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178 LE TOUR DU MONDE.
terre, assez fréquents dans ]a. pampa dcl Sacramento^.
Les commotions du sol, au dire des Conibos, sont occasionnées
par le déplacement du grand Esprit, qui abandonne
un moment sa demeure céleste, afin de s'assurer
par lui-même que l'œuvre de ses mains existe encore.
Alors les Conibos de sortir en foule de leurs demeures,
avec des gambades et des gestes extravagants, et chacun
de s'écrier, comme s'il répondait h l'appel d'une
personne invisible : ipima ipima , cvira iqui ,
papa,
cvira iqui! Un moment, un moment, me voici père,
me voici !
A rencontre de cet esprit du bien à qui nous ne connaissons
d'autre nom que celui de père ou d'aïeul, l'esprit
du mal, appelé Yuriina, habite le centre du globe ;
les maux qui assaillent la nation lui sont attribués, et
les Conibos le redoutent si fort, qu'ils évitent autant
qu'ils peuvent, de prononcer son nom.
Les esprits forts, il s'en trouve partout, se sont attribué,
au nom du diable, im pouvoir qui n'a de bases
réelles que la laiblesse d'intelligence et la crédulité
d'aulrui. Ces grands hommes, à la fois sorciers, jongleurs
et médecins, ont dans leur gibecière, nombre de
tours dont ils régalent leur public ingénu, lis guérissent
les piqûres des serpents, des raies et des insectes, dé-
])itent des amulettes d'heur et de malheur et jusqu'à
des philtres amatoires composas avec la chair et les
yeux du célacé cuchiisca {Delphinus Amasoniensis )
Grâce au mystère dont s'entourent ces Yubués ou docteurs
en magie, à leurs rares paroles et aux conférences
secrètes qu'ils feignent d'avoir avec Yurima
leur patron, au moyen d'une léthargie due à quelque
narcotique , leur prestige et leur crédit sont solidement
établis dans l'opinion publique. On les consulte
il tout propos et à propos de tout. Il va sans dire, que
chaque consiillation est toujours accompagnée d'un petit
présent.
Mais comme il n'est pas de montagne sans vallée et
de fortune sans revers, il arrive quelquefois à nos Yubués
de payer cher la terreur et l'admiration qu'ils ont
imposées h la foule ;
le bâton de leurs admirateurs venge
cruellement le malade que ces charlatans ont tué, après
s'être vantés publi<;ucment de le guérir.
A l'instar des héros Scandinaves, les Conibos après
leur mort habitent un ciel belliqueux dont les joutes
et les tournois sont les passe-temps. Les vierges d'Odin
y sont représentées par des Albo-Mucaï (courtisanes)
1 . C'est aux foyers volcaniques de la ilesa île Pasto flans le Popayan.
situés sur la mfme chaîne que ceux de l'Equateur et en
communication directe avec eux, qu'on doit attribuer les bouleversements
géologiques de la partie N. 0. du bassin de l'Amazone
et lis commotions qui chaqvie année sont ressenties dans les plaines
du Sacrement. Pendant la durée du phénomène, les ondes
d'ébranlement, comme on a p\i l'observer maintes fois, se propagent
invarialilement dans la direction du N. 0. au S. E. Lors de
la dernière irruption du volcan de l'asto, qui eut lieu vers sept
heures du soir, la colonne de matière ignée qui s'éleva de son
cratère atteignit une hauteur telle, qu'elle éclaira l'espace à plus
de 200 lieues. Les habitants de Sarayacu et lieux circonvoisins
prirent cette clarté qui empourprait le ciel pour le reflet d'une
aurore boréale. Un mois après l'éruption, la nouvelle leur en fut
apportée.
qui offrent au guerrier conibo des mo7ilagnes d'aliments
et des fleuves de boisson '.
A la mort d'un Conibo, les iemmes se réunissent dans
sa demeure, enveloppent le cadavre dans son Tari (sac),
placent dans sa main droite un arc et des flèches, afin
qu'il pourvoie à sa subsistance dans son voyage d'outretombe,
et après l'avoir barbouillé de rocou et de genipa,
elles lui emboîtent le visage dans la moitié d'une calebasse
destinée à lui servir de coupe. Le défunt ainsi
accoutré, est sanglé avec des courroies découpées dans
le cuir frais d'un lamentin et ressemble assez à une
carotte de tabac. Les femmes mettent tant de soin et
d'application à le ficeler, qu'elles semblent vouloir mettre
le malheureuS Conibo dans l'irapossiliilité de se débarrasser
de ses liens au jour de la résurrection. Ces
formalités lugubres accomplies, les femmes disposent
le cadavre sur le sol de la hutte, la tête au levant et
les pieds au couchant, puis dépliant la bande de colon
qui entoure leur corps la font passer entre les jambes,
de façon à ce que les deux bouts, retenus par un brin
d'écorce, reposent , d'un côté sur leur ventre , de' l'autre
sur leurs reins. Cette façon de se draper n'est usitée
qu'à l'occasion des funérailles et porte le nom de
Chiacqucti. La danse et le chant mortuaires du Chirinqiti
commencent ensuite. Nous en avons reproduit l'air
pour l'édification du lecteur.
Ll-Hl.
^^m
A cet air du Chirinqui mécaniquement reproduit ici,
il manque deux choses, l'âme et la vie : ainsi , d'une
tête de mort dans laquelle les cavités de la bouche et
des yeux existent encore, mais d'où la parole et le regard
sont absents. Les notes de la gamme n'ont pu rendre le
style et la manière thréuodiques de cette mélopée sauvage,
rauque, voilée et néanmoins d'une douceur et
d'une mélancolie singulières.
Les femmes la chantent lentement , sans paroles, du
fond de leur gosier, auquel on croirait qu'elles ont mis
une sourdine et, tout en chantant, tournent à la file autour
du cadavre gisant. Elles ont ployé leurs bras de
1. Nous regrettons de ne pas savoir, pour le redire il nos lecteurs,
le nom du Mahomet des Panos et des Conibos, qui, pour
llaUcr les goûts de la nation, lui promit qu'elle jouirait abondamment
après sa mort des ressources alimentaires dont la recherche
avait fait la préoccupation constante de sa vie. Ainsi le Prophète,
dans le Coran, sut llatter la paresse et les goûts voluptueux de ses
fidèles en leur promettant, au sortir de cette existence, la torpeur
extatique des rêves opiacés à l'ombre de l'arbre Tupa et dans la
inmpagnie de houris blanches, vertes et rouges.