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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE.

Le grand chambellan vint enfin nous dire qu'elle

nous attendait. L'époux nous précéda, montrant le chemin,

et nous suivîmes. Il faut en convenir, l'escalier qui

conduisait aux appartements de Sa Majesté n'était point

un escalier royal, mais bien une simple échelle de fenil,

qu'il nous fallut gravir avec précaution; elle était courte,

heureusement, la salle étant fort basse.

L'appartement de la reine était la répétition de la

salle d'attente ;

seulement un voile tendu dans le fond

séparait la couche de Son Altesse de la partie où nous

fûmes reçus, comme dans une salle du trône. Jumbe-

Souli siégeait effectivement sur un fauteuil élevé, ayant

un coussin sous les pieds, flanquée à droite de sa vieille

nourrice, à gauche, d'une confidente ou d'ime esclave.

Cette reine d'un petit royaume était drapée dans une

étoffe turque tissée soie et or qui l'enveloppait tout entière.

Sa main assez fine, était seule visible ; mais malgré

le masque en forme de diadème qui recouvrait sa tête,

on devinait, grâce aux larges ouvertures, tout l'ensemble

de ses traits; ses yeux, du reste, pleins d'un doux éclat

mélancolique, nous regardaient de temps à autre, et sa

bouche un peu molle, à la lèvre tombante, accusait une

femme aljattue et d'une santé ruinée par le climat et les

exhalaisons morbides du rivage.

Jumbe-Souli parait plus âgée qu'elle ne l'est, et, lorsque

je la vis au jour pour reproduire ses traits, je lui

donnai trente-cinq ans au moins, tandis qu'elle n'en a

que vingt-huit. Deux jeunes garçons, tous deux beaux

comme le jour, sont les héritiers destinés à régner après

elle. La faiblesse maladive de leur mère, me fait présumer

qu'ils n'auront point le temps d'atteindre leur majorité.

Notre audience dura une demi-heure environ ; on eut

la galanterie de nous offrir quelques rafraichissemenis

à l'eau de rose, que je n'oublierai de ma vie.

L'île de Moheli m'a semblé la plus belle des Comores

; c'est la plus petite mais la plus verdoyante ; d'innombrables

plantations de cocotiers lui donnent l'aspect

gracieux des terres tropicales; d'immenses baobabs y

élèvent leurs troncs majestueux semblables à des pyramides;

de petits chemins sillonnent l'île, tout couverts

de riants ombrages, et des ruisseaux se précipitant en

cascade du haut des collines, prodiguent à ce coin de

terre enchanteur une eau limpide, une fraîcheur précieuse

en ces climats brûlants, et des bains naturels où

nous nous plongeâmes avec délices.

Moheli est une île où l'on aimerait vivre dans la paix

et dans le silence, loin des hommes, entouré de cette nature

merveilleuse, environné de l'océan vermeil qui en

fait une oasis dans sa vaste solitude.

Je la quittai non sans regret ;

nous devions toucher ;i

Mayotte, revoir Nossi-be, Sainte-Marie, Tamatave, ce

qui nous demandait encore douze jours de navigation,

avant d'arriver à Saint-Denis de la Réunion, notre dernière

étape.

D. Gharnay.

VOYAGE A JAVA,

PAR M. DE MOLINS'.

1858-1861. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.

(RÉDIGÉ ET MIS EN ORDRE PAR M. F. COPPÉE.)

EN

VUE DE JAVA.

Le détroit de la Sonde. — Les embarcations indigènes. — Anjers. — Bantam. Arrivée en rade de Batavia.

Je m'embarquai à Nantes, le 5 janvier 1858, sur

le Nicolas, et, après trois mois d'une navigation heureusement

fort douce, le 6 avril au matin, j'aperçus à l'horizon

une ligne indécise et vaporeuse que nos officiers

reconnurent pour la pointe de Java (Java's head).

Le vent était frais et nous poussait rapidement vers la

côte. A neuf heures, nous en étions à une portée de canon;

nous en saisissions parfaitement tous les détails.

1. En 1857, certaines circonstances, indifTérentes pour le lecteur,

me firent entreprendre un voyage ii Java et m'y retinrent deu.x ans

environ. Dans ce pays encore si peu connu, malgré les excellents

écrits de divers voyageurs, ethnographes, naturalistes ou philosophes,

je n'apportais que la curiosité d'un artiste étranger aux choses

de la science, mais doué peut-être de (juelque mémoire des

objets, des formes et des couleurs. Le puissant intérêt que m'inspira

cette étrange et splendide contrée, la surprise que me cau-

Parmi les merveilleux tableaux qui se déroulèrent ce

jour-là devant moi, j'en choisis un : c'est l'embouchure

d'une rivière, encaissée entre des parois de rochers à pic

d'un jaune chaud et gris, difficile à décrire, impossible

à peindre. L'eau bouillonne et se brise en gerbes argentées

contre des aiguilles de pierres noii-es. La végétation

tropicale, dans toute sa beauté, couronne les

murailles naturelles qui contiennent à peine le tumulsèrent

l'aspect de ses paysages et les mœurs de ses habitants,

m'engagèrent à fixer, au jour le jour, sur mon carnet de voyageur

,

par une note ou par un croquis, les impressions successives

de mon voyage.

J'offre aujourd'hui au public quelques feuillets de mon album,

quelques pages de mou journal, et j'espère qu'ils conservent et

qu'on y reconnaîtra le caractère de la vérité que je suis sOr d'avoir

toujours eu pour guide en écrivant et en dessinant.

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