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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE 217

M. et Mme 0..., deux aulres dames et leurs maris, une

dame française récemment arrivée à Balavia, et moi.

Nous traversons la partie de la ville nouvelle habitée

par les commeiçants riches ;

je ne me lasse pas d'en

admirer les palais élégants, les pelouses sans pareilles,

les ruisseaux frais et limpides : c'est réellement un séjour

délicieux. Nous laissons à notre droite le beau village

chinois de Tana-bang, dont nous ne voyons que

quelques maisons peintes et sculptées, et nous voilà en

rase campagne.

Rien, en vérité, ne saurait exprimer la magnificence

du pays que nous traversons : de longues lignes de forêts

d'un vert tendre bornent l'horizon des vastes prairies

humides de rosée, à travers lesquelles nos chevaux nous

emporteni ;

çà et là nous rencontrons de larges flaques

d'eau, brillantes et bleues comme le ciel qui s'y mire,

ou quelques grands oiseaux qui se promènent mélancoliquement,

ou bien encore la figure noire d'un Indien,

à demi caché dans les hautes herbes.

Mais la scène change à chaque instant : nous passons

sous des voûtes d'arbres immenses, dans des allées de

gigantesques bananiers. Jamais je n'avais plus vivement

éprouvé l'impression profonde qu'ont toujours

faite sur moi ces splendides dômes de verdure qui,

mieux que les arceaux d'une cathédrale, nous font porter

nos pensées vers le ciel. Puis, nous voici dans les

rizière.s, où la terre et l'eau s'unissent pour la culture

de cet admirable végétal : j'y remarque de bizarres

constructions dont on m'explique l'utilité : quatre bambous,

plantés l'un près de l'autre dans le sol et s'écarlant

à mesure cju'ils s'élèvent, supportent une petite

cabane placée à douze ou quinze mètres de terre : des

échelons, traversant de part en part l'un des quatre

bambous formant les piliers de l'édifice, servent d'escalier.

C'est là cfu'au temps de la maturité du riz, se tient

un gardien, parfaitement à l'abri des tigres, des panthères

et des serpents, et chargé d'agiter les assemblages

de lames de bambou fixés aux quatre coins du toit et

de produire ainsi un bruit qui eflraye les nombreuses

familles d'oiseaux friands de riz. D'autres épouvantails

moins compliqués sont confiés aux brises qui régnent

continuellement dans le pays : ce sont des volants de

bambou, qui tournent au moindre souffle du vent avec

un ronflement semblable à celui d'un tuyau d'orgue

(voy. p. S'il).

Peu à peu, nous nous éloignons des rizières. La route

que nous suivons se rétrécit; les arbres se rapprochent;

un épais tapis de verdure remplace la route et absorbe

le bruit des voitures et des chevaux; les secousses que

nous font éprouver les inégalités du terrain augmentent

de plus en plus, et nous forcent à mettre pied à terre.

Nous gagnons une belle clairière pleine d'ombre, de

mousse et de gazon où, sur des nattes étendues à terre,

nous faisons honneur à nos provisions. Les cruches, décrochées

de dessous les voitures, nous versent une eau

d'une fraicheurdélicieuse, grâce à la rapidité delacourse,

à la porosité de l'argile et au refroidissement résultant de

l'évaporation de la couche d'eau qui transsude.

Nous pénétrons ensuite plus avant dans la forêt, où,

pour la première fois, je vois des arbustes couverts

de la précieuse baie du café ; et, plus loin, une belle

plantation de syri ou bétel {piper belle Linn.) dont la

feuille enduite de chaux vive concourt avec le tabac,

la noix d'arek (pinancj-arcca) , le piment et le gambir

{funls uncatus Kumph.) à iaire ces horribles chiques

qui rendent les dents des Indiens noires comme de

i'ébène et leur salive rouge comme du sang.

Comme notre houblon d'Europe, le syri grimpe et

s'enroule en longues spirales autour d'appuis disposés

à cet efl'et, avec cette difterence que le bambou lustré,

brillant et doré remplace ici nos tuteurs de bois gris

et terne. Mais la plantation régulière de syri n'est

pas, à beaucoup près, aussi pittoresque que ses environs,

envahis aussi par la plante indépendante et vivace : là,

afiranchie de la direcliou de l'homme, elle se livre follement

à tous ses caprices; elle enlace les arbres de ses

guirlandes légères; elle s'étend de tous les côtés, courant

sur le sol ou cherchant un appui.

A un détour de sentier, nous assistâmes aune cutillelle

de syri. Des hommes, des femmes, des enfants réunis

autour des troncs tapissés de la pi'écieuse plante, en coupaient

les feuilles et les appportaient à des femmes accroupies,

qui les rangeaient les unes contre les autres en

cercle concentrique dans de grands plateaux de bambou.

Ces groupes gracieux, ces poses variées, ce soleil qui,

tamisé par le feuillage des grands arbres, ne faisait que

semer ses étincelles d'or sur les tons brillants des costumes

et réveiller les verts de la végétation endormis

dans l'ombre; tout cela formait un tableau plein de

lumière et de gaieté, bien fait pour désespérer et séduire

à la fois le coloriste, mais qui lui laisse les plus

agréables souvenirs (voy. p 2kk).

Tout à l'heure j'avaisdéjà pu remarquerdans la plaine

les arécas, une des variétés du palmier les moins connues

en Europe et de l'aspect ducpiel le dessin, page

236, donnera une idée plus juste que ne pourrait le

faire une description. Le fruit de l'aréca, rond et gros

comme une prune, jaune comme une orange, renferme

la noix d'arek proprement dite, qui entre dans la composition

du bétel, comme je l'ai dit plus haut.

Parmi les surprises que me réservait notre promenade,

je dois mettre au premier rang la visite que nous fimes

d'une habitation indigène. Elle était couverte en chaume.

Si je dis chaume, c'est que la feuille de palmier, desséchée

et pliée en deux dans sa longueur, le rappelle

exactement , si ce n'est qu'elle ne prend aucune

mousse et reste d'un gris parfaitement neutre.

Des femmes malaises viennent à notre rencontre avec

force salutations; des petites filles qui n'avaient jamais

\Ti Batavia contemplent avec des yeux ébahis la toilette

des dames qui nous accompagnent. On nous offre

l'hospitalité la plus franche ;

les enfants étendent des

nattes sur le bali-bali. Une sorte de grande claie en lames

de bambou, peu élevée au-dessus du sol, qui règne

sous la galerie, se retrouve dans la maison et tient

lieu de chaise, de table et de lit. Puis, au moment où

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