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,
I
même
d'une main parcimonieuse et défiante, tant que notre
système administratif continuera de verser sur nos communes
une sorte d'assoupissement, aucun homnib un
peu éclairé ne pourra vivre heureux dans nos villages, à
moins d'être très-riche ou très-dévoué. Après tout, on
n'a pas le droit de blâmer ceux qui cherchent à échapper
à l'ilotisme intellectuel : nous prenons trop facilement
notre parti de l'ignorance des autres : nous n'avons
pas assez de pitié pour les misères de l'esprit : nous devrions
ne jamais oublier du moins combien elles peuvent
devenir redoutables.
Note sur les
Edouard Charton.
bains de Pfàfers.
Le nom de Pfâfers est d'une forme assez singulière ' .
a préoccupé longtemps les étymologistes du pays. Il résulte
vraisemblablement de la transposition en allemand
d'un nom primitif qui devait appartenir à la langue romanche.
La population celtique, rejetée aujourd'hui par
la population germanique dans le canton des Grisons,
s'étendait autrefois sur ces vallées, comme le prouve le
nom même de Tamina, ainsi que les noms de Calanda,
Sardona, Pizoluna, donnés aux cimes qui les dominent,
et ceux de lasa, calvina, vadura, vason, portés encore
aujourd'hui par les pâturages alpestres d'alentour. Il en
était sans doute de même du nom du couvent, qui, dans
les anciens manuscrits, figure sous les formes variées de
favures, faviera, fabaria, papharia : c'est de cette forme
douce et harmonieuse qu'est sortie, conformément au
génie de l'allemand, la forme dure et rude de Pfiifers
ou Pfeffers.
Quant au nom même de fabaria, on a prétendu le
rattacher à l'origine du monastère. Ce monastère fut
fondé au commencement du huitième siècle par Pirminien,
évêque de Meaux, qui vint dans la contrée pour y
réveiller le christianisme, annoncé déjà depuis un siècle
par Gallus. La tradition rapporte que l'évêque s'était
d'abord décidé à établir l'édifice sur la rive droite du
Rhin, mais que pendant que l'on y travaillait, un charpentier
s'étant blessé, une colombe descendit du ciel,
prit dans son bec un éclat de bois teint du sang de l'ouvrier,
et alla se poser sur les pentes de la rive gauche
au lieu où se voit aujourd'hui le couvent : de là le nom
de fabaria, dérivé de faber, ouvrier. Mais cette tradition
ne parait être qu'une assez maladroite légende inventée
en vue des armes de l'abbaye, qui représentent en efl'et
une colombe, les ailes ouvertes, tenant dans son bec un
éclat de bois taché de sang. L'on ne peut guère douter
que ces armes ne cachent un symbole d'une plus haute
valeur, et je ne crois pas me tromper en y voyant le
Saint-Esprit transportant, jusque dans ces sauvages montagnes,
un fragment du bois ensanglanté de la croix.
Quant à l'étymologie, si on en voulait une absolument,
rien n'empêchait de la tirer tout simplement, comme on
l'a depuis longtemps proposé, du mot de faba, fève, et
1. A Ragaz on écrit indifféremment Pfafer, Pfefer , Pfàffer et
Pfai-ffers.
LE TOUR DU MONDE. 123
Il
de supposer que ce légume, qui joue un si grand rôle
dans la culture des hautes vallées, fut jadis importé dans
la Rhéiie par les bénédictins de Pirminien, qui devaient
en faire aussi grand usage.
Les trois branches qui forment le Rhin trouvent devant
elles , au sortir des vallées étroites des Alpes, une large
plaine courant du sud au nord, où elles se réunissent.
Cette plaine, à son extrémité septentrionale, offre deux
grandes dépressions, qui senties larsde Vallenstadt et de
Zurich; mais le Rhin, dans l'état actuel des choses, ne va
pas jusque-là. Arrivé à quelques lieues du lac de Vallenstadt,
il trouve, sur sa droite, une plaine analogue à celle
dans laquelle il avait coulé jusque-là, mais qui croise
celle-ci obliquement, et il se détourne tout ù coup pour
s'y jeter et gagner par là le lac de Constance. Il y a toute
apparence qu'à d'autres époques, il suivait la première
voie, peut-être toutes deux à la fois, et dans ses grandes
crues il menace d'y revenir, car il n'est rejeté dans la
vallée de droite que par une espèce de barrage formé de
ses propres dépôts, et qui ne s'élève pas au-dessus de
six à sept mètres. C'est précisément en face de cette coupure
transversale si importante, et dans la même direction,
que s'ouvre la vallée de la Tamina. Elle en est la
continuation sur la rive gauche. Son trait caractéristique
consiste en ce que la fissure à laquelle elle doit naissance
est encore apparente dans toute sa fraîcheur. Cette fente,
comprise entre deux murailles à pic d'une centaine de
mètres de hauteur en moyenne, est remplie, jusqu'au
niveau de la plaine du Rhin, par des blocs éboulés, sur
lesquels se précipitent en bouillonnant les eaux de la
Tamina, mais il est sensible qu'elle ne s'interrompt pas
à ce niveau, et qu'elle ne peut manquer de se prolonger
au-dessous du sol. Dans la commotion qui a produit ces
grands accidents orographiques, les formations minérales
qui composent l'enveloppe du globe ont nécessairement
dtî se crevasser jusqu'à une certaine profondeur,
et les eaux qui résultent de la fusion des neiges et des
glaciers qui couronnent les hauteurs, au lieu de couler
simplement à la surface , doivent prendre en partie leur
cours par les canaux souterrains. La source de Pfâfers
est le produit d'un de ces canaux, qui remonte accidentellement
à la surface.
Il n'est pas difficile de se faire idée de la profondeur à
laquelle descend ce canal. On sait, en effet, que la chaleur
centrale augmente de 1° par trente-deuxmèlres: or,
la température de l'eau de la source à sa sortie est de 37°
centigrades. En évaluant à 9" la température moyenne du
sol à la superficie, il y a donc un excès de 28°; ce qui
représente une diff'érence de niveau de neuf cents mètres
environ. Quant à l'origine de ces eaux thermales, il n'est
pas difficile non plus de s'en rendre compte : si elles proviennent
de la fusion des neiges et des glaces, elles doivent
naturellement s'arrêter quand cette fusion s'arrête,
et c'est en effet ce qui a lieu. Pendant l'hiver, la source se
dessèche, et elle ne renait qu'au printemps. On a remarqué
aussi que lorsqu'il tombe peu de neige en hiver
, la source est moins abondante au printemps ou
ne réapparaît que plus tardivement; et, au cou-