Property Today FR 2021 Edition 5

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03.04.2021 Views

10 de celle qui est prévue par les statuts ne constitue pas une modification de la règle statutaire et n’implique donc pas une modification du Règlement de copropriété. Du reste, il serait assez insensé de modifier les statuts pour ce qui n’est rien d’autre qu’un one-shot. Se pose cependant alors la question de l’opposabilité de cette décision aux tiers. Deux types de tiers sont ici concernés : d’une part, les futurs copropriétaires, c’est-à-dire les personnes qui acquerront un lot postérieurement à la décision de l’assemblée générale ; d’autre part, les créanciers de la copropriété. S’agissant des premiers, la décision leur sera opposable pour autant que la formalité prévue par la loi soit respectée. L’article 577–10, §4 du Code civil énonce que les décisions votées avant la cession du droit réel sont opposables au cessionnaire si elles lui ont été notifiées par le cédant ou, à défaut, par le syndic. Pour rappel, le syndic est tenu de procéder à la notification si le cédant le lui demande. 2. La réponse à la première question appelle une nuance. Certes, il semble évident que l’assemblée générale peut décider que, par dérogation à la règle statutaire, telle dépense sera répartie de telle manière. Par exemple, la charge d’un emprunt destiné à financer les travaux communs sera répartie entre les seuls copropriétaires qui y ont souscrit à l’exclusion de ceux qui ont choisi de financer leur quote-part sur fonds propres. Autre exemple : à l’occasion des travaux de rénovation de la toiture commune, il est décidé que l’isolation sera prise en charge par le seul propriétaire de l’appartement du dernier étage car c’est lui qui l’a demandée, ou encore : les honoraires du syndic relatifs à la gestion des travaux seront répartis par parts égales entre les copropriétaires; etc. Toujours en vertu de la loi, le cédant est seul responsable envers la copropriété des conséquences dommageables découlant d’une absence de notification. Cependant, il semble évident que si le syndic a été prié de procéder à la notification et a omis de le faire, il engagera à son tour sa responsabilité envers le cédant. Prenons un exemple : l’assemblée générale décide de répartir les coûts liés au placement d’un nouvel ascenseur entre les seuls copropriétaires qui ont l’utilité de l’appareil, alors que le Règlement de copropriété ne comporte aucune règle spécifique de sorte que ces frais auraient normalement dû être répartis entre tous les copropriétaires au prorata des quotes-parts de chacun. Cette évidence découle du principe exprimé par l’adage qui peut le plus peut le moins : si l’assemblée a le pouvoir de modifier la règle statutaire, alors peut-elle forcément y déroger une fois. Son pouvoir n’est cependant pas illimité et sa décision de s’écarter de la règle statutaire doit rester conforme au principe de base rappelé ci-dessus: c’est le critère de l’utilité qui doit l’inspirer. Si la décision de l’assemblée conduit à ventiler une dépense autrement qu’au prorata des quotes-parts ou de l’utilité qu’elle représente pour les lots, cette décision me paraît irrégulière et, donc, susceptible d’être annulée par le juge si un copropriétaire l’attaque dans le délai légal. Il semble enfin logique de considérer que l’assemblée ne peut décider de s’écarter de la règle statutaire que par une décision votée à la majorité qualifiée de 80 % (4/5), soit la majorité requise pour modifier les statuts en ce qu’ils contiennent les règles de répartition des charges. 3. Modification du Règlement de copropriété La décision de l’assemblée de répartir, en une occasion particulière, une dépense déterminée d’une manière différente

11 Il en résulte que, pour les appartements desservis par l’ascenseur, la charge financière des travaux est supérieure à ce qu’elle aurait été si la décision n’avait pas été prise. Or, voici que le propriétaire d’un de ces appartements le vend et la décision en question n’est pas notifiée à l’acheteur. Par la suite, cet acheteur, nouveau copropriétaire, reçoit son décompte de charges et le conteste après avoir constaté que la dépense n’est pas répartie au prorata des quotes-parts. La décision de l’assemblée ne lui étant pas opposable, la copropriété n’aura pas la possibilité d’obtenir qu’il paye ce qui a été décidé mais uniquement ce que les statuts permettent. La différence devra être supportée par le vendeur qui pourra, le cas échéant, se retourner contre le syndic s’il avait demandé à celui-ci de procéder à la notification. Notons que ce type d’incident reste extrêmement rare, non parce que les vendeurs n’omettraient guère de notifier aux acheteurs les décisions de l’assemblée – ils ne le font en vérité que fort rarement… – mais parce que, dans le cadre des formalités préalables à la vente, les intervenants professionnels – agents immobiliers, notaires – sont eux-mêmes tenus de communiquer à l’acquéreur les procès-verbaux des trois dernières années de sorte que, dans l’immense majorité des cas, celui-ci a été informé par ce biais de la décision de l’assemblée qui lui est par conséquent opposable. S’agissant des autres tiers que les futurs copropriétaires, les décisions de l’assemblée ne leur sont pas opposables. Ils sont cependant a priori étrangers à la copropriété de sorte que les décisions de celle-ci ne les concernent pas et ne les intéressent pas davantage. En certaines circonstances, toutefois, les créanciers de la copropriété, quoique tiers à celle-ci, peuvent se trouver concernés. On sait en effet que la paroi existant entre le patrimoine de l’association et celui des copropriétaires n’est pas totalement étanche: un créancier impayé de la copropriété a ainsi la possibilité de faire exécuter le jugement qu’il a obtenu contre celle-ci sur le patrimoine propre des copropriétaires. Cette sorte de garantie ne s’analyse cependant pas en une solidarité et elle n’est que partielle puisque le créancier ne peut saisir chaque copropriétaire que « proportionnellement aux quotes-parts utilisées pour le vote conformément à l'article 577- 6, § 6 » (article 577-5, § 4), autrement dit proportionnellement à la participation de ce copropriétaire à la dépense telle qu’elle est prévue par les statuts. Si la facture impayée à raison de laquelle la saisie est pratiquée est relative à une dépense que l’assemblée a décidé de répartir autrement que conformément au Règlement de copropriété, il existera donc une différence entre la participation d’un copropriétaire telle qu’elle a été décidée par l’assemblée et ce que ce copropriétaire devra payer au fournisseur qui aura mis en œuvre le recours évoqué cidessus. Si nous reprenons l’exemple évoqué plus haut, on constate ainsi qu’alors que le propriétaire de l’appartement du rez-dechaussée a été exonéré par l’assemblée de toute participation à la dépense de remplacement de l’ascenseur, il restera tenu de payer à l’ascensoriste impayé sa quote-part statutaire de la dépense. Notons cependant une fois encore que l’hypothèse reste rare en pratique.

