Spectrum_01_2021

spectrumunifr
from spectrumunifr More from this publisher
22.02.2021 Views

COUP DE GUEULETexte Velia FerraciniIllustration Antoine BouralyLa transidentité : apprendre àen parler !La transidentité est un sujet complexe qu’il est essentielde discuter avec les termes adéquats. Interview d'unepersonne concernée.eux questions erronées que l'onD retrouve fréquemment dans la manièredont la presse parle de la transidentité:« Quel est votre ancien prénom ? » et« Pourquoi changer de sexe ? ». Or, si l'onprend le temps de discuter avec les personnestransgenres, ces deux questions serévèlent contradictoires dans la définitionmême de ce qu'est la transidentité. En effet,il ne s'agit pas d'un ancien corps ou prénom,puisqu'une personne transgenre est néedans un corps et genre qui ne lui correspondentpas. Il semble donc essentiel d'apprendreà appréhender la transidentité demanière adéquate. Pour ce faire, nous avonsposé quelques questions à une personne setrouvant dans cette situation.Que ressentez-vous lorsque l'on vousdemande de révéler le prénom qui necorrespond pas à votre identité ?Insulté est probablement le mot le plusexact. Cela trahit ce que la personne pensede moi : que je suis moins un homme qu'unhomme cis car j'ai un passé « féminin » quel'on cherche à déterrer avec cette question.C'est une information superflue qui n'apporterien à la conversation, sauf nourrirune curiosité perverse et mal placée.Comment pensez-vous que les médiasinfluencent-ils le rapport de la sociétésur les questions transidentitaires ?Je pense que beaucoup de médias, quicherchent à bien faire en parlant de la transidentité,font en réalité plus de mal qu'ilsne le pensent en renforçant malgré eux lesaprioris que peuvent subir les personnescisgenres, comme l'idée du « avant/après ».C'est embêtant car, aussi inoffensif que celapuisse paraître, ces bavures laissent dessous-entendus qui sont facilement détournéspar les gens qui veulent faire du mal àla communauté trans.1 Prénom d'état-civil abandonné par une personne (notamment transgenre).2 L'action de désigner une personne par un genre qui ne lui correspond pas.Avez-vous la sensation que les gens ont des connaissances lacunaires à ce sujet ?Et, si oui, de quelle manière notre société peut-elle changer ce phénomène ?Absolument, je tire de ma propre expérience que, lorsque j'aborde la question trans avecdes personnes peu versées sur les sujets LGBT+, elles me demandent systématiquementde clarifier : « une femme trans, c'est il ou elle du coup ? ». Si le public est déjà confus à cettesimple étape, il est évident qu'il est impératif de ne pas rendre l'eau plus trouble à renfortde « Il était une femme avant » et de changement intempestif de pronom pour parler de lamême personne à différentes étapes de sa vie. Je pense aussi qu'il faut que l'on fasse un effortconscient pour divorcer le sexe biologique et le genre dans nos conversations de tous lesjours, que l'on parle de personnes trans ou non, afin d'aider à faire disparaître la confusion(et l'obsession) vis-à-vis du sexe de naissance des personnes transgenres.De quelle manière estimez-vous qu'ilfaille présenter ces sujets ?Premièrement, je pense qu'il est capitalde non seulement demander directementaux personnes transgenres commentelles veulent être représentées, mais aussid'écouter leurs réponses, car les porteparolesde la communauté parlent de cessujets depuis des décennies. Personnellement,je ne veux plus voir d'interviewscommençant par des morinoms ou desmégenrages lorsque l'on parle du passédes personnes trans (et ce, même si ellesont transitionné récemment) : on s'entient à leurs prénoms d'usage et à leurspronoms, point barre.Cette interview témoigne d'un élément essentiel,la désinformation. Et quand on neconnait pas un sujet, il nous inquiète. Ainsi,je pense que la plupart des rejets, voire desviolences, viennent de ce problème quipourrait se résoudre relativement facilement.Comment se fait-il qu'en 2021 cesquestions essentielles ne soient pas encoreapprochées dans l'enseignement primaire etsecondaire ? Cela fait à peine six ans que jesors de ces niveaux d'éducation et ces questionsn'y ont aucunement été abordées. Onpourrait d'ailleurs proposer la même réflexionpour toutes les thématiques LGBT+,la problématique sexiste ou raciste. L'école,ce n'est pas simplement enseigner à nos enfantsles mathématiques ou l'anglais, c'estaussi leur apprendre à réfléchir au mondequi les entoure et les amener à l'envisagerd'une manière qui le respecte réellement.Ainsi, si vous souhaitez vous renseigner surles questions de genre, un magnifique documentaire,diffusé sur Arte, est sorti en 2020,Petite fille de Sébastien Lifshitz, qui nousoffre la chance de comprendre dans l'intimece que représente le fait d'être né·e dans uncorps qui ne correspond pas à la personnequ'on est. Il propose une réflexion sur lesviolences transphobes et exprime ainsi lesraisons pour lesquelles il est donc nécessaired'apprivoiser ces questions et, précisément,d'apprendre à en parler. P26 spectrum 02.21

