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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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130 LE TOUR DU MONDE.

amas de petits nuages que ses derniers rayons frangeaient

de cinabre et de feu. La rivière Apurimac divisée

en trois bras*, coupait inégalement la ))lage que nous

achevons de décrire, et ses eaux d'un vert d'émeraude,

qu'aucun vent ne ridait, venaient, dans un calme superbe,

se mêler aux ondes troubles et jaunâtres du Quillabamba-Santa-Ana.

Je me fusse arrêté longtemps devant ce tableau, si le

chef de la commission péruvienne qu'il n'intéressait que

médiocrement, ne m'eût demandé tout à coup et d'un

air perplexe, ce que je complais manger à souper, aucune

espèce de provisions ne se trouvant dans la pirogue.

Non seulement je pus répoudre à sa question et

le tirer d'embarras, mais même m 'acquitter lionorablement

envers lui. ]'our cela , il me suffit d'ouvrir un

caisson-havre-sac qu'au début du voyage je portais sur

mon dos, à l'aide de bretelles. Dans ce caisson était enfouie

sous des croquis de plantes cl des réflexions mairnscrilcs,

certaine boite de sardines k l'huile que le

lecteur a sans doute oubliée, mais dont je m'étais toujours

souvenu. Cette boite qui depuis notre départ d'Écharati

avait supporté bien des chocs ,

subi bien des

averses, échappé à bien des naufrages, fut retirée, un

peu oxydée il est vrai , de l'endroit où je la tenais, mais

gardant fidèlement, malgré cet oxyde, le dépôt que le

fabricant de conserves alimentaires lui avait confié.

A l'aide d'un couteau et d'ime pierre, j'enlevai son couvercle

et remis à chacun de nous, y compris le mozo

Anaya, compagnon du cholo Antonio, une part du poisson

qu'elle contenait. Gomme nous étions quatre pour

manger cinquante sardines, c'étaient juste douze et demie

qui revenaient à chaque individu. Un morceau de pain

eût été nécessaire pour accompagner ce mets irritant,

mais nous y suppléâmes en buvant une gorgée d'huile.

Les Ghontaquiros qui avaient énergiquement refusé de

goûter à ce qu'ils appelaient du poisson pourri, soupèrent

d'air et de rosée et réclamèrent seulement par l'organe

de l'interprète, la boite de ferblanc que nous leur

abandonnâmes après l'avoir vidée. Cet objet qu'ils lavèrent

et fourbirent pour lui enlever son odeur, fut conservé

par eux comme un échantillon de l'industrie européenne.

Nos sardines mangées, nous nous couchâmes sur les

pierres, faute d'herbe ou de roseaux pour fabriquer des

matelas. Nos rameurs qui avaient jugé convenable de ne

pas souper, trouvèrent o])portun de ne pas dormir et

passèrent la nuit à chuchoter entre eux. Malgré le dédain

qu'ils affectaient à l'égard dos Antis et leur ton railleur

en parlant de ces indigènes, je crus comprendre qu'ils

n'étaient pas très-rassurés de se trouver de nuit, sans

armes et en petit nombre, h l'embouchure de l'Apurimac

dont les deux rives, dans l'intérieur, sont habitées par

des Indiens Antis. De temps eu temps, je les voyais se

soulever sur un coude, interroger de l'œil les noires

profondeurs de la rivière et échanger quelques mots h.

1. Le bras principal de celle rivière peut avoir cent cinquante

mètres de largeur et les deux autres de soi.\aate dix à quatrevingts

mètres.

voix basse. Peut-être craignaient-ils une surprise de

l'ennemi ; car si les Antis riverains du Quillabamba-

Santa-Ana vivent en d'assez bons termes avec les Ghontaquiros,

et se laissent au besoin rançonner par eux,

leurs frères de l'intérieur ne se montrent pas d'aussi

bonne composition et tiennent à distance respectueuse

leurs turbulents voisins.

L'inquiétude de nos rameurs s'évanouit avec l'obscurité.

Quand parut le jour, nous voguions au large. En

se retrouvant au milieu de l'Apu-Paro, c'est le nom

que prend notre rivière après sa jonction avec l'Apurimac

ou Tambo (Tampu) , la verve des Ghontaquiros,

contenue par la peur, fit explosion; tous se mirent à babiller

, de concert avec les singes et les oiseaux qui

s'éveillaient sur les deux rives.

Tout en suivant le cours de l'Apu-Paru, formé, comme

nous venons de le dire, par la réunion des rivières Apurimac

et Quillabamba-Saula-Ana, jetons un coup d'œil,

non sur cette dernière que nous avons vue sortir, à

Aguas-Galienles, du Huilcacocha ou lac de Huilca, mais

sur sa voisine, dont nous n'avons rien dit encore, 'bien

que les géographes s'en occupent depuis longtemps et

que sa noblesse historique fût déjà reconnue au temjis

des Incas.

Le lac de Vilafro d'où sort l'Apurimac, est situé par

16° 55" de latitude australe, entre les sierras de Gailloma,

de A'elille et de Gondoroma, ramifications de la

chaîne des Andes occidentales. La longueur de ce lac est

d'environ deux lieues , sa largeur d'une lieue et demie

et sa prolondeur variable entre trois et sept brasses.

De la vasque fracturée de ce bassin , dans la partie de

l'est,

s'échappe un ruisseau qui s'épand sans bruit à travers

la jilaine et ,

grossi à huit lieues de là par les eaux

du torrent Parihuana, prend le nom de rivière de Chita,

sous lequel il longe les provinces de Gauas et de Ghumbihuilcas,

se dirigeant au nord en ligne presque droite.

Après un trajet de vingt-trois lieues durant lequel il a

reçu neuf ruisseaux par la gauche et onze par la droite,

il passe brusquement du nord à l'ouest, prend le nom

d"Apurimac en quittant la province de Quispicanchi pour

entrer dans celle de Paruro, puis rectifiant insensiblement

son cours, il traverse les provinces d'Antas et d'Abancay

el coupe , dans l'aire du nord-est , la chaîne des

Andes centrales. Là, profondément encaissé entre de

hautes montagnes, il parcourt des solitudes inaccessibles

où, peudant vingt-cinq ou trente lieues, on le perd

de vue. 11 reparaît à gaucho des vallées de Saata-Ana et

de Huarancalqui , se dirigeant toujours au nord-nordest.

— Grossi tour à tour par les eaux du Pachachaca,

du Pampas ou Gocharcas, du Xauja ou Mantaro, descendus

des hauteurs d'Abancay, d'Ayacucho, de Huanta, de

Huancavelica et de Pasco, il traverse la région du Pajonal,

reçoit par la gauche les deux rivières jointes en un

seul cours, de Pangoa et de Ghaucliamayo {Eue y Pcrcnc),

et désormais stalionuaire dans la direction du norJ-nordest

quart nord, il opère sa jonction avec le Quillabamba-Sanla-Ana,

par 10" 75" de latitude.

Pendant longtemps, il fut de luuJe parmi lesgéogra-

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