LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa
,ig^îLE TOUR DU MONDE.lui ont valu de la part de l'Empereur une médailled'honneur. Elle accueille avec une granJe bonhomie,et sa case, la première en atteignant le rivage, reçoitla visite de tous les nouveaux arrivés. Mais la conversationde Juliette surprend jilus encore que sa personne,et l'on a lieu d'être étonni' de trouver, si loinde tout centre littéraire, ime IMalgache causant littératureaussi bien que politique et tout cela mêlé d'aperçusd'une grande finesse et dans un langage d'uneremarquable pureté. Mme Ida Pfeiffer, aigrie par lasouQ'rance, fut injuste à son égard, nous tenons à leconstater '.L'aspect de Tamatave est celui d'un grand village;c'est une forte agglomération de cases qui n'a jamaisambitionné le nom de ville ; tout est relatif cependantet l'on dit la ville de Tamatave.La rue principale fut lebut denotre première ex-]iloration. C'est une étroiteet longue avenue bordéede minces piquets de bois.'servant d'enclos aux maisonséparses sur ses deuxcôtés. Nous avançons, tantôtbrûlés par le soleil ettantôt abrités par les bananiersaux larges feuillesou par des mûriers auxbaies rouges; à droite, sedéploie le pavillon anglais: c'est le consulatd'Angleterre ;plus loin,du même côté, s'élève unehaute bâtisse en bois : c'estla demeure du Rothschildmalgache, Redington,courtier des Ovas pour lavente des bœufs. Quelquescases de traitants bordentencore la rue et nous pénétronsdans le quartiermalgache. Les cases cliangent alors de structure cl dedimension ; le lavenal {urania speciosa), côtes et feuilles,en fait tous les frais , mais l'aspect en est propre,l'intérieur coquet, et de belles filles vous sourient montrantleurs dents blanches , tandis que les hommes vouscrient marmites, marmites, ce qui veut dire « voilà desporteurs, voulez-vous des porteurs? » De temps à autredes Ovas à la démarche hésitante, à l'œil oblique,au sourire méchant, vous accueillent d'un « lionjourmonsieur. »De modestes boutiques étalent sur lesseuils leurs produitshétéroclites. Ce sont de vastes paniers pleins desauterelles desséchées, des bouteilles vides, quelques colonnadesanglaises, de grossières rabanes, de microscohVoy. noue tome IV, p. 332.Juliette Fiche. — Dessin de E. Rioupiques poissons, des perruches à tète bleue, des makisnoirs et blancs, d'autres à queue annelée, de grands perroquetsnoirs, d'énormes paquets defeuilles servant denappe ;(|uclques fruits, patates, ignames et bananes, desnattes, et l'éternelle barrique de betza-betza. La betzabetzaest une liqueur de jus de canne fermentée, mélangéde plantes amères; c'est une boisson détestableà notre avis, mais dont les Malgaches font leurs délices.Nous avançons encore ; la rue, de plus en plus animée,nous annonce le bazar ou marché. Un affreux Chinoisnous adresse la parole dans un français tout barbare etnous force par d'irrésistibles agaceries de pénétrer danssa boutique; c'est un pandémonium où règne le plusétrange désordre et dont le maître représente l'articlele plus curieux. Nous le laissons ébahi de notre visiteimproductive. Il nous a cependantchangé quelquespiastres contre de menusmorceaux d'argent, seulemonnaie du pays'. Nousatteignons le bazar.Là, sous des auvents de-^ l'aspect le plus sale et de(juelques pieds à peine élevésau-dessus du sol, gisentles boutiques aristocratiquesdes conquérants;en efl'et, presque tous lesmarchands sont Ovas. Ilsprésident, couchés à l'orientale,à la vente des menusobjets étalés devanteux : sel, balances, étofl'es,vieille coutellerie , viandes, etc. L'atmosphèreempestée par les émanationsdu sang des bœufsqu'on tue sur placeet deschairs putréfiées par lachaleur , rend ce séjourdangereux; des nuages demouchesbourdonnantesdont vous avez peine à vous défendre, reviennent sanscesse à la charge, et vous abandonnez ce foyer pestilentiel,le cœur malade, l'imagination frappée de malaise,plein de dégoût pour cette race abâtardie des^jr--^"Ovas qu'on vous avait dépeinte sous de si vives couleurs.Mais la rue débouche sur la campagne; nous la suivonsencore et nous saluons en passant les pères jésuitesdont le modeste établissement marque de ce côté les limitesde Tamatave. En face se trouve la batterie ouforteresse, avec son mât de pavillon, ^a longue flamme1. Les Malgaclies, en fait de monnaie, ne se servent que dopièces de cinq francs qu'ils coupent en menus morceaux et qu'ilspî;senl avec des petites balances d'une justesse extraordinaire. Onprétend qu'ils peuvent peser jusqu'à la sept cent vingtième partied'une piastre. Les principales monnaies sont les plus petites, levoemeii, 30 c. ; le sikazi, 60 c; le kirobo, 1 fr. 2ô.
Palmier nain, à Madagascir, — Dessin Je £. Tliéroml.