PERSPEKTIVENText M. Yuval HugÜber Sprache,gesprochene Nichtsubjekteund VerantwortungIn «JE SUIS UN MONSTRE QUI VOUS PARLE»antwortet mir Paul B. Preciado auf meine Fragen.Er antwortet mir auf Fragen, die in der Wiederholungder alltäglichen Sprache keinen Platz haben.Denn es gäbe keine Antworten auf diese Fragen.Keine Sprache für die Antworten, die ich suche.Preciado befinde sich in einem Käfig. Spricht. Synonymisiertwird Kafkas Affe. Assimilisiert wird RotpetersGeschichte. Die Antwort auf meine Fragen:Zitieren des gemeinsamen Nenners:Ungeheuer.Die Vorstellung, wir könnten durch die Gitter eurerKäfige erkannt werden, ist fern – gibt es nicht.Sobald du erkennst, sind die Gitternicht mehr da. Im Erkennenliegt der Abbau dieser käfigartigenGrenzen. Hoffnungslos ist der Gedankein diesem Käfig zu existieren.Denn wir sind hier. Da gibt’s nichtszu hoffen. Das Monster spricht.Eingekerkert in Strukturen. In eurenNormen. In euren reinen Vorstellungen,wie Mensch zu sein hat.Denn er ist nicht so. Die Prämissedes Ausschlusses, der Subjekt-Objekt-Beziehung,der «Du, also ich» - oder viel eher,der «Du, dass ich»-Devise, löst sich auf, sobaldKonzepte umgedeutet werden. Sobald du zu erkennenbeginnst. Sobald Verantwortung für nichtgesprochene Fragen übernommen wird. Sobald duhinterfragst, was dir erzählt wird, beginnt der leiseVorgang des Zerfalls lauten Geschreis. Das heteronormativeGeschlechter- und Wertesystem stecktin der Krise. Privilegien, die täglich reproduziertwerden, mögen Grund deines Wiederholens sein.Privilegien, die sich das Subjekt durch sein Objektivierenverspricht, indem es sich nach Ruhm undGeld verzerrt. Objekte, die das Subjekt konzipierte,Konzepte, die es heute noch iteriert, um seinerRolle gerecht zu werden. Mit Gerechtigkeit hat diesfreilich wenig zu tun. Denn nicht nur das Anderewird vom Subjekt erdrückt. Es selbst erdrückt sichmit den eigenen Mechanismen der Wiederholung,des Nachplapperns und Nachahmens.Ich schreie – und dennoch erkennst du mich nicht.Ich tue – und dennoch erkennst du nur, was du zuerkennen meinst. Ich habe keine Stimme. Wennich «ich» sage, ist dieses «ich» leer. Da gibt es keineNachahmung, die mir auf meine Fragen antwortet.An die ich mich assimilieren kann. Da gibt es keinenHandlungsraum. So meint ihr. Eingekerkert in denBlicken und Bedeutungen, die ihr mir anwerft, assimliertesich einst ein Monster. Selbst wenn ich sienicht fange, deine Blicke. Du wirfstsie mir an, schmeisst mich um damit,drängst mich in die Ecke. Die Eckeeines Raumes, der für dich nichtexistiert. Oder in dem ich nicht fürdich existiere. Und dennoch bin ichhier. Das Monster spricht.Du antwortest mir nicht.Sie sagen, es seien unsere Probleme.Unsere Gefühle. Aber wohin mitdem, was keinen Namen hat? KeineStimme hat? Es ist der Körper desewigen Exils. Der exilierte Körper, der schreit.Der Körper, der mir mit der Akzeptanz des Exilsantwortet.Für welche Sprache entscheidest du dich nun? WelchesMittel, welche Sprache wendest du an?Welchen Zweck verfolgst du, wenn du die Spracheder heteronormativen Strukturen wählst? EineSprache, in der du mich mit «Frau» ansprichst, mirnicht antwortest, mich zum Monster machst. Indemdu mich in diesen Kerker deiner Vorstellungenüber «Frau» wirfst. Wir sind die Monster, die durcheuren Diskurs konstruiert werden. Die exiliertenKörper. Doch wir sind hier.Zu lesen: Paul B. Preciado und C. Riley Snorton.02.21spectrum27

COUP DE GUEULE

Texte Velia Ferracini

Illustration Antoine Bouraly

La transidentité : apprendre à

en parler !

