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l'alimentation
Dsage, on choisit les troncs parvenus à leur plus grand
diamètre, on les ouvre sur un côté, et on en développe le
cylindre que l'on étend sur le sol et qu'on y maintient
à l'aide de grosses pierres ; on le mouille et on le laisse
sécher à plusieurs reprises, et ime fois qu'il a pris la
forme de planche, on en fait les cloisons en le plaçant
entre d'autres bambous plus petits dans lesquels on pratique
des trous où l'on fait passer des doubles lattes
transversales.
Ces cloisons, fort légères, fort solides, fort peu coûteuses',
résistent non-seulement aux vents terribles et
aux tremblements de terre très-fréquents aux Indes, mais
elles sont encore la meilleure barrière à opposer aux
attaques des tigres. Ces animaux ont horreur du bamliou,
dont la peau vernissée agace leurs dents et leurs
griffes, et la meilleure cage pour enfermer une de ces
hêtes fauves est encore une cage de bambou.
On fait également, avec le bambou, les fermetures des
portes et des fenêtres, et le plus simple comme le plus
solide des verrous.
On en fait des vases pour cuire le riz à la vapeur , des
sièges, des instruments de musique, etc.
En un mot , si d'autres arbres plus extraordinaires,
tels que le palmier gomuti (borassus gomutus), d'oii l'on
tire du vin et du sucre ; l'arbre à pain, l'arbre du voyageur,
lerarak, l'arbre à savon (sapindus saponaria) dont
les fruits contiennent tous les principes du meilleur
savon, étonnent davantage l'Européen peu habitué à pareilles
prévenances de la part de la nature, le bambou
peut et doit cependant être considéré comme le végétal
le plus extraordinaire de ce pays et le plus utile à ses
habitants.
Dans une de mes promenades à Soërabaija, je rencontrai
im mariage javanais. Les deux époux appartenaient
à des familles également riches et avaient déjà
accompli les deux promenades isolées qui précèdent la
grande procession, celle à laquelle j'assistai. Ils étaient
portés dans un charmant palanquin surmonté d'un dais
orné de feuilles de palmiers et décoré de treillages de
bambou et de roling disposés avec beaucoup d'art. Leurs
vêtements de soie rouge rehaussés de broderies d'or, les
bijoux qui couvraient leurs têtes, leurs cous, leurs bras
et leurs mains, leur donnaient cet air d'opulence que l'on
rencontre presque toujours chez les mariés javanais, quoique
toutes ces splendeurs soient seulement louées pour la
circonstance. Une foule de gamins criant, sautant, frappant
des mains ou faisant retentir l'air des sons stridents
du gong, du tam-tam et des cymbales, couraient audevant
du dais, et quatre hommes, vêtus d'un costume
de cérémonie, veste et culotte jaunes, ceinture bleue et
blanche, les hanches ornées de grandes pointes de soie
bleue et jaune, la tête couverte d'un turban collant de
mêmes couleurs, portaient au bout d'un long bambou
des bouquets brillants et flexibles, faits de petites lames
de roting garnies de pompons de papier bleu, jaune et
blanc. A la suite du palanquin, venaient les parents, les
1. Une maisonnette forl convenable peut revenir à quatre roupies
environ 12 francs).
LE TOUR DU MONDE.
amis et tous ceux à qui ren%ie pouvait venir d'accompagner
les époux et de prendre part au repas généreusement
offert à tous les estomacs affamés, et après lequel
les époux prennent définitivement possession de leur
domicile.
Cette procession solennelle est toujours précédée de
différentes cérémonies que nous croyons intéressant de
rappeler ici. Ce sont d'abord les fiançailles , célébrées
difl"érents cadeaux d'étofl'es, de bijoux, mais surtout
de noix d'arèque {pinang, d'où mapicnang, fiancer) ; ensuite
le lamaran, temps des visites faites à la future
par la famille et les amis du fiancé ;
puis le payement
du prix de la mariée au moyen d'étoffes, de fiuits,
de bijoux, etc., et enfin les vœux prononcés par le
fiancé dans une mosquée, selon le rite musulman.
En regardant le cortège dont je parlais tout à l'heure,
une chose m'avait surtout frappé, c'était l'air profondément
ennuyé et fatigué des époux; mais ma surprise
cessa quand j'appris que la fête durait déjà depuis plusiem-s
jours, que les fiancés avaient d'abord été exposés
séparément pendant tout ce temps chez leurs parents
respectifs, puis réunis chez les parents du futur mari,
toujours avec accompagnement du plus effroyable vacarme,
et que, pendant ces exhibitions, les deux patients
étaient condamnés à une immobilité et à une diète
presque complètes, de peur d'endommager par un excès
de transpiration ou par quelque tache leurs beaux vêtements
de louage. Singulière coutume sans doute que l'étalage
de ce luxe de mauvais aloi, mais moins ridicule
après tout, si nous voulons y penser sérieusement, que
les corbillards empanachés et les cochers galonnés d'ar-
de nos pompes funèbres, chose malséante, mots
incompatibles.
Ajoutons encore que ces promenades bruyantes, ces
exposiiions publiques, ces festins de Gamache ofl'erts aux
passants ont un but utile et raisonnable : ils remplacent
nos annonces dans les journaux, nos lettres de faire part,
nos publications de bans, et servent à établir la publicité
nécessaire à tout mariage légitime.
C'est dans les repas de noces que les Javanais déploient
les ressources de leur singulière cuisine.
Les fruits servis au commencement du repas sont suivis
du karie que nous mangeons à l'état simple de sauce,
mais qui constitue à Java un festin complet.
Le riz, bouilli à la vapeur et fort peu cuit, sert de plat
de résistance : c'est la partie substantielle et nutritive de
, et, si on l'arrose de la sauce au karie.
c'est pour lui donner le degré d'himiidité qui permet de
l'avaler sans s'étouffer et un goût prononcé de piment
qui sert aussi à faire disparaître ou à déguiser tout au
moins sa fade saveur.
Mais, pour un Indien , le régal serait bien maigre s'il
n'ajoutait au riz
et au karie les s'mbals-s'mbals ou condiments
destinés à accompagner le riz et la sauce, et à en
relever le goût.
Les s'mbals-s'mbals se composent de deng-deng, de
poissons salés et séchés vivants au soleil, d'œufs couvés
et salés et de hachis de viande parfumés à la rose.