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de celle qui est prévue par les statuts ne constitue pas une<br />

modification de la règle statutaire et n’implique donc pas une<br />

modification du Règlement de copropriété. Du reste, il serait<br />

assez insensé de modifier les statuts pour ce qui n’est rien<br />

d’autre qu’un one-shot.<br />

Se pose cependant alors la question de l’opposabilité de cette<br />

décision aux tiers.<br />

Deux types de tiers sont ici concernés : d’une part, les futurs<br />

copropriétaires, c’est-à-dire les personnes qui acquerront un lot<br />

postérieurement à la décision de l’assemblée générale ; d’autre<br />

part, les créanciers de la copropriété.<br />

S’agissant des premiers, la décision leur sera opposable pour<br />

autant que la formalité prévue par la loi soit respectée. L’article<br />

577–10, §4 du Code civil énonce que les décisions votées avant<br />

la cession du droit réel sont opposables au cessionnaire si elles<br />

lui ont été notifiées par le cédant ou, à défaut, par le syndic.<br />

Pour rappel, le syndic est tenu de procéder à la notification si le<br />

cédant le lui demande.<br />

2. La réponse à la première question appelle une<br />

nuance.<br />

Certes, il semble évident que l’assemblée générale peut décider<br />

que, par dérogation à la règle statutaire, telle dépense sera<br />

répartie de telle manière.<br />

Par exemple, la charge d’un emprunt destiné à financer les<br />

travaux communs sera répartie entre les seuls copropriétaires<br />

qui y ont souscrit à l’exclusion de ceux qui ont choisi de financer<br />

leur quote-part sur fonds propres. Autre exemple : à l’occasion<br />

des travaux de rénovation de la toiture commune, il est décidé<br />

que l’isolation sera prise en charge par le seul propriétaire de<br />

l’appartement du dernier étage car c’est lui qui l’a demandée, ou<br />

encore : les honoraires du syndic relatifs à la gestion des travaux<br />

seront répartis par parts égales entre les copropriétaires; etc.<br />

Toujours en vertu de la loi, le cédant est seul responsable envers<br />

la copropriété des conséquences dommageables découlant<br />

d’une absence de notification. Cependant, il semble évident que<br />

si le syndic a été prié de procéder à la notification et a omis de le<br />

faire, il engagera à son tour sa responsabilité envers le cédant.<br />

Prenons un exemple : l’assemblée générale décide de répartir<br />

les coûts liés au placement d’un nouvel ascenseur entre les<br />

seuls copropriétaires qui ont l’utilité de l’appareil, alors que le<br />

Règlement de copropriété ne comporte aucune règle spécifique<br />

de sorte que ces frais auraient normalement dû être répartis<br />

entre tous les copropriétaires au prorata des quotes-parts de<br />

chacun.<br />

Cette évidence découle du principe exprimé par l’adage qui<br />

peut le plus peut le moins : si l’assemblée a le pouvoir de<br />

modifier la règle statutaire, alors peut-elle forcément y déroger<br />

une fois.<br />

Son pouvoir n’est cependant pas illimité et sa décision de<br />

s’écarter de la règle statutaire doit rester conforme au principe<br />

de base rappelé ci-dessus: c’est le critère de l’utilité qui doit<br />

l’inspirer.<br />

Si la décision de l’assemblée conduit à ventiler une dépense<br />

autrement qu’au prorata des quotes-parts ou de l’utilité qu’elle<br />

représente pour les lots, cette décision me paraît irrégulière et,<br />

donc, susceptible d’être annulée par le juge si un copropriétaire<br />

l’attaque dans le délai légal.<br />

Il semble enfin logique de considérer que l’assemblée ne peut<br />

décider de s’écarter de la règle statutaire que par une décision<br />

votée à la majorité qualifiée de 80 % (4/5), soit la majorité<br />

requise pour modifier les statuts en ce qu’ils contiennent les<br />

règles de répartition des charges.<br />

3. Modification du Règlement de copropriété<br />

La décision de l’assemblée de répartir, en une occasion<br />

particulière, une dépense déterminée d’une manière différente

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