Spectrum_01_2021

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22.02.2021 Views

CRITIQUESQuand les frontières sebrouillentvez-vous déjà observé le ciel de Fribourg enA plein mois de novembre ? Eh bien faites-le ! Carles nuances de gris ne sont pas choses à ignorer, etce, tout particulièrement dans cet ouvrage.Un agent français en pleine Algérie des années 90’,des agents doubles, des frères qui s’entredéchirentet des terroristes, voilà le menu de vos prochainessoirées. Oh, je vous sens venir : « Encore un livre surle djihad ! C’est du connu ça ! À tous les coups lescruels terroristes vont être arrêtés in extremis parle valeureux policier. »Oui, mais non. Parce qu’ici, on parle d’Algérie, pasde djihad. Parce qu’ici, le roman fait la part belle àl’Histoire. Et, surtout, parce qu’ici, les frontières sebrouillent.Car si ce roman s’attache à rester aussi fidèle quepossible aux événements, en n’hésitant pas à mêlerpersonnages historiques et fictifs tout en s’appuyantsur des bases solides, une grande part de son intérêtréside dans le soin apporté aux portraits des protagonistesfictif·ve·s. L’auteur s’attache en effet àen faire des êtres cohérents, humains, sans forcerle trait pour rendre gentil·le·s les gentil·le·s et méchant·e·sles méchant·e·s. Aussi ne vous étonnezpas d’être soudain dégoûté·e par un personnage quivous semblait pourtant si prometteur ou de soudainéprouver de la compassion pour un·e protagonistesans panache. Tou·te·s sans exception composentavec leurs faiblesses propres, bien souvent sans parvenirà les surmonter entièrement.Certain·e·s n’hésiteront pas à parler de scènes inutiles,n’apportant rien à l’intrigue. Ils et elles auronttout faux. Car pour connaître la trame générale de ceroman, il suffit d’ouvrir un livre d’Histoire. L’intriguene représente que le support d’une réflexion bienplus profonde qui s’exprime au travers de la densitéoctroyée aux personnages. Toutes ces nuances degris chez les protagonistes ne représentent que lereflet des nuances qui existent dans nos sociétés, àtous les niveaux. Ces nuances mêmes qui brouillentles limites entre compromis et compromission.Michèle DussexLa guerre est une ruseFrédéric PaulinAgullo2018368 p.Les coulisses du médecin légisteonnaissez-vous-en quoi consiste le métierC d’un·e médecin légiste ? Vous savez, cette personnesouvent charismatique, au regard ténébreux,dont les compétences cognitives sont souvent audelàde la norme, arrivant ainsi à résoudre une affairecriminelle d’un simple angle de vue. Tout ceci en 45minutes par épisodes !Eh bien la réalité est forcément toute autre ! LaProf. Sile Grabherr, directrice du Centre universitaireromand de médecine légale à tout juste 36 anset décortique dans ce livre plaisant l’image véhiculéesur la médecine légale. Au fil des pages, nous découvrons,à l’aide d’un humour efficace, les grossièreserreurs commises par les productions télévisées enquête d’audience.Dans un autre angle de vue, l’auteure nous apprenden quoi consiste véritablement le métier de médecinlégiste et du système légal en vigueur en Suisse,en Allemagne et en France. Il est assez déroutantd’apprendre que les pays anglo-saxons, États-Unisen tête, sont en fait à la traîne du point de vue technologique.Même les séries hollywoodiennes nereflètent plus le quotidien de la médecine légale. Ilfaut plutôt regarder des salles d’autopsies suisses etallemandes pour découvrir les avant-gardes de cedomaine, comme l’angiographie post-mortem quela Prof. Grabherr a développé, engin désormais largementutilisé dans cette profession.Un·e médecin légiste est un·e expert·e qui n’auscultepas seulement des mort·e·s. Il se peut qu’il·elleexamine des vivant·e·s lors d’enquêtes pénales pourconfirmer/infirmer des déclarations. De plus, sontravail se révèle très utile, même pour des morts quisemblent à tout point de vue anodine. En effet, unepratique élaborée en Allemagne a, par exemple, permisde révéler des homicides presque parfaits. Lemodus operandi du praticien·ne consiste à combinerl’ensemble des résultats d’analyses pour en déduireles causes du décès.Ce livre nous permet d’ausculter un monde largementméconnu, mais passionnant, à la frontière dela médecine et du droit. Sa lecture simple aidera aucommun des mortel·le·s à comprendre un domainefort peu commun. Tout ceci, en bien plus que 45 minutesbien sûr !Maxime CorpatauxLa mort n’est que le début …Prof. Silke Grabherr2020Favre SAPayot.com22 spectrum 02.21

