

nationale à Java, quoiqu'ils soient aujourd'hui complètement

disparus des plaines dont tous les habitants

sont convertis à l'islamisme, et qu'ils ne conservent

quelques adeptes que dans les parties les plus inaccessibles

des montagnes et dans l'Ile de Bali, toute voisine

de celle de Java.

Peu de pays du reste sont plus féconds en curiosités

archéologiques que celui de Java. Dans l'intérieur, les

ruines d'une multitude de temples attestent encore par

leur a.spect imposant la force et la grandeur de la religion

qui en avait jadis inspiré l'architecture ; la plupart

sont malheureusement presque tout à fait ensevelis sons

la puissante végétation du pays, et quelques-uns ont été

détruits en tout ou en partie par les tremblements de terre.

Le plus remarquable est, dit-on, le temple bouddhique

de Eoroh-Bodoh, dont on fait remonter la construction au

sixième siècle de notre ère. Haut de trente mètres environ

et occupant une superlicie de terrain de deux cents mètres

carrés, il s'élève sur le sommet d'une colline. C'est un

grand édifice carré, composé de sept rangs de murailles

en étages , surmonté d'un dôme d'environ quinze mètres

de diamètre, et entouré d'un triple cercle de tours,

au nombre de soixante-douze, toutes surmontées Je statues.

Quatre cents niches sont pratiquées dans le parapet

extérieur et toutes occupées par une statue de Bouddlia.

Toutes ces images, ainsi que les innombrables sculptures,

dues au ciseau le plus riche et le plus fin,

qui couvrent

les murailles du mcnument dont nous parlons et

de tant d'autres encore, offriraient sans doute à l'iconograplie

les sujets d'étude les plus intéressants ;

mais l'administration

hollandaise ,

qui ferme complètement aux

voyageurs l'intérieur de l'île

pour des motifs ipie nous

ferons connaître ultérieurement, s'entête à prendre tous

les étrangers pour des agitateurs et ne donnera pas au

savant l'autorisation qu'elle a refusée à l'artiste.

Quelques-unes des traditions des antiques croyances

sont restées vivantes dans le jieuple, malgré la rigueur

des prêtres musulmans, et elles se manifestent encore

aujourd'luii par des pratitjues très-étranges, les offrandes

aux caïmans entre autres. Lors([u'un indigène a été

dévoré par les caïmans qui infestent ici les rivières, ce

([ui n'arrive que trop fréquemment, on voit le soir le

iieuve se couvrir de petits radeaux de bambous de

trente centimètres carrés, chargés de fruits, de fleurs,

d'aliments choisis, et ornés de bougies allumées. L'habitude

de faire ce sacrifice est presque universellement

répandue ici. Puis on voit aussi, aux environ» de la

ville, certains arbics cniiverls ilc cocardes failcs en

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