LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa
186 LE TOUR DU MONDE.viiraius de la pampa del Sacramenlo, profitaient de lacirconstance pour passer l'eau et prendre leurs aises.Les renseignements que nous recueillimes à ce sujetétaient d'accord avec notre opinion.Dans un trajet de quelques lieues seulement, nousrelevâmes sur l'une et l'autre berge quatorze habitationsde Sipibos, ce qui nous parut prodigieux , eu égard aupetit nombre de demeures que nous avions comptéeschez leurs voisins du sud. Une hospitalité patriarcalenous fut offerte sous le toit de palmes de ces indigènes,où nous mangeâmes pour la première fois de petitestortues au sortir de l'œuf. Ces animaux que les naturelsrecueillent par milliers sur les plages de l'Ucayali aumoment de l'éclosion des œufs, sont jetés par leursménagères dans une marmite en terre avec un peud'eau, un tampon de feuilles par-dessus et cuisent ainsih. la vapeur comme des marrons ou des pommes de terre.On les mange à la façon de nos crevettes, broyant h lalois sous la dent, la carapace et le plastron de l'amphibieencore sans consistance. C'est un mets étrange, délicat,d'uu goût et d'un moelleux superlatifs, que je recommandeen passant au.^ appréciateursde Carême et de sa cuisine.A mesure que nous remontions versle nord, Ja nature déployait un luxe devégétation remarquable. Les plages nuesou bordées de roseaux ne se montraientqu'à de longs intervalles. Deux lignes deforêts placées en regard profilaient lesberges de la rivière dont l'extrémité descourbes, tenue comme un fil, se perdaitdans les brumes de l'horizon. Des groupesd'iles de cinq h six lieues de circuit,couvertes d'une épaisse futaie, s'évasaientau milieu de son lit et l'élargissaientde telle sorte, qu'il nous arrivaitbroyer lessouvent de prendre pour la terre ferme les contoursde ces archipels. Ce n'est qu'après les avoir dépassésque nous reconnaissions notre erreur. Comme correctifà la largeur phénoménale de l'Ucayali, sa profondeurétait à peu près nulle. En certains endroits, etnotamment devant la rivière Pisqui, affluent de sarive gauche , la sonde avait accusé une brasse et demie.Cinq lieues plus loin elle trouvait fond par deuxbrasses. C'était quatre brasses de moins qu'au sortirde la gorge de Tunkini. De cette inégalité de niveauconstamment observée, nous avions fini par conclureque l'Ucayali, rivière très-curieuse, très-pittoresqueet la plus tortueuse peut-être de toutes celles qui sillonnentce globe, semblait destinée à ne jamais porterque des embarcations d'un faible tirant d'eau.Quel échec pour les voyageurs et les géographes qui,depuis un siècle, s'obstineut à établir un réseau de communicationsfluviales à travers l'Amérique du Sud, etpar des combinaisons qu'ils croient ingénieuses, maisauxquelles se refuse énergiquement la nature, relientles provinces transandéennes du Pérou avec ses possessionscisandéennes. Nous reviendrons sur ce systèmed'hydrographie commerciale en faisant nos adieux à larivière Ucayali.Certain malin nous relevâmes îi notre droite le chaînonest-sud-est de la sierra de Cunlamana, champignontrachytique poussé au beau milieu des parties planesdu bassin de l'Ucayalj-Amazone. La chose avait cela demerveilleux qu'aux alentours de la masse pierreuse,dans un périmètre de trois cents lieues, on chercheraiten vain dans le sable des plages et dans l'humus desforêts, un caillou de la grosseur d'un œuf de mésange.Cette sierra violemment injectée au principe par quelquecratère ouvert dans les formations sous-jacentes, plutôtqu'épanchée sur la longueur d'une faille,dut sortit'de terre tout d'une pièce et à l'état semi-liqujde. Lacannes à sucre.masse en s'affaissant sur elle-même et cherchant un niveau,emplit les cavités environnanteset détermina quatre chaînons qui partantdu centre ou nudus, comme les jantes dumoyeu d'une roue, se dirigèrent accidentellementvers les quatre vents cardinaux.Le chaînon du nord porte lenom de Cunlamana qui est celui de lasierra-mère; le chaînon du sud est appeléUri-Cuntaniana, celui de l'estCanchahuaya, celui de l'ouest Chanaijamana.De grandes forêts entourent labase et couvrent les versants de cettesierra dont les sommets seuls sont stériles.Ces forêts abondent en bois de constructionet de placage, en salsepareille,cacao, styrax, vanille, copahu, en gommes et en résines,en miel et en cire, eu plantes tinctoriales et médicinales.Les Sensis, débris de la grande nation desPanos à laquelle se ratlacheut les quatre tribus qui peuplentaujourd'hui la plaine du Sacrement', les Sensis,les plus propres, les plus avenants, les plus honnêtesde tous ces indigènes, habitent les forêts de Chanayamanaoù leur tribu, qui jouit dans les Missions voisinesd'un excellent renom, compte douze à quinze fatmillesreprésentant une centaine d'individus-.Trois jours de navigation seulement nous séparaientde la mission de Sarayacu dont le Chontaquiro Jéronimonous avait fait une description si pompeuse que, n'osanty ajouter foi, nous consultâmes nos rameurs conibospour savoir jusqu'à quel point nous pouvions donnercrédit aux affirmations du sonneur de cloches. CeiLX-ci,peut-être à cette parenté qui les unit dans le passé, qu'il fautattribuer l'antipathie plutôt que la haine véritable que les Conilioset leurs alliés de la rive gauche de l'Ucayali paraissent éprouverpour les Uemos et les Amaluiacas de la rive droite. Tout enles pillant, les houspillant et même les assommant un peu à l'occasion,ils les tolùrent et les traitent comme gens infimes et sansconséquence.1. les Cacibos, les Conibos, les Sipibos et les Schétibos. — Sesautres habitants ne sont que de simples groupes de deux à trois famillesd'origines diverses.1. Les Sensis sont des Schétibos qui se sont séparés du gros de latribu, il y a un demi-siècle environ, pour aller s'établir sur la rivedroite de l'L'cayali. Ces indip^nes vivent en bons termes avec toutesles tribus voisines.
