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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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232 LE TOUR DU MONDE.

tueux torrent. Les plans se modèlent dans un Ideii

limpide, opalin, transparent, qui, tout en augmentant

dans les fonds, laisse comprendre le ton local : c'est à la

fois vague et accusé, solide et fin. Les verts métalliques,

(|ui devraient jurer avec les bleus et les jaunes, sont

adoucis par l'harmonie parfaite qui plane sur ces couleurs

diverses et les unit par des liens mystérieux. Ce

jiaysage, le premier qui frappa ma vue, me causa un sentiment

d'enthousiasme mêlé de découragement, et devant

cette nature si nouvelle et si étrange, je compris que ma

plume et ma palette seraient toujours insuffisantes.

Après un orage qui nous força à reprendre le large, et

un calme plat qui vint ralentir encore notre marche,

nous entrâmes enfin, le 9 avril, à midi, dans le détroit

de la iSonde. Mille objets qui nous rappellent et nous

annoncent la terre, passent le long du bord. Ce sont

d'abord d'innombrables mollusques, les uns ressemblant

à de l'éloupc, les autres irisés cninme des liulles de

savon : ce sont des troncs de bananiers, des écorces de

pamplemousses, et même de jolis oiseaux gris qui naviguent

sur des débris de bambou. Nous commençons

à distinguer nettement l'Ile du Prince, la côte de Sumatra

et l'Ile volcanique de Krokatoa, dont le sommet en

pain de sucre, couvert d'un nuage en forme de panache,

représente à s'y méprendre un cratère d'où s'échappe

une colonne de fumée. Ces terres qui surgissent de la

mer, couvertes de verdure, ont un aspect enchanteur.

Partout où un brin d'herbe, une fleur, un arbre pouvaient

croître, l'arbre, la fleur, le brin d'herbe ont poussé. Pas

un rocher nu, pas un endroit aride qui attriste l'œil, pas

même de grève ; les cocotiers, les bambous, les bananiers

se penchent sur les eaux qui arrosent leurs racines.

Le lendemain, 10 avril, le panorama, éclairé parles

nabiUtion malaisi; (environs de lialaviaj. — Dessin de M. de Alolins.

d'une lumière inconnue à nos climats, le ciel, les terres,

la mer se revêtent de tons intraduisibles; c'est éthéré

et comme d'un monde supérieur au nôtre, avec lequel

les mots de notre langue n'ont aucun point de contact!

Des embarcations malaises se détachent de la côte de

Java, et se dirigent vers les navires, nos voisins. Toutes

les lunettes se braquent curieusement sur ces taches

microscopiques qui ressemblent de loin à des nageurs

tirant leur coupe. Bientôt nous distinguons mieux : les

canots nous paraissent dorés, les hommes rouge brique,

mais la coiffure de ceux-ci reste encore incompréhensible

])our nous : c'est un assemblage inextricable de cheveux

et d'étoffes très-dil'ficile à ex]jliquer.

Une pirogue montée par un seul homme s'approche

enfin de nous. Le rameur, assis à l'arrière, la fait

premiers rayons du soleil, me semble encore plus splendide.

Rien ne peut rendre la magnificence de ce merveilleux

bassin qu'on appelle le détroit de la Sonde. Inondés

avancer

à l'aide d'un double aviron qu'il balance au-dessus

de sa tète et dnntil plonge alternativement les extrémités

dans l'eau,

Cependant d'autres barques ont suivi l'exemple de la

première. Dans un moment nous allons être envahis,

car elles glissent sur la mer avec une étonnante rapidité

et semblent lutter de vitesse. Déjà nous pouvons voir les

traits des indigènes, leurs corps admirables, leurs vêtements

de tons étincelants, disparates et harmonieux à

la fois, auxquels le bleu de la mer donne des lueurs

vermillonnées; nous distinguons les détails de leurs nacelles,

les unes habilement creusées dans des troncs

d'arbre, les autres faites de plusieurs pièces de bois ingénieusement

reliées entre elles par les coulures d'un

fil qui m'est inconnu : leurs formes gracieuses et fines indiquent

surtout l'intelligence et le goût de ceux qui les

ont construites. Le Nicolas navigue au milieu d'un jardin

flottant : tous ces bateaux sont chargés de légumes, de

fruits et de fleurs, étranges productions écloses sous le

formidable soleil des tropiques. Il y a là des régimes de

bananes, des mouchets d'ananas, des pyramides de pam-

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