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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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178 LE TOUR DU MONDE.

terre, assez fréquents dans ]a. pampa dcl Sacramento^.

Les commotions du sol, au dire des Conibos, sont occasionnées

par le déplacement du grand Esprit, qui abandonne

un moment sa demeure céleste, afin de s'assurer

par lui-même que l'œuvre de ses mains existe encore.

Alors les Conibos de sortir en foule de leurs demeures,

avec des gambades et des gestes extravagants, et chacun

de s'écrier, comme s'il répondait h l'appel d'une

personne invisible : ipima ipima , cvira iqui ,

papa,

cvira iqui! Un moment, un moment, me voici père,

me voici !

A rencontre de cet esprit du bien à qui nous ne connaissons

d'autre nom que celui de père ou d'aïeul, l'esprit

du mal, appelé Yuriina, habite le centre du globe ;

les maux qui assaillent la nation lui sont attribués, et

les Conibos le redoutent si fort, qu'ils évitent autant

qu'ils peuvent, de prononcer son nom.

Les esprits forts, il s'en trouve partout, se sont attribué,

au nom du diable, im pouvoir qui n'a de bases

réelles que la laiblesse d'intelligence et la crédulité

d'aulrui. Ces grands hommes, à la fois sorciers, jongleurs

et médecins, ont dans leur gibecière, nombre de

tours dont ils régalent leur public ingénu, lis guérissent

les piqûres des serpents, des raies et des insectes, dé-

])itent des amulettes d'heur et de malheur et jusqu'à

des philtres amatoires composas avec la chair et les

yeux du célacé cuchiisca {Delphinus Amasoniensis )

Grâce au mystère dont s'entourent ces Yubués ou docteurs

en magie, à leurs rares paroles et aux conférences

secrètes qu'ils feignent d'avoir avec Yurima

leur patron, au moyen d'une léthargie due à quelque

narcotique , leur prestige et leur crédit sont solidement

établis dans l'opinion publique. On les consulte

il tout propos et à propos de tout. Il va sans dire, que

chaque consiillation est toujours accompagnée d'un petit

présent.

Mais comme il n'est pas de montagne sans vallée et

de fortune sans revers, il arrive quelquefois à nos Yubués

de payer cher la terreur et l'admiration qu'ils ont

imposées h la foule ;

le bâton de leurs admirateurs venge

cruellement le malade que ces charlatans ont tué, après

s'être vantés publi<;ucment de le guérir.

A l'instar des héros Scandinaves, les Conibos après

leur mort habitent un ciel belliqueux dont les joutes

et les tournois sont les passe-temps. Les vierges d'Odin

y sont représentées par des Albo-Mucaï (courtisanes)

1 . C'est aux foyers volcaniques de la ilesa île Pasto flans le Popayan.

situés sur la mfme chaîne que ceux de l'Equateur et en

communication directe avec eux, qu'on doit attribuer les bouleversements

géologiques de la partie N. 0. du bassin de l'Amazone

et lis commotions qui chaqvie année sont ressenties dans les plaines

du Sacrement. Pendant la durée du phénomène, les ondes

d'ébranlement, comme on a p\i l'observer maintes fois, se propagent

invarialilement dans la direction du N. 0. au S. E. Lors de

la dernière irruption du volcan de l'asto, qui eut lieu vers sept

heures du soir, la colonne de matière ignée qui s'éleva de son

cratère atteignit une hauteur telle, qu'elle éclaira l'espace à plus

de 200 lieues. Les habitants de Sarayacu et lieux circonvoisins

prirent cette clarté qui empourprait le ciel pour le reflet d'une

aurore boréale. Un mois après l'éruption, la nouvelle leur en fut

apportée.

qui offrent au guerrier conibo des mo7ilagnes d'aliments

et des fleuves de boisson '.

A la mort d'un Conibo, les iemmes se réunissent dans

sa demeure, enveloppent le cadavre dans son Tari (sac),

placent dans sa main droite un arc et des flèches, afin

qu'il pourvoie à sa subsistance dans son voyage d'outretombe,

et après l'avoir barbouillé de rocou et de genipa,

elles lui emboîtent le visage dans la moitié d'une calebasse

destinée à lui servir de coupe. Le défunt ainsi

accoutré, est sanglé avec des courroies découpées dans

le cuir frais d'un lamentin et ressemble assez à une

carotte de tabac. Les femmes mettent tant de soin et

d'application à le ficeler, qu'elles semblent vouloir mettre

le malheureuS Conibo dans l'irapossiliilité de se débarrasser

de ses liens au jour de la résurrection. Ces

formalités lugubres accomplies, les femmes disposent

le cadavre sur le sol de la hutte, la tête au levant et

les pieds au couchant, puis dépliant la bande de colon

qui entoure leur corps la font passer entre les jambes,

de façon à ce que les deux bouts, retenus par un brin

d'écorce, reposent , d'un côté sur leur ventre , de' l'autre

sur leurs reins. Cette façon de se draper n'est usitée

qu'à l'occasion des funérailles et porte le nom de

Chiacqucti. La danse et le chant mortuaires du Chirinqiti

commencent ensuite. Nous en avons reproduit l'air

pour l'édification du lecteur.

Ll-Hl.

^^m

A cet air du Chirinqui mécaniquement reproduit ici,

il manque deux choses, l'âme et la vie : ainsi , d'une

tête de mort dans laquelle les cavités de la bouche et

des yeux existent encore, mais d'où la parole et le regard

sont absents. Les notes de la gamme n'ont pu rendre le

style et la manière thréuodiques de cette mélopée sauvage,

rauque, voilée et néanmoins d'une douceur et

d'une mélancolie singulières.

Les femmes la chantent lentement , sans paroles, du

fond de leur gosier, auquel on croirait qu'elles ont mis

une sourdine et, tout en chantant, tournent à la file autour

du cadavre gisant. Elles ont ployé leurs bras de

1. Nous regrettons de ne pas savoir, pour le redire il nos lecteurs,

le nom du Mahomet des Panos et des Conibos, qui, pour

llaUcr les goûts de la nation, lui promit qu'elle jouirait abondamment

après sa mort des ressources alimentaires dont la recherche

avait fait la préoccupation constante de sa vie. Ainsi le Prophète,

dans le Coran, sut llatter la paresse et les goûts voluptueux de ses

fidèles en leur promettant, au sortir de cette existence, la torpeur

extatique des rêves opiacés à l'ombre de l'arbre Tupa et dans la

inmpagnie de houris blanches, vertes et rouges.

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