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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE.

attaquée par les infidèles, et serait tombée entre leurs

mains sans la miraculeuse apparition de saint Georges,

qui combattit en personne dans les rangs des chréliens.

La veille de la fête du saint, chaque village de la Comarca

ou district d'Alcoy, envoie une députation de

musiciens qui, après s'être réunis devant la maison de

Vayunlamieido, parcourent dès le malin les rues de la

ville pour annoncer la cérémonie du lendemain : cet

orchestre, d'un genre tout particulier, se compose principalement

de dulzaynas, petits hautbois d'un son

criard, assez semblables à l'instrument des pifjferari

romains ou napolitains ; on y voit aussi des tambours,

des trompettes, des bandurrias, des citaras, et l'inévitable

guitare. A la suite des musiciens, on voit défiler le

cortège des chrétiens et celui des Mores qui doivent

figurer dans la grande lutte du lendemain.

La fùte commence par le défilé du clergé, qui fait son

entrée dans la ville, et se rend processionnellement à la

Plaza maijor, sur laquelle on a élevé un château fort,

— castillo, — en planches recouvertes de toile peinte.

Le clergé pénètre dans le castillo, devant Itquel vient

défiler le cortège des chrétiens et des Mores, les uns

à pied , les autres à cheval , armés de pied en cap et

munis de tous les harnois de guerre et de campement.

Après avoir parcouru la ville, les deux troupes ennemies

se débandent et se divisent en différents groupes, qui

vont exécuter les danses nationales devant la demeure de

l'alcalde et chez d'autres personnages de distinction.

Le lendemain , les différentes députations parcourent

de nouveau les rues, musique en tête, et se rendent à

Jacques; on en retire l'image et les reliques du laint,

l'ayutilamienlo, où les attendent les autorités constituées;

celles-ci, fermant la marche, se joignent au cortège,

qui se rend en procession à l'oratoire de Saint-

et on les transporte en grande pompe à l'église paroissiale,

où se célèbre une grand'messe en musique,

après quoi on les ramène h l'oratoire avec le même cérémonial.

Arrive enfin le troisième jour, où a lieu le simulacre

de combats entre les chrétiens et les infidèles, et qu'on

appelle cl alardc, mot qui vient sans doute de l'arabe et

qui siguifie la revue ou la parade. Dès le matin, les

troupes des deux cam|)s ennemis se réunissent sur la

Plaza mayor , les chrétiens d'un côté, les IMores de

l'autre ; ceux-ci se retirent bientôt en bon ordre et

se dirigent vers une des portes de la ville, dont ils se

proposent de faire le siège : ayant choisi en dehors des

murs l'emplacement de leur camp, ils envoient un parlementaire

au commandant des troupes chrétiennes; ce

parlementaire, monté sur un cheval magnifiquement

harnaché, se dirige vers le caslillo, et, après avoir salué

à la manière orientale le chef ennemi, lui remet le pli

dont il est chargé. Celui-ci en prend connaissance, mais

il le déchire en morceaux et déclare qu'il ne consentira

jamais à capituler avec les ennemis du nom chrétien.

L'envoyé se retire et va rendre compte aux siens de ce

refus, qui sert de prétexte à une grande ambassade officielle,

à laquelle prenuent pari ceux des figurants qui

portent les plus riches costumes. Le chef de l'ambassade

est introduit, les yeux bandés, auprès du général chrétien,

et lui adresse un discours assez long, pour l'engager

à se rendre ; mais celui-ci refuse avec indignation

et l'ambassadeur se relire, suivi de tous les siens, menaçant

de mettre bientôt la ville à feu et à sang.

Chacun se prépare donc au combat , et les Mores ne

tardent pas à entrer dans la ville : ils sont reçus par

de nombreuses décharges de mousqueterie, moyen de

défense qui nous parut un peu risqué, car il ne faut

pas oublier que l'action se passe en f257. Cependant

cet anachroni.sme ne semble pas trop effrayer les Mores,

qui continuent à s'avancer en bataillons serrés et

obtiennent, pour commencer, quelques avantages. Le

général chrétien encourage ses troupes de la voix et du

geste, et elles recommencent l'attaque en poussant le

vieux cri de guerre contre les Mores : Santiago, y a

ellos! le Montjoie Saint-Denis des Espagnols du moyen

âge. Néanmoins les infidèles tiennent bon ;

pour les entamer,

il faudra le secours de la cavalerie : le chef espagnol

fait donc appel à ses preux et à ses paladins, qu

viennent se ranger autour de lui en faisant caracoler

leurs fougueux palefrois. Ici se place une véritable scène

de carnaval : les paladins sont habillés à la antigua cspafiola,

c'est-à-dire en costume du moyen âge ; ces

costumes, qui laissaient beaucoup à désirer sous le rapport

de l'exactitude archéologique, étaient en revanche

des plus divertissants, car ils nous rappelaient assez les

troubadours de pendules à la mode sous la Restauration :

tunique abricot serrée sous les bras par une large ceinture

à nœud bouffant, toque à crevés et bottes à relroussis,

rien n'y manquait. Quant aux fougueux palefrois,

ils

étaient tout simplement en carton, comme ces chevaux

qu'on voit chez les marchands de joujoux, et une housse

tombant jusqu'à terre dissimulait à peu près les pieds

des paladins.

Le costume des Mores n'était pas moins réussi : on

eût cru voir des mamelouks du mardi gras, ou de ces

Turcs de fantaisie au turban démesuré , à la veste courte,

échancrée , ornée d'un grand soleil dans le dos, au large

pantalon flottant, serré à la cheville, comme les Mores

que Goya a si naïvement tracés dans sa suite des combats

de taureaux.

La formidable cavalerie s'ébranla donc, et fit sur-lechamp

de profondes trouées dans les rangs des infidèles;

alors la mêlée devint générale, l'infanterie appuya la

cavalerie, et les malheureux mamelouks furent aussi

maltraités que les Autrichiens dans les batailles du

Cirque-Olympique. La victoire appartenait décidément

aux Espagnols : les chants de triomphe commencèrent,

les prisonniers furent promenés par les rues de la ville,

guitares et dulzaynas en tête, et les danses conlinuèrent

pendant toute la soirée.

Les fêtes n'étaient pas encore terminées, car en Espagne

on ne se met pas en liesse pour si peu ; le lendemain,

chaque corps reconduisit les chefs jusque chez eux,

et vers le milieu de la journée eut lieu une grande

procession dans laquelle figuraient les mourants et les

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