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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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122 LE TOUR DU MONDE.

compte 360 électeurs politiques. Quand ud curé ou un

vicaire vient à mourir ou désire sa reiraite, on donne

avis par le journal (jue la place est vacante et on invite

les candidats à communicpier au conseil spécial de la

commune certaines attestations officielles que l'on délivre

à Saint-Gall. C'est dans l'église que se fait l'élection.

La nomination est d'abord provisoire : on la confirme

après une année. Les émoluments fi.\es du doyen sont

d'environ mille francs. Le casuel est très-minime, mais

les charges du presbytère ne sont pas lourdes : on n'a

guère à secourir que les voyageurs indigents, et la vie

n'est pas chère.

La misère est à peu près impossible à Ragaz. Il faudrait

bien de la mauvaise volonté ou des vices peu ordinaires

pour y devenir pauvre. L'ambition très-légitime

du bien-être est merveilleusement secondée chez les hai)itants

par un système qui mérite d'être connu.

La commune de Ragaz possède des bois et quelques

terres. Elle augmente considérablement l'étendue de

son territoire en s'employant à endiguer peu à peu devant

elle le Rhin qui, au temps des pluies et des fontes

de neige, s'étend follement de droite et de gauche dans

la vallée, .>;ur une grande largeur. Comme ses eaux n'ont

rien des vertus fécondantes du Nil, ses débordements

sont un fléau. Les habitants de Ragaz lui creusent

un lit suffisant pour qu'il puisse rendre quelques services

à la navigation, et, en récompense de ce travail utile,

ils se partagent les terrains autrefois submergés. Ce n'est

pas un sol très-productif pendant les premières années.

On n'y récolte d'abord que des oseraies, des arbustes

maigres, quelques plantes fourragères. Mais, à l'aide

des amendements, des arbres plus vigoureux s'élèvent et

insensiblement la couche de terre végétale s'épaissit et

se féconde.

Voici maintenant de quelle manière se fait, entre les

habitants, la distribution de toutes les propriétés commuuales.

Chaque citoyen de Ragaz a droit à une part qui

comprend : le pacage sur les prairies de la montagne, la

coupe d'une certaine quantité de bois, et l'usufruit

d'une pièce de terre. Ces parts sont en ce moment, je

crois, au nombre d'environ deux cent vingt-cinq. Dès

qu'une d'elles devient vacante par suite de décès, elle est

attribuée à celui des citoyens qui, n'en ayant encore aucune,

est le plus âgé. En général, on arrive à obtenir

une part vers l'âge de vingt-cinq ou vingt-six ans. Après

la mort du mari, la veuve continue à jouir de la même

part : elle peut la faire exploiter : c'est aussi ce que

font les vieillards lorsqu'ils n'ont plus la force de cultiver

eux-mêmes. Chaque année, au premier janvier, les

jeunes gens qui peuvent prétendre à une part et les

citoyens nouvellement admis, se réunissent et, si quel-

({ues-uns ont les mêmes droits par suite d'égalité d'âge

ou autrement, on procède à un tirage au sort. On a

établi certaines règles protectrices contre les usufruitiers

qui aéraient lentes d'abuser du fond. Si, par exemple,

on coupe un arbre, on est obligé d'en planter un autre.

Sans doute une famille ou même une seule personne

serait loin d'être à l'aise, si elle ne possédait rien de

plus qu'une de ces parts. C'est ce qu'on ne voit presque

jamais. Il n'est pas de citoyen qui n'ait un petit patrimoine

ou une industrie ; et qui ne sait d'ailleurs de quel

encouragement est la jouissance assurée d'une propriété

viagère, si minime soit-elle? Du bois, du fourrage, un

champ, un verger, et on se sent déjà les pieds fermement

posés sur le sol ; avec un commencement de sécurité,

on a une valeur propre, une responsabilité, et

presque une dignité. Puis les mœurs sont simples, à

Ragaz : on a peu de besoins; on cherche le bonlieur

ailleurs que dans la richesse et le luxe.

« A combien doit s'élever, demandai-je, le revenu

d'une famille, pour qu'elle ne souffre pas?

— Il suffit qu'elle ait en argent, bon ou mal an, une

somme de quatre-vingt à cent francs, et de plus la valeur

de quatre cents francs en nature.

— Et une famille bourgeoise? la vôtre, par exemple?

(il s'agissait d'un groupe de sept personnes.)

— On est très à l'aise, presque riche ici, avec uù revenu

total de deux mille francs, récoltes et argent.

Les mois d'hiver ne sont-ils pas difficiles à passer?

— Aucunement : nous avons des concerts, des bals,

des conférences de littérature, de science, d'économie

politique. On va aussi quelquefois visiter, par partie de

plaisir, des parents ou des amis aux villes, à Saint-

Galles, à Zurich, à Fribourg. »

On a d'ailleurs assez à s'occuper des intérêts de la

chose publique. La commune est administrée par deux

conseils municipaux, l'un qui a dans ses attributions tout

ce qui se rapporte à l'ordre , à la police, à l'hygiène ;

l'autre, qui administre les biens, les finances, règle

l'impôt. Plusieurs commissions spéciales s'occupent des

progrès de l'instruction, de l'agriculture, président aux

délassements intellectuels de l'hiver, musique, conférences,

etc. Cette division des fonctions communales,

conférées par le vote libre des habitants, permet de

faire lour-à-tour participer les personnes les plus intelligentes

du village aux modestes honneurs de l'administration.

Et maintenant, je reviens à mon début et je me demande

avec un sentiment sérieux si je ne me suis pas

laissé séduire par ce penchant assez commun parmi

nous de trop louer ce que nous voyons à l'étranger, au

préjudice de notre patrie. Non. Les villages français que

je connais bien, non par ouï-dire, mais pour les voir

de près , sont réellement ,

par comparaison avec cette

petite commune étrangère, dans un état d'infériorité que

je déplore sincèrement.

Les adversaires de l'instruction populaire en France

ne manquent' pas de faire remarquer avec amertume

que le fils d'un laboureur, dès ([u'il arrive à savoir quelque

chose de plus que ce qu'on enseigne à l'école primaire,

est pris de la passion des villes. Je le crois bien.

Tant que nous ne donnerons l'instruction au peuple que

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