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DOSSIER

Texte Iris Vuichard

Photos redbubble.com , rqasf.qc.ca

L’art contemporain, une

escroquerie ?

Les expositions d’art contemporain mettent à rude

épreuve l’ouverture d’esprit et la bonne volonté des

visiteur∙euse∙s. Mais est-ce que toutes les œuvres exposées

méritent vraiment ces efforts ?

Nicas Galley, docteur en histoire de l'art et spécialiste

du marché de l'art

’art contemporain suscite de nombreuses

L controverses. Entre la réaction de Brice

(Omar Sy) dans la fameuse scène du film

Intouchables, « le mec il a saigné du nez sur

un fond blanc, il demande 30'000 euros ! »

et celle de Philippe (François Cluzet) qui

voit « beaucoup de sérénité et une certaine

violence » dans quelques taches rouges

sur une toile blanche, la plupart des gens

adoptent des points de vue plus nuancés.

Pourtant, certaines œuvres ont de quoi laisser

perplexe. À titre d’exemple, on pourrait

notamment citer l’œuvre de Robert Barry

Closed Gallery dont le concept tient simplement

dans l’idée de ne pas ouvrir le lieu

d’exposition ou le très célèbre Carré blanc

sur fond blanc de Kasimir Malevitch qui,

comme son nom l’indique, consiste en un

carré blanc sur fond blanc. Les exemples

sont innombrables et rivalisent d’absurdité,

du moins aux yeux des profanes.

L’art englobe aujourd’hui dans sa définition

une telle diversité d’éléments qu’il est difficile

de trouver ses repères. Depuis le tournant

du 20ème siècle, l’art s’est libéré de la

contrainte esthétique. Nous sommes désormais

avant tout dans une course à l’originalité.

Aujourd’hui, il semble que l’art soit de

l’art car on l’a désigné comme tel et non plus

parce qu’il correspond à certains critères de

beauté ou présente une certaine maîtrise

technique. C’est dans cette logique que les

ready-made de Marcel Duchamp, ces banals

objets du quotidien comme le célèbre urinoir

ou le porte-bouteille, ont pu être considérés

comme d’inestimables chefs-d’œuvre.

En effet, le succès de l’artiste tient dans le

fait qu’il fut le premier à avoir l’idée de présenter

un simple objet manufacturé comme

une œuvre d’art.

Mais si tout peut être de l’art, finalement,

qu’est-ce qui justifie la valeur d’une œuvre ?

Et si les critères esthétiques ont plus ou

moins disparu, comment estimer que tel

tableau est un chef-d’œuvre et que tel autre

ne mérite pas d’attention particulière ? Bien

sûr, l’art contemporain n’est pas dépourvu

de toute logique mais suit simplement un

raisonnement différent de celui des siècles

précédents, peut-être moins facile à appréhender.

Pour répondre à ces questionnements et

peut-être comprendre un peu mieux ce qui

s’offre à nos yeux en visitant une exposition

d’art contemporain, Nicolas Galley, docteur

en histoire de l’art et spécialiste du marché

de l’art, nous donne quelques clés pour

mieux aborder l’art contemporain.

Succès commercial ou reconnaissance

artistique ?

Nicolas Galley insiste avant tout sur la distinction

entre succès commercial et véritable

chef-d’œuvre du point de vue du monde

artistique. Selon lui « la réussite d’un artiste

nécessite la validation du milieu artistique où

les curateurs et curatrices jouent un rôle prédominant.

Sans ce soutien, un succès commercial

est possible, mais sera très vraisemblablement

de courte durée. » Le marché de

l’art s’intéresse évidemment davantage aux

perles rares dont on peut espérer une certaine

postérité qu’aux éphémères succès commerciaux.

Il se réfère donc aux professionnels

et professionnelles qui déterminent ce

qui prendra place sur la scène commerciale.

« Certains artefacts dont

les qualités matérielles

semblent douteuses ne

peuvent être isolés de la

réflexion et du discours

qui leur a donné naissance.

»

Nicolas Galley, docteur en histoire de l'art

« Le marché de l’art s’intéresse et intègre

rapidement les productions artistiques reconnues

comme les plus pertinentes par

les curateurs et les historiens de l’art. » Bien

que désormais presque tout puisse être considéré

comme de l’art, Nicolas Galley assure

que les marchand∙e∙s d’art ne peuvent profiter

impunément du manque de repères de

leurs acheteurs et acheteuses pour leur survendre

n’importe quelle production par de

beaux discours. Marché et institution étant

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