société5 L’attachement des juifs marocain à leurs traditions est un point d’ancrage identitaire.Juifs marocains d’IsraëlLe vrai sens d’appartenanceC’est une histoire passionnelle et passionnante que celle des juifs d’origine marocained’Israël. Une affaire de cœur qui, au fil des générations, continue de lier des milliersde juifs à leur Maroc d’origine. En témoigne cet attachement sans faille à leur identitéet à leurs racines marocaines.Par Hayat Kamal Idrissi50 N° 546 L’Observateur du 25 au 31 décembre 2020
Ils étaient nombreux à sortir dansles rues de Jérusalem pour manifesterleur joie à l’annonce durétablissement des relations entrele Maroc et Israël. Des Israéliensd’origine marocaine, heureux de pouvoirenfin retourner au pays natal deleurs parents sans devoir faire d’escale,n’ont pas hésité à exprimer leur attachementinfaillible à leurs origines. Représentantquelque 800.000 personnes,soit près d’un dixième de la populationisraélienne, les juifs marocains ontgardé des liens étroits avec le royaume.Une relation exceptionnelle qui ne datepas d’hier et qui remonte à près de deuxmille cinq cents ans, au tout début de laprésence juive au Maroc suite aux premiersexodes.De nombreuxIsraéliens sontsortis dansles rues deJérusalem pourmanifester leurjoie à l’annonce durétablissement desrelations entre leMaroc et Israël.vitables... Le peuple ne fuit pas le Maroc,mais sa propre misère », décrivait en 1959,l’intellectuel Carlos de Nesry, au sujetdes motivations économiques de l’émigrationjuive marocaine.Arrivés en terre nouvelle, les juifsmarocains se devaient de s’intégrer…mais sans toutefois « trahir » leurs origines,leur culture, leur identité. Unétat d’esprit qui est analysé par DonathBensimon, sociologue des religions etspécialiste du devenir des communautésjuives marocaines ayant émigréesen Israël. Ce dernier explique en effetLoin des yeux,proche du cœurSi l’émigration d’une grande majoritédes juifs marocains vers Israël(220.000 personnes) entre 1948 et 1964,les a éloignés géographiquement deleur pays natal, elle n’a pas pu pourautant rompre les liens solides entrecette communauté et le Maroc. « C’est lasituation économique qui a été et demeuréà l’origine des départs… En fait, l’exode desJuifs marocains a commencé, insensiblement,subrepticement. Exode qui n’est aufond, désiré par personne, mais les impératifséconomiques rendent souvent inécommentles juifs marocains avaientmaintenu leur affiliation à leur paysd’origine : « Lorsque le jeune lycéen commenceà se demander : Qu’est-ce qu’unJuif ?, ses maîtres laïcs répondaient : « AuMaroc il n’y a ni Juifs, ni Musulmans, iln’y a que les Marocains ». Lorsqu’il seposa en Marocain devant les Musulmans,on lui affirma que tous les sujetsdu Sultan étaient égaux, mais on lui fitsentir que certains droits n’étaient paspour le « dhimmi ». Quant aux autoritésdu Protectorat, elles le considéraientcomme « israélite marocain ». Quand,enfin il se décida à émigrer en Israël,on le considérait, pour la première fois,comme « Marocain », tente le sociologue.Témoignages émouvantsLa confirmation de cette analyse, on laretrouve dans une déclaration émouvanted’une juive marocaine ayantquitté Tinghir dans les années cinquantepour s’installer en Israël. Ellea été interviewée par le réalisateurmarocain Kamal Hachkar dans sondocumentaire « Tinghir-Jérusalem : LesÉchos du mellah ». L’interrogeant sur sanationalité, Aicha répond naturellementet avec un large sourire aux lèvres,« Je suis marocaine ». Même nostalgie etmême amour pour le Maroc et pour lesMarocains dans les propos émus deShalom également cité par le réalisateurmarocain. Au bout de toutes ces années,il garde intacts ses souvenirs et les partageavec nostalgie avec Hachkar, dansun berbère et un arabe parfaits. Lesnoms de ses anciens voisins, ses relationsamicales empreintes de bienveillanceet de tolérance avec eux… tout estgravé dans sa mémoire d’immigré. Lesyeux brouillés par l’émotion, il évoqueavec beaucoup de tendresse ce passétoujours vivant.Une belle démonstration d’un attachementindéfectible que la communautéd’origine marocaine entretient jalousementet d’une manière particulière. Enparallèle avec les mécanismes d’intégrationdans leur nouvelle société en Terrepromise, « les juifs originaires du Maroc« avaient découvert enfin leur marocanité: La fierté d’être originaire d’un paysdu 25 au 31 décembre 2020 L’Observateur N° 54651