LE TOUR DU MONDE. 187au lieu d'atténuer les hyperboles de leur cocgénère, renchérirentsur elles de telle sorte que nous crûmes fermementque rp]nim, le Païtili et Tel Dorado, tant poursuivisjadis par les conquérants espagnols, n'étaient autresque l'endroit où tendaient tous nos vœux. L'anachronismeévident qu'il y avait entre la recherche de ceslieux enchantés et la fondation du village chrétien, neparvenait pas à détruire nos illusions profondémentenracinées. Il est vrai qu'aucun de nous ne songeaitguère en ce moment à rapprocher les deux époques et kremarquer qu'une période de cent quatre-vingt-dix ansséparait leurs dates.Les trois jours de voyage qui nous restaient à fairepouratteindie le Chanaan américain, où, nouveaux Hébreux,nous comptions trouver à foison de la manne et descailles grasses, ces trois jours que nos rameurs eussentpu ramener à deux, s'ils n'avaient ciailit de fatiguefleurs bras, avaient été divisés par eux en trois élapes desept lieues chacune. Le soir du premier jour, nous allâmescamper sur une plage du nom de Chanaya', oùnous trouvâmes, en arrivant, deux individus, un hommeet une femme. La pirogue quiles avait transportés en1. Du nom du chaînon ouest de la sierra de Cuntamana, au piedduquel elle est située et qui est appelé Clianaya-Wana (cerro deChnnnyn),Ce lieu était attachée par une corde de palmier à unaviron fiché dans le sable. Ces inconnus, que nousavions pris pour des Sipibos, étaient des néophytes dela Mission de Sarayacu, qui remontaient la rivière, cherchantdes troncs de cécropias pour prendre au.x abeillesqui y essaiment, leur provision de miel et surtout decire. L'homme, déjà vieux et privé de l'œil droit, avaitnom Timothée ; il avait été baptisé par je ne sais quelmissionnaire , en compagnie duquel il avait fait plus
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viiraius de la pampa del Sacramenlo, profitaient de la
circonstance pour passer l'eau et prendre leurs aises.
Les renseignements que nous recueillimes à ce sujet
étaient d'accord avec notre opinion.
Dans un trajet de quelques lieues seulement, nous
relevâmes sur l'une et l'autre berge quatorze habitations
de Sipibos, ce qui nous parut prodigieux , eu égard au
petit nombre de demeures que nous avions comptées
chez leurs voisins du sud. Une hospitalité patriarcale
nous fut offerte sous le toit de palmes de ces indigènes,
où nous mangeâmes pour la première fois de petites
tortues au sortir de l'œuf. Ces animaux que les naturels
recueillent par milliers sur les plages de l'Ucayali au
moment de l'éclosion des œufs, sont jetés par leurs
ménagères dans une marmite en terre avec un peu
d'eau, un tampon de feuilles par-dessus et cuisent ainsi
h. la vapeur comme des marrons ou des pommes de terre.
On les mange à la façon de nos crevettes, broyant h la
lois sous la dent, la carapace et le plastron de l'amphibie
encore sans consistance. C'est un mets étrange, délicat,
d'uu goût et d'un moelleux superlatifs, que je recommande
en passant au.^ appréciateurs
de Carême et de sa cuisine.
