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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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240 LE TOUR DU MOXDE.

ne dépassasse pas vingt courses par mois , et de

IVclairage gratuit, mot qui, jusqu'à nouvel ordre,

était pour moi un mystère. Celait horriblement cher;

mais il fallait en passer par-là pour le moment, et

je me mis à me réinstaller pour la seconde fois de la

journée.

A quatre heures , un domestique indien (je lais un

pléonasme, il n'y en a pas d'autres à Java) m'apporte

du thé, du pain, du fromage de Hollande et du beurre

tellement affecté de la température tropicale qu'on le

prendrait pour de l'huile. Bientôt, assis devant ma

porte, à l'e.vemple de tous mes voisins, je ne tarde pas

à être entouré comme eux d'une foule de marchands ambulants

chinois et malais étalant devant moi leurs marchandises

; mais à mon désir d'acheter s'oppose ma

complète ignorance de la langue ; après quelques vaines

tentatives, je me vois forcé d'ajourner mes acquisitions.

A six heures on sonne le dîner, et je m'aperçois que

je suis réellement très-éloigné de la salle à manger, où

j'arrive presque en retard et tout en transpiration.

L'aspect de cette salle est splendide. La table, de plus de

deux cents couverts, ornée de lampes et de faisceaux de

bougies, de surtouts étincelants, de pyramides de fruits

et de fleurs, la vaste colonnade qui supporte le plafond,

les habillements blancs des hommes, les toilettes de

bal des femmes, les costumes orientaux des serviteurs

debout derrière leurs maîtres, composent un ensemble

luxueux et splendide qui me rappelle le tableau

des I\'occs de Cana, de Paul Yéronèse. Mais je suis

obligé de m'en tenir au plaisir des yeux , car mes voisins

dévorent tout à ma barbe. Impossible de saisir le moindre

wm--

r^îfiP??;

Une rue de Batavia (ville nouvelle). — Dessin de M. de Molins.

plat, le plus mince morceau , et sans l'obligeance d'un

Malais compatissant, je me serais levé de table complètement

à jeun.

Toutefois je serais injuste, comme artiste et comme

gastronome, si je ne notais pas qu'à ce dîner je ris et

mangeai pour la première fois ces délicieux et merveilleux

fruits de l'Inde : le nanka, qui a la forme d'une

pomme de pin et le goût du fromage à la crème ; les bananes,

plus grosses et plus savoureuses que celles d'Egypte,

et surtout l'inappréciable mangoustan (mangis),

dont on peut décrire la rondeur ])arfaite, l'écorce violette

à la surface, rouge sang à l'intérieur, et la pulpe blanche,

mais dont on ne saurait bien dire le goût, plus fin que

celui de notre raisin , et la fraîche saveur, qui en font le

premier fruit du monde.

Cependant quelques fruits ne constituent point un

repas, et lorsque je fis à qui de droit le reproche de ra'avoir

presque laissé mourir de faim, il me fut répondu

qu'aux Indes il était d'usage d'avoir un domestique spécialement

destiné à servir à table, et que les gens de l'hôtel

se bornaient à faire passer les plats aux valets de

bouche des voyageurs.

Pour me calmer, je trouvais, en rentrant dans ma

une veilleuse na-

chambre, le fameux éclairage gratuit :

geant dans un verre sordide, ébréché, sur une flaque

d'huile de coco, noire, puante, saturée d'insectes et n'éclairant

presque pas, du reste. Enfin !

DE Molins.

{La suite à la prochaine livraison.)

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