La transidentité est un sujet complexe qu’il est essentiel

de discuter avec les termes adéquats. Interview d'une

personne concernée.

eux questions erronées que l'on

D retrouve fréquemment dans la manière

dont la presse parle de la transidentité:

« Quel est votre ancien prénom ? » et

« Pourquoi changer de sexe ? ». Or, si l'on

prend le temps de discuter avec les personnes

transgenres, ces deux questions se

révèlent contradictoires dans la définition

même de ce qu'est la transidentité. En effet,

il ne s'agit pas d'un ancien corps ou prénom,

puisqu'une personne transgenre est née

dans un corps et genre qui ne lui correspondent

pas. Il semble donc essentiel d'apprendre

à appréhender la transidentité de

manière adéquate. Pour ce faire, nous avons

posé quelques questions à une personne se

trouvant dans cette situation.

Que ressentez-vous lorsque l'on vous

demande de révéler le prénom qui ne

correspond pas à votre identité ?

Insulté est probablement le mot le plus

exact. Cela trahit ce que la personne pense

de moi : que je suis moins un homme qu'un

homme cis car j'ai un passé « féminin » que

l'on cherche à déterrer avec cette question.

C'est une information superflue qui n'apporte

rien à la conversation, sauf nourrir

une curiosité perverse et mal placée.

Comment pensez-vous que les médias

influencent-ils le rapport de la société

sur les questions transidentitaires ?

Je pense que beaucoup de médias, qui

cherchent à bien faire en parlant de la transidentité,

font en réalité plus de mal qu'ils

ne le pensent en renforçant malgré eux les

aprioris que peuvent subir les personnes

cisgenres, comme l'idée du « avant/après ».

C'est embêtant car, aussi inoffensif que cela

puisse paraître, ces bavures laissent des

sous-entendus qui sont facilement détournés

par les gens qui veulent faire du mal à

la communauté trans.

1 Prénom d'état-civil abandonné par une personne (notamment transgenre).

2 L'action de désigner une personne par un genre qui ne lui correspond pas.

Avez-vous la sensation que les gens ont des connaissances lacunaires à ce sujet ?

Et, si oui, de quelle manière notre société peut-elle changer ce phénomène ?

Absolument, je tire de ma propre expérience que, lorsque j'aborde la question trans avec

des personnes peu versées sur les sujets LGBT+, elles me demandent systématiquement

de clarifier : « une femme trans, c'est il ou elle du coup ? ». Si le public est déjà confus à cette

simple étape, il est évident qu'il est impératif de ne pas rendre l'eau plus trouble à renfort

de « Il était une femme avant » et de changement intempestif de pronom pour parler de la

même personne à différentes étapes de sa vie. Je pense aussi qu'il faut que l'on fasse un effort

conscient pour divorcer le sexe biologique et le genre dans nos conversations de tous les

jours, que l'on parle de personnes trans ou non, afin d'aider à faire disparaître la confusion

(et l'obsession) vis-à-vis du sexe de naissance des personnes transgenres.

De quelle manière estimez-vous qu'il

faille présenter ces sujets ?

Premièrement, je pense qu'il est capital

de non seulement demander directement

aux personnes transgenres comment

elles veulent être représentées, mais aussi

d'écouter leurs réponses, car les porteparoles

de la communauté parlent de ces

sujets depuis des décennies. Personnellement,

je ne veux plus voir d'interviews

commençant par des morinoms ou des

mégenrages lorsque l'on parle du passé

des personnes trans (et ce, même si elles

ont transitionné récemment) : on s'en

tient à leurs prénoms d'usage et à leurs

pronoms, point barre.

Cette interview témoigne d'un élément essentiel,

la désinformation. Et quand on ne

connait pas un sujet, il nous inquiète. Ainsi,

je pense que la plupart des rejets, voire des

violences, viennent de ce problème qui

pourrait se résoudre relativement facilement.

Comment se fait-il qu'en 2021 ces

questions essentielles ne soient pas encore

approchées dans l'enseignement primaire et

secondaire ? Cela fait à peine six ans que je

sors de ces niveaux d'éducation et ces questions

n'y ont aucunement été abordées. On

pourrait d'ailleurs proposer la même réflexion

pour toutes les thématiques LGBT+,

la problématique sexiste ou raciste. L'école,

ce n'est pas simplement enseigner à nos enfants

les mathématiques ou l'anglais, c'est

aussi leur apprendre à réfléchir au monde

qui les entoure et les amener à l'envisager

d'une manière qui le respecte réellement.

Ainsi, si vous souhaitez vous renseigner sur

les questions de genre, un magnifique documentaire,

diffusé sur Arte, est sorti en 2020,

Petite fille de Sébastien Lifshitz, qui nous

offre la chance de comprendre dans l'intime

ce que représente le fait d'être né·e dans un

corps qui ne correspond pas à la personne

qu'on est. Il propose une réflexion sur les

violences transphobes et exprime ainsi les

raisons pour lesquelles il est donc nécessaire

d'apprivoiser ces questions et, précisément,

d'apprendre à en parler. P

26 spectrum 02.21

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!