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LE TOUR DU MONDE. ie9
projet ou au plan qui leur est soumis, et jusqu'à la certitude
de sa réussite. Ce tic bizarre est appliqué à une
foule de choses. Le sujet le reproduit en s'assurant de
l'élasticité de son arc fraîchement bandé, de la bonté
d'une flèche qu'il a roulée entre ses doigts, soupesée et
mirée par ses extrémités avant de s'en servir ;
de l'aliment
et de la boisson qu'il préfère ;
enfin, de l'objet
qu'il convoite et de la '"'^ose qu'il admire.
Les armes des Gonibos sont l'arc, les flèches, la massue
et la sarbacane. Le bouclier de peau de tapir et les
lances de palmier, dont il est fait mention dans les récits
des premiers missionnaires, ont disparu depuis longtemps
de leur panoplie. C'est du palmier chonta {oreocloxa)
qu'ils tirent le bois nécessaire à la fabrication des
arcs et des massues. La corde de l'arc est tressée par les
femmes avec les folioles du palmier maurilia. Les vieillards
des deux se.xes sont chargés de confectionner les
flèches et de récolter chaque année les hampes florales
du (jyneriuin saccliaroides qu'ils emploient à cet
usage, après les avoir bottelées et fait sécher six mois
à l'ombre. Lès rectrices d'un hocco , d'un pénélope
ou d'un vautour-harpie, leur servent ensuite à les empenner.
La sarbacane, dont se servent les Conibos, ainsi que
la plupart des indigènes de l'Ucayali et du Maranor,
est fabriquée par les Indiens Xéberos qui habitent la
rive gauche du Tunguragua-Maranon, dans l'intérieur
des terres, entre ses deux affluents, les rivières Zamora
et Morona. Les Conibos l'obtiennent des Xéberos, en
échange de cire qu'ils recueillent dans le tronc creux des
cécropias. La valeur commerciale de cette arme est d'environ
dix francs. Son utilité pour lâchasse en a répandu
l'usage parmi les néoph;^tes des ^Missions de i'Ucayali et
les riverains sauvages et civilisés du Haut-Amazone'.
Les flèches affectées à ces sarbacanes sont de véritables
aiguilles à tricoter. On les fabrique avec le pétiole des
Famille conibu en voyage
palmiers. La tête de ces flèches est empennée d'un flocon
de soie végétale empruntée au bombax, et leur pointe
aiguë, incisée de façon h se rompre dans la blessure de
l'animal, est trempée à l'avance dans le poison des
Ticunas^.
Ce toxique, dont on n'a décrit qu'imparfaitement la
1 . I.cs xéberos ne .sont pas les seuls indigènes qui fabriquent (les
sarbacanes ou pupunas. Les Ticunas, les Yahuas et quelques autres
tribus du Haut-Amazone en fabriquent également. Le mode de fabrication
de ces tubes est trop peu connu pour que nous ne lui
consacrions pas ici quelques lignes. Deux listels ou baguettes,
d'une longueur qui varie de deux mètres à quatre, sur une largeur
en carré de deux à trois pouces, sont prises dans le stipe d'un palmier
chonta et forment le corps brut de la sarbacane. Sur une face
de ces baguettes, l'ouvrier ébauche au couteau un canal ou gouttière
dont les deux moitiés de cercle, en les ajustant l'ime à l'autre,
lui donneront une circonférence. Pour obtenir une concavité parfaite,
l'opérateur, après avoir ébauché sa gouttière, en saupoudre
l'intérieur de sable grenu, et s'aidant d'une forte courroie de cuir
de lamentin durcie à l'air et dont un de ses compagnons tient
l'extrémité, manœuvre avec celui-ci à la façon de nos scieurs de
long, tirant à lui et lâchant tour à tour, et sans s'en douter mettant
eu pratique l'axiome de physique qui veut que, de deux corps
soumis à un frottement continu, le plus dur des deux use l'autre.
Deux jours de ce travail ont suffi an sable pour user le palmier.
Les deux gouttières, convenablement creusées, reçoivent un dernier
poli à l'aide d'un astic emprunté à l'humérus d'un lamentin
et par le même procédé qu'emploient nos cordonniers pour Usser
les semelles. Reste f nsuite à les ajuster avec le plus grand soin, i
abattre les angles extérieurs et à arrondir le tout, qu'une ligature
en fil relie solidement du haut en bas. Cette ligature est dissimulée
au moyen d'un mastic composé de cire, de résine de copal et de
noir de fumée. Comme aucune suture ou solution de continuité
n'apparaît sur ces longs tubes, il est facile de les prendre, comme
l'a fait le savant Humboldt, pour la tige creuse d'une bambusacée
ou le stipe fistuleux de quelque palmier nain. A l'extrémité inférieure
de la sarbacane, sont soudées deux défenses de pécari qui
emboîtent en forme de parenthèse les lèvres du chasseur et empêchent
le tube de vaciller. Enfin un point de mire est placé sur le
dos de la sarbacane, à l'endroit où nous le plaçons sur nos armes
à feu.
2. Les Indiens Combazas, néophytes des Missions du Huallaga;
les habitants de Lamas, de Tarapote et de Balzapuerto, sur la
même rivière, enfin les Xéberos et les Yahuas du Haut Amazoue,