You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
SOCIÉTÉ
Texte Lara Diserens et Joan Laissue
Illustration Antoine Bouraly
COVID-19 : l’appel à l’aide des
étudiant·e·s
Depuis plusieurs semaines maintenant, le quotidien des
étudiant·e·s se réduit à suivre des cours en ligne. Comment
ces dernier·ère·s abordent ce changement ? Reportage.
lors que les premières approximations
A des pertes économiques liées à la pandémie
se concrétisent, le préjudice moral et
psychologique semble dépasser toutes les
projections. En effet, le journal le Temps
titrait : « Le grand cafard des étudiants, dernières
victimes du covid. », en novembre
dernier, où les témoignages touchants décrivant
une situation incertaine anxiogène et
désolante s’entremêlent avec l’énumération
des nouvelles modalités d’études.
Un mal-être de l’ombre
La mise en lumière de ce contexte fait émerger
un foisonnement de doutes sur la réalité estudiantine.
D’après une enquête comparative
bordelaise menée auprès de 1600 jeunes
adultes, il y aurait plus de 50% de formes
de dépressions graves et de symptômes importants
de stress et d’anxiété chez les étudiants·e·s
que chez les non-étudiant·e·s en
période de crise. Encore plus alarmant, des
syndicats étudiant·e·s, après enquête, affirment
que 21% des universitaires auraient eu
des pensées suicidaires ces derniers mois.
Notre chère université ainsi que nos homologues
des universités de Suisse ne sont
pas en reste dans cet inquiétant phénomène.
C’est ce que nous a conté Sophie* :
Ce qui l’affecte au plus haut point, c’est le
manque de visibilité et l’intérêt plus que
relatif du grand public sur la condition des
étudiant·e·s. On pourrait même parler d’une
certaine banalisation générale et même,
d’accusation de victimisation comme elle
le souligne : « On entend dire : ce sont des
jeunes, ils sont chez papa-maman, c’est des
petits Tanguy, des pauvres chéris ».
Cette incompréhension latente ne peut
donc que participer davantage à cette isolation
et la désolation que ressentent les
étudiant·e·s. De plus, il faut encore souligner
que l’inquiétude est aussi économique et ce
dans un double sens. Premièrement, constatation
faite, la plupart des étudiant·e·s se
voient perdre leur « job » qui étaient pour
certain·e·s, essentiel. De l’autre, l’incertitude
quant à la conjecture économique qui remet
en cause plusieurs trajectoires professionnelles.
En somme, les étudiant·e·s des hautes écoles
et universités se voient multiplement
touché·e·s par la crise et ce parfois dans des
formes insoupçonnées.
« On vit dans une
société où aller mal est
très mal perçu. »
Oriane, 23 ans, étudiante à l’Université de Fribourg.
Dans l’optique de réduire les contacts physiques
afin de freiner la propagation du
virus Covid-2019, les cours universitaires
se déroulent maintenant en ligne. Où est le
problème ? C’est là l’activité principale au
cœur d’une formation. Mais les lectures et
les révisions ne sont que la partie officielle
du contrat. Privé·e·s d’interactions sociales,
d’un environnement de travail concret et de
divertissement nécessaires à un équilibre,
la santé mentale des étudiant·e·s est mise à
rude épreuve.
Productivité toute !
Les années universitaires sont les plus belles,
nous disait-on. Les confessions enivrées
à des inconnu·e·s jusqu’au bout de la nuit ?
Pourra-t-on encore parler d’ami·e·s de la
fac, d’échange académique, de coup de foudre
sur les bancs de l’université ? Ce ne sont
pas des étudiant·e·s qui souffrent, c’est la jeunesse
tout entière, freinée dans son développement
social et professionnel, subissant ses
plus belles années au lieu de les croquer à
pleine dents. L’avenir d’une génération est
vraisemblablement en jeu : la santé mentale
des étudiant·e·s mérite une visibilité digne
d’un enjeu sociétal.
Certain·e·s clament que la suppression des
activités extra-scolaires est l’occasion de
s’abandonner au travail. Pour Oriane*, étudiante
à l’Université de Fribourg, la productivité
et la responsabilité individuelle clamées
dans les médias n’ont pas laissé de place aux
problématiques psychologiques : « Je ne suis
qu’un numéro pour l’uni. Aucune ligne téléphonique
n’a été mise en place, et les professeur·eure·s
n’ont pas pris en compte notre
détresse. ». Seule dans son studio, face à des
nouvelles alarmantes, l’étudiante s’est renfermée,
jusqu’à en avoir des idées noires. En
parler l’a sauvée : « Il ne faut pas avoir peur
d’être incompris·e. On doit être solidaires,
et se soutenir entre nous», affirme-t-elle. Le
conseil psychologique de l’Université offre
désormais des consultations et des thérapies.
Comme le dit la rectrice de l’Université
de Fribourg Astrid Epiney : « Demander de
l'aide dans les moments difficiles n'est pas
un signe de faiblesse, mais d'intelligence ». P
Conseil pschologique
aux étudiant·e·s :
24 spectrum 02.21