KRITIKENLeyla und die FragenHinsehen, wegsehen, sich weitwegträumenFragten ihre Grosseltern im Dorf, ist Leyla eine êzîdischeKurdin. Schliesslich hat ihr Vater sie nachLeyla Qasim benannt. Die starb, weil sie Kurdin war.Die ihr Leben für ein freies Kurdistan opferte. Sohat es der Vater immer wieder erzählt. Wollen dieMenschen in Deutschland wissen, was Leyla dennnun sei, ist sie eine Deutsche. Eigentlich weiss sieselbst nicht so recht, wo sie nun hingehört. Sie lebteben in zwei Welten.Jeden Sommer fährt sie in das êzîdische Dorf, in demihre Verwandten väterlicherseits leben. In dieseWelt tauchen die Lesenden im Verlauf der Lektüreimmer mehr ein. Da sind die Sonnenblumenkerne,welche die Männer ohne Unterlass kauen. Da sinddie Hühner, die gackernd in Gärten und Häusernumherstreifen. Da ist der Rockzipfel der Grossmutter,die Leyla von Tausî Melek erzählt und ihr überdas für Êzîdinnen ungewöhnlich helle Haar streicht.Wie eine Klinge durchschneiden ein Paar kalte, eisblaueAugen diese Idylle. An den Wänden öffentlicherGebäude hängt das Portrait Baschar Al-Assads.Es trifft die Lesenden ebenso wie die kleine Leyla.Sie sind ein schlechtes Omen für alles, was nochkommt.Fernab Kurdistans erfährt Leylas Familie vonden Gräueln des Krieges. Die Lesenden hingegenfokussieren sich auf Leyla, die sich, durch eine tiefeZerrissenheit gequält, durch ihren Alltag als jungeStudentin plagt. In Deutschland führt sie die Suchenach sich selbst zurück in die Sommer ihrer Kindheitund schliesslich zur kurdischen Kultur.«Die Sommer» ist eine bildreiche und fesselndeLektüre. Ronya Othmann gelingt es in ihrem Romandebüt,die Geschichte der êzîdischen Kurden,die von Verfolgung und Unterdrückung geprägt ist,zu erzählen, ohne dabei weiteren Hass zu schüren.Die Handlung ist geprägt von einer tiefen Sehnsuchtnach Geborgenheit, idyllischer Einfachheit und derdarin inhärenten Freiheit. Es ist die Sehnsucht nachden Sommern einer verschwundenen Realität.Matthias VenetzDie SommerRonya Othmann2020Hanser285 Seitenie vielbesungene «neue Normalität» hat unsD auch ins Jahr 2021 begleitet. Im öffentlichenVerkehr tragen wir Masken, zu Hause die Jogginghoseund woanders gehen wir sowieso nicht mehr hin.Das Album «12» von Annenmaykantereit beschreibtzwar den Lockdown im letzten Frühling, wirkt aberauch bei seinem Erscheinen im November erschreckendaktuell. Der Begriff «neue Normalität» tauchtin den Songs nicht auf, vielmehr singt die Band: «So,wie es war, so wird es nie wieder sein.»Einfache Klaviermelodien, gedämpfte Beats, Summen,teils gesprochene und teils gesungene Textevermischen sich. Es fühlt sich fast ein bisschen wieein Tagebuch an. So abwegig ist das gar nicht, denndas Album entstand aus Fragmenten der Chatverläufe,Emails und Video-Calls der Bandmitglieder.Ohne sich treffen zu können, komponierten ChristopherAnnen, Henning May und Severin Kantereitneue Musik vor dem Hintergrund einer lahmgelegtenWelt. Quasi «unter Schock» – also nach demVerlust der gewohnten Normalität – entsteht darausein ungeplantes Album.«Die Reihenfolge der Lieder hat für uns Bedeutung,und wer so grosszügig ist, sich das Album auch indieser Reihenfolge anzuhören, hat einen gepolstertenSitzplatz in der Mehrzweckhalle unsererHerzen», erklären die Kölner auf der Rückseiteihrer Schallplatte. Das Intro und die ersten Liederdrücken die Verwirrung, die Einsamkeit und Ungläubigkeitaus, die die Pandemie zu Beginn ausgelösthat. Leadsänger Henning May singt: «Ich hab’ keineHoffnung zu verkaufen – nur Gegenwartsbewältigung.»Doch darauf folgen plötzlich Liebesballaden,wie wir sie von der Band kennen; sie spiegeln denOptimismus wider, der uns letzten Sommer ergriff.Trotzdem bleiben die melancholischen Untertönebestehen. «Die letzte Ballade» heisst der letzte Songvor dem Outro, in dem May sich fragt, worüber essich zu singen lohnt, bevor die Welt untergeht.«12» ist eine bruchstückhafte Sammlung: Wasangedacht wird, bleibt oft einfach so stehen oderwiederholt sich in den folgenden Songs ohne je zueiner abschliessenden Antwort zu gelangen. Das Albumschwebt irgendwo zwischen Dys- und Utopie,zwischen Gestern und Morgen, Eskapismus und Gegenwartsbewältigung.Die Sprache ist schmerzlichnah an dem, was ich selbst während dieser Zeit gedachtund gefühlt habe. Einige der Sätze hallen nochlange in mir nach. «Ich glaub’, Corona ist berühmterals der Mauerfall und Jesus zusammen.» In fünfzigoder sechzig Jahren könnte so eine Schallplatte aufdem Dachboden unseren Enkelkindern als historischesArtefakt gelten. Heute jedoch versucht siesich in «Gegenwartsbewältigung», was auch immerdas konkret bedeutet. Hinsehen, wegsehen, sichweit wegträumen. Alles was nötig ist, um sich ihrzu stellen, dieser fremden und seltsamen «neuenNormalität».Alyna Reading12 (LP)Annenmaykantereit2020Universal Music GmbH02.21spectrum23

CRITIQUES

Quand les frontières se

brouillent

vez-vous déjà observé le ciel de Fribourg en

A plein mois de novembre ? Eh bien faites-le ! Car

les nuances de gris ne sont pas choses à ignorer, et

ce, tout particulièrement dans cet ouvrage.

