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Ils étaient nombreux à sortir dans
les rues de Jérusalem pour manifester
leur joie à l’annonce du
rétablissement des relations entre
le Maroc et Israël. Des Israéliens
d’origine marocaine, heureux de pouvoir
enfin retourner au pays natal de
leurs parents sans devoir faire d’escale,
n’ont pas hésité à exprimer leur attachement
infaillible à leurs origines. Représentant
quelque 800.000 personnes,
soit près d’un dixième de la population
israélienne, les juifs marocains ont
gardé des liens étroits avec le royaume.
Une relation exceptionnelle qui ne date
pas d’hier et qui remonte à près de deux
mille cinq cents ans, au tout début de la
présence juive au Maroc suite aux premiers
exodes.
De nombreux
Israéliens sont
sortis dans
les rues de
Jérusalem pour
manifester leur
joie à l’annonce du
rétablissement des
relations entre le
Maroc et Israël.
vitables... Le peuple ne fuit pas le Maroc,
mais sa propre misère », décrivait en 1959,
l’intellectuel Carlos de Nesry, au sujet
des motivations économiques de l’émigration
juive marocaine.
Arrivés en terre nouvelle, les juifs
marocains se devaient de s’intégrer…
mais sans toutefois « trahir » leurs origines,
leur culture, leur identité. Un
état d’esprit qui est analysé par Donath
Bensimon, sociologue des religions et
spécialiste du devenir des communautés
juives marocaines ayant émigrées
en Israël. Ce dernier explique en effet
Loin des yeux,
proche du cœur
Si l’émigration d’une grande majorité
des juifs marocains vers Israël
(220.000 personnes) entre 1948 et 1964,
les a éloignés géographiquement de
leur pays natal, elle n’a pas pu pour
autant rompre les liens solides entre
cette communauté et le Maroc. « C’est la
situation économique qui a été et demeuré
à l’origine des départs… En fait, l’exode des
Juifs marocains a commencé, insensiblement,
subrepticement. Exode qui n’est au
fond, désiré par personne, mais les impératifs
économiques rendent souvent inécomment
les juifs marocains avaient
maintenu leur affiliation à leur pays
d’origine : « Lorsque le jeune lycéen commence
à se demander : Qu’est-ce qu’un
Juif ?, ses maîtres laïcs répondaient : « Au
Maroc il n’y a ni Juifs, ni Musulmans, il
n’y a que les Marocains ». Lorsqu’il se
posa en Marocain devant les Musulmans,
on lui affirma que tous les sujets
du Sultan étaient égaux, mais on lui fit
sentir que certains droits n’étaient pas
pour le « dhimmi ». Quant aux autorités
du Protectorat, elles le considéraient
comme « israélite marocain ». Quand,
enfin il se décida à émigrer en Israël,
on le considérait, pour la première fois,
comme « Marocain », tente le sociologue.
Témoignages émouvants
La confirmation de cette analyse, on la
retrouve dans une déclaration émouvante
d’une juive marocaine ayant
quitté Tinghir dans les années cinquante
pour s’installer en Israël. Elle
a été interviewée par le réalisateur
marocain Kamal Hachkar dans son
documentaire « Tinghir-Jérusalem : Les
Échos du mellah ». L’interrogeant sur sa
nationalité, Aicha répond naturellement
et avec un large sourire aux lèvres,
« Je suis marocaine ». Même nostalgie et
même amour pour le Maroc et pour les
Marocains dans les propos émus de
Shalom également cité par le réalisateur
marocain. Au bout de toutes ces années,
il garde intacts ses souvenirs et les partage
avec nostalgie avec Hachkar, dans
un berbère et un arabe parfaits. Les
noms de ses anciens voisins, ses relations
amicales empreintes de bienveillance
et de tolérance avec eux… tout est
gravé dans sa mémoire d’immigré. Les
yeux brouillés par l’émotion, il évoque
avec beaucoup de tendresse ce passé
toujours vivant.
Une belle démonstration d’un attachement
indéfectible que la communauté
d’origine marocaine entretient jalousement
et d’une manière particulière. En
parallèle avec les mécanismes d’intégration
dans leur nouvelle société en Terre
promise, « les juifs originaires du Maroc
« avaient découvert enfin leur marocanité
: La fierté d’être originaire d’un pays
du 25 au 31 décembre 2020 L’Observateur N° 546
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