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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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Tout rentre alors dans l'ordre primitif et les défis singuliers

commencent. Deux ou quatre cavaliers se détachent

de la masse et s'élancent dans l'arène; ils se menacent

de la lance, fondent les uns sur les autres, s'évitent,

se poursuivent, se rencontrent de nouveau, jusqu'à ce

que le plus adroit ait désarçonné son adversaire ou culbuté

du même coup l'homme et le cheval.

Tous ces exercices qui se prolongèrent fort longtemps,

me prouvèrent que les Javanais connaissent aussi bien

que nous les lois de l'équitation, quoi qu'on ait pu dire

de leur ignorance à cet égard.

Mais après la partie sérieuse et dramatique,

LE TOUR DU MONDE.

voici la

charge et la plaisanterie. Des chevaux libres, sur lesquels

sont attachés des mannequins représeplant des

Chinois, des Malais et aussi, disons-le, des officiers hollandais,

sont lâchés dans l'arène aux éclats de rire de la

foule. Rien de plus comique que de voir ces jeunes chevaux,

d'abord effrayés, qui viennent se flairer mutuellement

les naseaux, et après avoir fait connaissance, se

mettent à jouer ensemble comme des espiègles qu'ils

sont, sans s'inquiéter le moins du monde si les fardeaux

qu'ils portent sont ou non en place, sur leurs dos, sous

leurs ventres, ou dans toute autre position ridicule et

périlleuse.

La fête se termine ainsi. Le régent descend de cheval

et se fait mettre ses pantoufles par un des hommes de sa

suite; car, j'ai oublié de le dire, les cavaliers sont nupieds

à cheval et pincent l'étrier entre le pouce et les

autres doigts du pied. Le régent se rend auprès du gouverneur

général , et tous deux passent en revue la garde

d'honneur, qui exécute sur leur passage, en façon de salut,

les mouvements et les balancements de lances les

plus extraordinaires.

Cette fête équestre m'intéressa d'autant plus vivement

que j'avais déjà été à même d'apprécier les qualités des

chevaux du pays. En effet, j'avais eu la chance, à Ratavia,

d'acheter pour cent dix roupies un joli attelage de petits

chevaux guenhungs , originaires des montagnes, comme

leur nom l'indique. Ce bas prix prouve que leur race, si

estimée à Calcutta, n'est pas plus en honneur dans sa

patrie que les prophètes dans la leur. Quant à moi, je ne

comprends pas le motif du mépris qu'on leur témoigne

à Java; ils sont souples, robustes, pleins de feu et d'ardeur,

et surtout ils supportent le climat bien plus facilement

que les chevaux de Sandalwood et de Macassar ;

et, à part quelques fredaines bien pardonnables à de

très-jeunes animaux, je n'ai eu qu'à me louer des miens.

Voici du reste leur signalement : grosse tête, ventre ballonné,

jambes fines et musculeuses, poil lisse et brillant;

les couleurs des robes sont les mêmes que celles

des chevaux arabes. On les nourrit avec de l'herbe et

quelques poignées de riz en guise d'avoine.

Ici, la race la plus rare et la plus estimée est celle des

chevaux sunda; leur rapidité à la course, leur vigueur

et leur vaillance, expliquent assez cette préférence. Us

sont de la taiile des chevaux corses, ont une croupe de

lion, et la crinière et la queue énormes et ondulées. J'ai

vu un de ces animaux, dans un accès de fureur, franchir

d'un seul bond une barrière de deux mètres et demi

environ.

A Soèrabaija, on voit plus d'animaux curieux que dans

les autres parties de l'île de Java; la proximité relative

de cette ville et ses relations constantes avec Rornéo et

les Molluques en sont la cause.

Un jour, je fus invité à aller voir un jeune couple

d'orangs-outangs nouvellement arrivés de Rornéo. On

leur avait donné une vaste cour pour promenade, et une

grande caisse renversée et ouverte sur un de ses côtés

leur servait de chambre à coucher. Hauts d'un mètre dix

centimètres, ces deux animaux n'avaient du singe que la

partie inférieure du corps, et sans le poil roux qui recouvrait

le dessus de leurs têtes, leurs dos et l'extérieur

de leurs bras musculeux, je les aurais certainement pris

pour des Malais de petite taille,

ayant les jambes estropiées.

Leurs fronts et leurs visages nus et bruns, leurs

yeux d'un beau noir de charbon, fendus en amande et

un peu inclinés vers le nez, leurs mâchoires larges et

bien dessinées, et surtout la façon dont leurs dents sont

plantées, rappellent exactement les types distinctifs de

la race malaise; et pour ajouter encore à l'illusion sans

doute, je les vis saisir leurs aliments entre leurs doigts,

avec le geste particulier aux Indiens. La femelle, qui ressemblait

d'une manière frappante à la femme de mon

cuisinier de Ratavia, avait trouvé un petit panier de

bambou dont elle s'était fait un chapeau ;

mais ne comprenant

qu'imparfaitement l'usage de cet appendice, elle

ne le gardait qu'à l'ombre, et le portait sous son bras,

lorsqu'elle allait au soleil, avec l'élégance d'un jeune diplomate

portant son claque de soirée.

J'ai dit plus haut que je m'étais rendu acquéreur de

deux kakatoès; l'un d'eux me donna une preuve d'affection

et d'intelligence que je veux raconter ici.

Mes deux oiseaux avaient commencé par me rendre la

vie horriblement amère; je ne pouvais plus avoir un

instant de repos ;

c'était chez moi un tintamarre épouvantable

et continuel. Aussi avais-je fini par rendre le

plus tapageur des deux au marchand qui me les avait

vendus, espérant que la solitude calmerait celui que je

gardais.

Mais j'avais compté sans l'attachement d'un kakatoès

qui est content de son maître. Un jour que je m'étais

arrêté devant mon marchand, je me sentis tout

à coup escaladé par un oiseau qui s'attachait à ma

veste unguibus et rostro en entraînant après lui son perchoir

mobile. Vains efforts pour me débarrasser de la

pauvre bête qui m'avait reconnu et répétait pour m'attendrir

son répertoire malais et français ! Enfin j'eus

pitié démon kakatoès et de ses caresses, je le

rachetai et

l'emportai chez moi, où le concert recommença de plus

belle.

J'ai vu à Soèrabaija une curiosité d'histoire naturelle

tout à fait extraordinaire et encore assez peu connue,

quoique certains savants s'en soient déjà préoccupés.

Je veux parler des perles vives, qu'on nourrit avec du

riz et qui se reproduisent. J'ai vu, de mes propres

yeux vu, chez une dame européenne, sept perles réunies

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