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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE. 191

palion de notre esprit nous empêcha de l'admirer. Nous

approchions de Sarayacu, et l'idée de jeter l'ancre dans

son port après quarante-trois jours de voyage, de misères

sans nombre, de petites criailleries, de petits scandales

et de petits propos, cette idée en absorbant toutes

les autres k son profit, nous rendait pour le quart

d'heure indifférent aux beautés du paysage.

Ce port du salut, où nous n'abordâmes que le lendemain

à cinq heures du soir, était une vaste plage

découpée en croissant, encombrée de buissons et de

touffes de fau.x maïs. De longs talus d'ocre et d'argile

à demi voilés par une végétation épaisse, mais rabougrie,

allaient en serpentant rejoindre la ligne des forêts,

située à trente pieds d'élévation du niveau de la rivière.

A gauche de cette plage, coulait la petite rivière de

Sarayacu, venue de l'intérieur, et large seulement de

trois ou quatre mètres. Ce rio d'eau jaune et vaseuse,

voilé par une végétation touffue dont l'ombre estompait

déjà les contours, devait être cher aux caïmans, amis du

clair-obscur et du silence. ^lalgré la mine équivoque

de cet affluent de l'Ucayali, nous nous fussions surpris

à disserter sur son passé et à rechercher lequel des deux

noms, de Sarali-Ghéné', que lui donnaient autrefois

les Indiens Panos, ou de Sara-Yacu^, que lui imposèrent

plus tard des métis péruviens, lui était le plus

justement applicable, si des soins plus pressants que

ceux des étymologies, ne nous eussent occupé en ce moment.

Le soleil se couchait; le crépuscule allait bientôt

venir; la nuit lui succéderait brusquement et nous

savions par ouï-dire, que la Mission où tendaient tous

nos vœux était située à deux lieues de la plage, dans

l'intérieur de la forêt. Or, cette forêt que nous avions h.

traverser, ouvrait devant nous une bouche d'un noir

opaque, d'où sortaient, aux approches du soir, des voix

étranges et des bruits alarmants. La crainte de nous

perdre dans ses détours, et aussi d'avoir maille à partir

avec ses hôtes aux longs crocs et aux larges griffes,

nous fit un devoir de remettre au lendemain notre

entrée à Sarayacu.

Cette décision arrêtée, nous avisâmes aux moyens de

passer la nuit le moins mal possible. Pendant que les

uns sarclaient quelques pieds carrés de terrain pour

étendre les moustiquaires, les autres allaient ramasser

des bûchettes. Bientôt deux grands feux flambèrent à la

fois sur la plage. Comme nous étions eu train de peler

des bananes pour le souper, le comte de la Blanche-

Épine, que nous avions perdu de vue depuis un moment,

caché qu'il était par des buissons de mélastomes,

I. En iiauo : rivière de l'Abeille, de sarali, abeille, et de ghéné,

rivière.

1. En quocluia : riiière du Mais, de sara, mais, et de <jaci(

rivière.

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