Un agent français en pleine Algérie des années 90’,

des agents doubles, des frères qui s’entredéchirent

et des terroristes, voilà le menu de vos prochaines

soirées. Oh, je vous sens venir : « Encore un livre sur

le djihad ! C’est du connu ça ! À tous les coups les

cruels terroristes vont être arrêtés in extremis par

le valeureux policier. »

Oui, mais non. Parce qu’ici, on parle d’Algérie, pas

de djihad. Parce qu’ici, le roman fait la part belle à

l’Histoire. Et, surtout, parce qu’ici, les frontières se

brouillent.

Car si ce roman s’attache à rester aussi fidèle que

possible aux événements, en n’hésitant pas à mêler

personnages historiques et fictifs tout en s’appuyant

sur des bases solides, une grande part de son intérêt

réside dans le soin apporté aux portraits des protagonistes

fictif·ve·s. L’auteur s’attache en effet à

en faire des êtres cohérents, humains, sans forcer

le trait pour rendre gentil·le·s les gentil·le·s et méchant·e·s

les méchant·e·s. Aussi ne vous étonnez

pas d’être soudain dégoûté·e par un personnage qui

vous semblait pourtant si prometteur ou de soudain

éprouver de la compassion pour un·e protagoniste

sans panache. Tou·te·s sans exception composent

avec leurs faiblesses propres, bien souvent sans parvenir

à les surmonter entièrement.

Certain·e·s n’hésiteront pas à parler de scènes inutiles,

n’apportant rien à l’intrigue. Ils et elles auront

tout faux. Car pour connaître la trame générale de ce

roman, il suffit d’ouvrir un livre d’Histoire. L’intrigue

ne représente que le support d’une réflexion bien

plus profonde qui s’exprime au travers de la densité

octroyée aux personnages. Toutes ces nuances de

gris chez les protagonistes ne représentent que le

reflet des nuances qui existent dans nos sociétés, à

tous les niveaux. Ces nuances mêmes qui brouillent

les limites entre compromis et compromission.

Michèle Dussex

La guerre est une ruse

Frédéric Paulin

Agullo

2018

368 p.

Les coulisses du médecin légiste

onnaissez-vous-en quoi consiste le métier

C d’un·e médecin légiste ? Vous savez, cette personne

souvent charismatique, au regard ténébreux,

dont les compétences cognitives sont souvent audelà

de la norme, arrivant ainsi à résoudre une affaire

criminelle d’un simple angle de vue. Tout ceci en 45

minutes par épisodes !

Eh bien la réalité est forcément toute autre ! La

Prof. Sile Grabherr, directrice du Centre universitaire

romand de médecine légale à tout juste 36 ans

et décortique dans ce livre plaisant l’image véhiculée

sur la médecine légale. Au fil des pages, nous découvrons,

à l’aide d’un humour efficace, les grossières

erreurs commises par les productions télévisées en

quête d’audience.

Dans un autre angle de vue, l’auteure nous apprend

en quoi consiste véritablement le métier de médecin

légiste et du système légal en vigueur en Suisse,

en Allemagne et en France. Il est assez déroutant

d’apprendre que les pays anglo-saxons, États-Unis

en tête, sont en fait à la traîne du point de vue technologique.

Même les séries hollywoodiennes ne

reflètent plus le quotidien de la médecine légale. Il

faut plutôt regarder des salles d’autopsies suisses et

allemandes pour découvrir les avant-gardes de ce

domaine, comme l’angiographie post-mortem que

la Prof. Grabherr a développé, engin désormais largement

utilisé dans cette profession.

Un·e médecin légiste est un·e expert·e qui n’ausculte

pas seulement des mort·e·s. Il se peut qu’il·elle

examine des vivant·e·s lors d’enquêtes pénales pour

confirmer/infirmer des déclarations. De plus, son

travail se révèle très utile, même pour des morts qui

semblent à tout point de vue anodine. En effet, une

pratique élaborée en Allemagne a, par exemple, permis

de révéler des homicides presque parfaits. Le

modus operandi du praticien·ne consiste à combiner

l’ensemble des résultats d’analyses pour en déduire

les causes du décès.

Ce livre nous permet d’ausculter un monde largement

méconnu, mais passionnant, à la frontière de

la médecine et du droit. Sa lecture simple aidera au

commun des mortel·le·s à comprendre un domaine

fort peu commun. Tout ceci, en bien plus que 45 minutes

bien sûr !

Maxime Corpataux

La mort n’est que le début …

Prof. Silke Grabherr

2020

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