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168 LE TOUR DU MONDE.
obtenu par la maci-ration des feuilles d'uu capsicus, un
roufre terne emprunté au rocou, forment l'échelle des
teintes employées dans leurs œuvres.
Leurs pinceaux sont façonnés avec trois ou quatre brins
d'herbe sèche, attachés par le milieu ou même par une
simple mèche de coton roulée à la façon de ces grêles
estompes appelées torlillons, que le dessinateur fabrique
lui-même, au fur et à mesure de ses besoins. Le peu
de consistance de ces outils, ne permet pas à l'artiste
d'étendre sa peinture dans tous les sens, et son procédé
mécanique consiste à traîner horizontalement le pinceau
de pauclie à droite.
Avec les grecques, les losanges, les entrelacs et autres
motifs d'ornementation qu'ils emploient dans la décoration
de leurs poteries, ils ont des hiéroglyphes bizarres
et charmants empruntés au plumage de la grue Gaurale
(ardea lielias). Les fantastiques zébrures de cet oiseau,
assez rare et presque toujours solitaire, que les naturalistes
ont surnommé le petit paon des roses, ont donné
aux femmes conibos l'idée d'un genre spécial d'arabesques
pour leurs vases et leurs tissus, comme la spatule
caudale du lamentin parait avoir fourni aux hommes
le modèle de leurs pagaies.
Avant d'entreprendre une excursion sur la grande
rivière, et tandis (|ue la femme s'occupe de l'équipement
et de l'approvisionnement de la pirogue, ou entasse
au fond de l'embarcation les mottes de terre
mouillées sur lesquelles sera placé le foyer destiné à cuire
les aliments pendant la traversée , le Conibo, assis sur
la berge, inspecte gravement son picha, ou sac de nuit,
afin de s'assurer qu'aucun des objets nécessaires à sa
toilette ne lui fera défaut durant le voyage. Le sac de
nuit d'un Conibo, espèce de cabas en coton tissé qu'il
porte toujours en sautoir et qu'il n'abandonne jamais,
renferme habituellement, comme celui des .\ntis, des
amandes de rocou et une pomme de genipa pour les
Femme conibo jjeignant des poteries.
peintures, un débris de miroir, un peigne fabriqué
avec les épines du palmier chonta, un morceau de cire
vierge, un peloton de fil, une ))ince à épiler, une tabatière
et un appareil à priser.
La pince à épiler (isanou) est formée par deux
valves de iiiulilus reliées à leur extrémité par une charnière
en fil, et dont l'opi'rateur se sert avec beaucoup
d'adresse.
Nous n'avons rien vu de plus comique que la grimsice
d'un de tes Conibos, le nez collé sur sou miroir, et en
train d'arracher la demi-douzaine de poils semés sur
son visage.
La taliatière (chicapouln) est empruntée au test d'un
bulime. Son possesseur l'emplit jusqu'à l'orifice, d'un
tabac récolté; vert, séch(' à l'ombre et réduit en une
poudre presipie impalpable.
L'usago du tabac (chica) n'est pas considéré par ces
indigènes comme une distraction ou comme une habitude,
mais seulement comme un remède. Lorsqu'ils se
sentent la tête lourde, ou qu'un coryza irrite leur membrane
pituilaire, ils prennent, comme les Antis et les
Chontaquiros, leur appareil à priser {chicachaouh)
construit de la même façon que ceux de leurs voisins,
et prient un camarade de souffler dans le tube vide, et
d'envoyer au fond de leurs cavités cérébrales la poudre
à Nicotdont l'autre tube est plein. Cette opération terminée,
le Conibo, les yeux hors de la tête, soufflant,
renâclant, élernuant, remet dans sou cabas sa tabatière
et son a|)pareil ;i priser, et traduit alors sa satisfaction
par un chqipement de lèvres et de langue très-singulier.
Ce clappement labial et lingual du Conibo a maiiilc
analogie avec le geste européen de se frotter les mains
pour témoigner d'une jubilation quelconque. Chez ces
indigènes, il exprime en outre, le plaisir ou l'orgueil à
propos d'une difficulté vaincue, l'adhésion formelle au