You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
158 LE TOUR DU MONDE.
versait sur le paysage des torrents de lumière. Ou eût
dit que le sable des plages (f-tait chaufl'é à blanc.
L'arrivée d'une douzaine de Conibos occasionnait tout
ce tapage, ^'enus de l'intérieur des terres par la rivière
Apujau qui coulait k peu de distance du campement,
ils avaient trouvé la plage occupée, et leconnaissant à
la clarté de la lune les moustiquaires brunes de leurs
compagnons, ils s'étaient mis à brailler à tue-létc pour
les avertir de leur arrivée.
En un clin d'œil tous les dormeurs lurent sur pird.
Les nouveaux venus racontèrent leur histoire. Ils revenaient
d'une chasse h l'homme sur le territoire des Indiens
Reraos qu'ils accusaient de leur avoir volé une
pirogue, munie de ses agrès et apparau.x, c'est-h-dire
de deux rames et d'une pagaye. Pour châtier l'audace
de ces indigènes et reprendre leur bien, les Conibos
s'étaient embarqués à la nuit tombante et avaient remonté
la rivière Apujau jusqu'à la première habitation
des Remos. Les chasseurs se flallaieut de prendre le
lièvre au gîte. Mais le choc des rames, le remou de
l'eau, le frôlement de la pirogue contre les roseaux, ces
bruits inappiéciables pour l'Européen, avaient donné
l'alarme aux sauvages. Pendant que les Gouibos manœuvraient
de façon h prendre les Remos par devant, ceux-ci
s'enfuyaient par derrière : leur cabane avait deux issues.
En attendant qu'une vengeance plus complète leur fût
offerte, les Conibos avaient pillé la demeure de l'ennemi
et l'avaient incendiée.
Bientôt finit le territoire de la nation Conibo et commença
celui des Indiens Sipibos. La rivière Capoucinia,
issue des contre-forts occidentaux de la Sierra de Cuntamana
et que l'Ucayali reçoit par la droite, est la limite
qui marque sans les séparer, les possessions des deux
pays. Conibos et Sipibos, sortis du même tronc, parlent
Les moustiquaires.
la même langue, ont le même farks et les mêmes coutumes
et quoique séparés depuis des siècles, vivent en
assez bonne intelligence.
Avant de passer outre et bien que nos rameurs Conibos
dont nous apprécions de plus en plus les qualités privées,
doivent nous accompagner jusqu'à Sarayacu, nous allons
régler avec eux nos comptes ethnologiques : les bons
comptes font les bons amis, comme disait notre ancien
compagnon de voyage, le géographe ; donc, pour donner
à chacun ce qui lui revient, autant que pour mettre un
peu d'ordre dans notre nomenclature des Indiens Conibos,
Sipibos, Schelibos, et autres naturels en os, nous
tracerons séparément la monographie de leurs tribus.
C'est le seul moyen d'éviter l'écueil contre lequel est
venu se heurter un voyageur moderne qui trouve —
« difficile de ne pas faire de confusion, quand on parle
des sauvages de l'Ucayali. » — Il est vrai que ce voyageur
n'en a parlé que par ouï-dire et sans les avoir
jamais vus; or, chacun sait, pour l'avoir expérimenté
par lui-même ou avoir In, dans Horatius Flaccus, un vers
relatif à la chose, qu'il est difficile, en effet, d'énoncer
clairement ce que l'on n'a pas bien compris. Ceci dit,
sans penser à mal, nous entrons en matière.
Quand des religieux Franciscains venus de Lima', e.\-
plorèrent pour la première fois la partie du Pérou comprise
entre les rivières Huallaga, Maranon , Ucayali et
Paihitea, ils trouvèrent établie sur les bords de la petite
1. c'est aux rolipieiix des couveiiLs de Lima qii'im doit la fondation
des Missions du liant et du bas Huallaga , les pins anciennes
du Pérou, comme celles de Maynas et du liant-Amazone, furent
l'œuvre des Jésuites de C'iiito. Le collège apostolique d'Ocopa,
dans la province de Jauja, d'oi'ï devaient sortir un jour tant de missionnaires,
n'était pas encore fondé au dix-septième siècle, et ne
le fut qu'en n3S, pai le P. Francisco de San-José. C'est à ce religieux
et .'i ceux qui lui succédèrent, qu'est due la fondation des
Missions du Ccrro de la Sal, du Pajonal , du Pozuzo, et enfin
celles de l'Ucayali. Do toutes les Missions du Pérou, qui, .iu milien
du dix-huitième siècle, s'élevaient à près de cent cinquante,
il en reste huit aujourd'hui : deux sur la rivière Huallaga, \ine
sur celle de Santa-Calalina, voisine de Sarayacu .
et deux sur l'Amazone.
trois sur l'Ucayali