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LE TOUR DU MONDE.
lui ont valu de la part de l'Empereur une médaille
d'honneur. Elle accueille avec une granJe bonhomie,
et sa case, la première en atteignant le rivage, reçoit
la visite de tous les nouveaux arrivés. Mais la conversation
de Juliette surprend jilus encore que sa personne,
et l'on a lieu d'être étonni' de trouver, si loin
de tout centre littéraire, ime IMalgache causant littérature
aussi bien que politique et tout cela mêlé d'aperçus
d'une grande finesse et dans un langage d'une
remarquable pureté. Mme Ida Pfeiffer, aigrie par la
souQ'rance, fut injuste à son égard, nous tenons à le
constater '.
L'aspect de Tamatave est celui d'un grand village;
c'est une forte agglomération de cases qui n'a jamais
ambitionné le nom de ville ; tout est relatif cependant
et l'on dit la ville de Tamatave.
La rue principale fut le
but de
notre première ex-
]iloration. C'est une étroite
et longue avenue bordée
de minces piquets de bois
.'servant d'enclos aux maisons
éparses sur ses deux
côtés. Nous avançons, tantôt
brûlés par le soleil et
tantôt abrités par les bananiers
aux larges feuilles
ou par des mûriers aux
baies rouges; à droite, se
déploie le pavillon anglais
: c'est le consulat
d'Angleterre ;
plus loin,
du même côté, s'élève une
haute bâtisse en bois : c'est
la demeure du Rothschild
malgache, Redington,
courtier des Ovas pour la
vente des bœufs. Quelques
cases de traitants bordent
encore la rue et nous pénétrons
dans le quartier
malgache. Les cases cliangent alors de structure cl de
dimension ; le lavenal {urania speciosa), côtes et feuilles,
en fait tous les frais , mais l'aspect en est propre,
l'intérieur coquet, et de belles filles vous sourient montrant
leurs dents blanches , tandis que les hommes vous
crient marmites, marmites, ce qui veut dire « voilà des
porteurs, voulez-vous des porteurs? » De temps à autre
des Ovas à la démarche hésitante, à l'œil oblique,
au sourire méchant, vous accueillent d'un « lionjour
monsieur. »
De modestes boutiques étalent sur lesseuils leurs produits
hétéroclites. Ce sont de vastes paniers pleins de
sauterelles desséchées, des bouteilles vides, quelques colonnades
anglaises, de grossières rabanes, de microscoh
Voy. noue tome IV, p. 332.
Juliette Fiche. — Dessin de E. Riou
piques poissons, des perruches à tète bleue, des makis
noirs et blancs, d'autres à queue annelée, de grands perroquets
noirs, d'énormes paquets de
feuilles servant de
nappe ;
(|uclques fruits, patates, ignames et bananes, des
nattes, et l'éternelle barrique de betza-betza. La betzabetza
est une liqueur de jus de canne fermentée, mélangé
de plantes amères; c'est une boisson détestable
à notre avis, mais dont les Malgaches font leurs délices.
Nous avançons encore ; la rue, de plus en plus animée,
nous annonce le bazar ou marché. Un affreux Chinois
nous adresse la parole dans un français tout barbare et
nous force par d'irrésistibles agaceries de pénétrer dans
sa boutique; c'est un pandémonium où règne le plus
étrange désordre et dont le maître représente l'article
le plus curieux. Nous le laissons ébahi de notre visite
improductive. Il nous a cependant
changé quelques
piastres contre de menus
morceaux d'argent, seule
monnaie du pays'. Nous
atteignons le bazar.
Là, sous des auvents de
-^ l'aspect le plus sale et de
(juelques pieds à peine élevés
au-dessus du sol, gisent
les boutiques aristocratiques
des conquérants;
en efl'et, presque tous les
marchands sont Ovas. Ils
président, couchés à l'orientale,
à la vente des menus
objets étalés devant
eux : sel, balances, étofl'es,
vieille coutellerie , viandes
, etc. L'atmosphère
empestée par les émanations
du sang des bœufs
qu'on tue sur place
et des
chairs putréfiées par la
chaleur , rend ce séjour
dangereux; des nuages de
mouches
bourdonnantes
dont vous avez peine à vous défendre, reviennent sans
cesse à la charge, et vous abandonnez ce foyer pestilentiel,
le cœur malade, l'imagination frappée de malaise
,
plein de dégoût pour cette race abâtardie des
^jr--^"
Ovas qu'on vous avait dépeinte sous de si vives couleurs.
Mais la rue débouche sur la campagne; nous la suivons
encore et nous saluons en passant les pères jésuites
dont le modeste établissement marque de ce côté les limites
de Tamatave. En face se trouve la batterie ou
forteresse, avec son mât de pavillon, ^a longue flamme
1. Les Malgaclies, en fait de monnaie, ne se servent que do
pièces de cinq francs qu'ils coupent en menus morceaux et qu'ils
pî;senl avec des petites balances d'une justesse extraordinaire. On
prétend qu'ils peuvent peser jusqu'à la sept cent vingtième partie
d'une piastre. Les principales monnaies sont les plus petites, le
voemeii, 30 c. ; le sikazi, 60 c; le kirobo, 1 fr. 2ô.