A mesure que nous remontions vers
le nord, Ja nature déployait un luxe de
végétation remarquable. Les plages nues
ou bordées de roseaux ne se montraient
qu'à de longs intervalles. Deux lignes de
forêts placées en regard profilaient les
berges de la rivière dont l'extrémité des
courbes, tenue comme un fil, se perdait
dans les brumes de l'horizon. Des groupes
d'iles de cinq h six lieues de circuit,
couvertes d'une épaisse futaie, s'évasaient
au milieu de son lit et l'élargissaient
de telle sorte, qu'il nous arrivait
broyer les
souvent de prendre pour la terre ferme les contours
de ces archipels. Ce n'est qu'après les avoir dépassés
que nous reconnaissions notre erreur. Comme correctif
à la largeur phénoménale de l'Ucayali, sa profondeur
était à peu près nulle. En certains endroits, et
notamment devant la rivière Pisqui, affluent de sa
rive gauche , la sonde avait accusé une brasse et demie.
Cinq lieues plus loin elle trouvait fond par deux
brasses. C'était quatre brasses de moins qu'au sortir
de la gorge de Tunkini. De cette inégalité de niveau
constamment observée, nous avions fini par conclure
que l'Ucayali, rivière très-curieuse, très-pittoresque
et la plus tortueuse peut-être de toutes celles qui sillonnent
ce globe, semblait destinée à ne jamais porter
que des embarcations d'un faible tirant d'eau.
Quel échec pour les voyageurs et les géographes qui,
depuis un siècle, s'obstineut à établir un réseau de communications
fluviales à travers l'Amérique du Sud, et
par des combinaisons qu'ils croient ingénieuses, mais
auxquelles se refuse énergiquement la nature, relient
les provinces transandéennes du Pérou avec ses possessions
cisandéennes. Nous reviendrons sur ce système
d'hydrographie commerciale en faisant nos adieux à la
rivière Ucayali.
Certain malin nous relevâmes îi notre droite le chaînon
est-sud-est de la sierra de Cunlamana, champignon
trachytique poussé au beau milieu des parties planes
du bassin de l'Ucayalj-Amazone. La chose avait cela de
merveilleux qu'aux alentours de la masse pierreuse,
dans un périmètre de trois cents lieues, on chercherait
en vain dans le sable des plages et dans l'humus des
forêts, un caillou de la grosseur d'un œuf de mésange.
Cette sierra violemment injectée au principe par quelque
cratère ouvert dans les formations sous-jacentes, plutôt
qu'épanchée sur la longueur d'une faille,
dut sortit'
de terre tout d'une pièce et à l'état semi-liqujde. La
cannes à sucre.
masse en s'affaissant sur elle-même et cherchant un niveau,
emplit les cavités environnantes
et détermina quatre chaînons qui partant
du centre ou nudus, comme les jantes du
moyeu d'une roue, se dirigèrent accidentellement
vers les quatre vents cardinaux.
Le chaînon du nord porte le
nom de Cunlamana qui est celui de la
sierra-mère; le chaînon du sud est appelé
Uri-Cuntaniana, celui de l'est
Canchahuaya
, celui de l'ouest Chanaijamana.
De grandes forêts entourent la
base et couvrent les versants de cette
sierra dont les sommets seuls sont stériles.
Ces forêts abondent en bois de construction
et de placage, en salsepareille,
cacao, styrax, vanille, copahu, en gommes et en résines
,
en miel et en cire, eu plantes tinctoriales et médicinales.
Les Sensis, débris de la grande nation des
Panos à laquelle se ratlacheut les quatre tribus qui peuplent
aujourd'hui la plaine du Sacrement', les Sensis,
les plus propres, les plus avenants, les plus honnêtes
de tous ces indigènes, habitent les forêts de Chanayamana
où leur tribu, qui jouit dans les Missions voisines
d'un excellent renom, compte douze à quinze fatmilles
représentant une centaine d'individus-.
Trois jours de navigation seulement nous séparaient
de la mission de Sarayacu dont le Chontaquiro Jéronimo
nous avait fait une description si pompeuse que, n'osant
y ajouter foi, nous consultâmes nos rameurs conibos
pour savoir jusqu'à quel point nous pouvions donner
crédit aux affirmations du sonneur de cloches. CeiLX-ci,
peut-être à cette parenté qui les unit dans le passé, qu'il faut
attribuer l'antipathie plutôt que la haine véritable que les Conilios
et leurs alliés de la rive gauche de l'Ucayali paraissent éprouver
pour les Uemos et les Amaluiacas de la rive droite. Tout en
les pillant, les houspillant et même les assommant un peu à l'occasion,
ils les tolùrent et les traitent comme gens infimes et sans
conséquence.
1. les Cacibos, les Conibos, les Sipibos et les Schétibos. — Ses
autres habitants ne sont que de simples groupes de deux à trois familles
d'origines diverses.
1. Les Sensis sont des Schétibos qui se sont séparés du gros de la
tribu, il y a un demi-siècle environ, pour aller s'établir sur la rive
droite de l'L'cayali. Ces indip^nes vivent en bons termes avec toutes
les tribus voisines.