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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE.

celle de l'opium, et une fois sous l'empire de ce funeste

poison, il court se précipiter, le kriss à la main, sur la

victime qui a excité sa haine et l'égorgé sans pitié. Alais,

jamais assouvi par ce premier meurtre, il se met alors

à courir au hasard, tuant ou blessant tous ceux qu'il

rencontre. On a vu des Indiens, ivres d'opium, assassiner

jusqu'à quinze et dix-sept personnes. C'est ce qu'on

appelle faire amok.

Dès que le cri ; Amok! se fait entendre dans un kampong,

les veilleurs de nuit et la garde urbaine prennent

immédiatement les armes; les uns frappent le Ihongtliong,

les autres poursuivent le fugitif. On se rend

d'abord maître de lui à l'aide de ces grandes fourches

dont j'ai parlé plus haut et qu'on nomme bandhUl, et

ordinairement on l'exécute séance tenante '.

Ce ne fut que le lendemain que j'appris l'histoire de

cet amok, le nom du malheureux fou, la cause de son

crime et le nombre de ses victimes.

Ali, cuisinier de l'hôtel Schmidt, était un bon serviteur

que son zèle et son honnêteté avaient déjà fait apprécier

et estimer de tous. Bien payé, considéré par. ses

compagnons et par ses maîtres, Ali avait tout ce qu'il

faut pour être heureux. Mais il aimait; il aimait Léda,

sa petite cousine, Léda, aussi belle qu'insensible. Vainement

il lui avait fait les plus brillants cadeaux : sahrongs

aux riches couleurs, bagues en malachite, bracelets

en argent niellés et ciselés ;

vainement il chantait

les charmes de la cruelle jeune fille, ses dents noires,

ses joues dorées comme l'écorce du mangoustan, ses

yeux de charbon, ses sourcils arqués comme la feuille

de siry. Léda refusait toujours de lui donner sa noire

main.

Tout à coup, il apprend que Léda, au mépris d'une

passion aussi sincère, épouse Naidinn, un rival indigne

de lui, un rival auquel il n'aurait pas songé, et qui n'a

d'autre séduction que les belles roupies toutes neuves

qu'il entasse dans son coffre de bois de camphre. Indigné

d'une pareille ingratitude, Ali jure de se venger

d'une manière sanglante; il fait amok, c'est-à-dire s'enivre

d'opium, court chez sa maîtresse en brandissant son

kriss, le terrible poignard malais en forme de tlanime,

et essaye de lui trancher la tête, mort à laquelle la malheureuse

n'échappe qu'à cause de l'épaisse chevelure qui

1. Le bandhill est une arme neutre extrêmement ingénieuse.

C'est une fourctie dont les deux branches sont garnies d'une plantp

épineuse (doéri), de manière à ce que les épines, tournées dans le

sens du manche, pénétrent dans les chairs du patient, et nonseulement

l'empêchent de s'échapper, mais paralysent tous ses

mouvements et le rendent d'une docilité parfaite. L'homme le

plus furieux est subitement dompté par l'horrible douleur que lui

causent, quand il est enfourché par le bandhill, les milliers d'épines

qui lui labourent les côtes; il suit alors comme un chien celui

qui tient le manche de cette arme, redoutée à si juste titre des

indigènes. On ne délivre le prisonnier qu'en dénouant les ligatures

de roting qui retiennent autour ries branches de l.n fourche

les joncs épineux en question.

préserve son cou. Ali, tout à fait en démence, s'élance

alors par les rues de Soërabaija et frappe plus ou moins

grièvement plusieurs passants inoffensifs.

Arrêté par la garde urbaine, comme nous l'avons dit,

Ali fut mis en prison, puis jugé et condamné par un tribunal

javanais, assisté, selon la coutume, d'un tribunal

hollandais, chargé de commuer en peine de mort pure

et simple les supplices atroces ordonnés par les premiers

juges d'après les anciennes lois indigènes.

Les deux causes de presque tous les crimes que commettent

les Malais, sont la jalousie et le fanatisme. Je

viens de faire voir les effets désastreux que peut produire

la première de ces passions sur ces natures ardentes

et primitives ;

qu'il me soit aussi permis de raconter

un autre drame dont la superstition avait été le

principal mobile , et qui se dénoua devant la justice

pendant mon séjour à Soërabaija. Ce forfait, d'ailleurs,

est très-exceptionnel.

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