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Altitude<br />
Les voltiges aériennes<br />
de Claudette Morel<br />
Toute sa vie, ou presque, cette Gasconne d’adoption aura vu le bas d’en haut et piloté des avions de légende.<br />
Rien d’exceptionnel, selon elle…<br />
À Lectoure, non loin de chez elle, sur terre… Claudette aux commandes du Caudron G III de Jean Salis, réplique d’un aéroplane de 1914.<br />
Depuis l’enfance, Claudette Morel a<br />
regardé le ciel. En vacances à Saint-<br />
Junien dans le Limousin, la jeune fille<br />
est assise avec des amis à une terrasse de<br />
café. Elle a dix-huit ans. Une vieille Citroën<br />
se gare. Le chauffeur, un homme<br />
de belle allure, les interpelle : « Qui<br />
veut voler avec moi ?» Stupéfaction<br />
générale. Une voix s’élève : « Moi !»<br />
C’est Claudette. Avec un copain, ils<br />
se glissent dans cette voiture bourrée<br />
de bidons d’essence. Démarrage, puis<br />
le tacot se trouve dans un champ, devant<br />
un avion. Un avion de légende,<br />
un Proctor, elle l’a su plus tard. L’inconnu<br />
met les gaz, l’avion décolle dans<br />
l’herbe, sans piste. Pas une seconde,<br />
Claudette n’a peur. « J’étais enfin au<br />
ciel !» L’inconnu ? C’était le célèbre et<br />
fantasque aviateur Pol Desselas, ami<br />
de Mermoz, Saint-Exupéry (*) et de la<br />
pionnière Adrienne Bolland. Pol avait<br />
besoin de compagnie. Claudette avait<br />
besoin de ciel. Et aussi d’argent pour se<br />
payer ses heures de vol.<br />
« Raide dingue » de son Piper J3<br />
Une idée toute simple, coudre des ourlets<br />
à cinq francs ! Elle décroche le Brevet<br />
I er degré, sur un Piper J3. « Ce Piper<br />
années 30, j’en étais amoureuse, raide<br />
dingue. Mon rêve d’enfant ! » Pour<br />
s’offrir le Brevet 2 e degré, elle nettoie<br />
l’huile sur les avions dans un aéro-club.<br />
Un homme l’aperçoit, d’emblée il déclare<br />
: « C’est elle que je veux, il me la<br />
faut. » Elle : « J’en ai rien à faire, de ce<br />
type », Claudette lui lance son éponge<br />
à la figure. Conclusion, ils vivront quarante<br />
années ensemble, ils auront deux<br />
garçons élevés sur les terrains d’aviation.<br />
Le « type » était un rêveur qui avait<br />
lui aussi regardé le ciel, en gardant les<br />
chèvres. Le 2 e degré, elle le passera enceinte<br />
de son premier bébé sur un Jodel<br />
« train classique ». Pas question d’épater<br />
la galerie, c’était pour son plaisir<br />
Pas la peine de retourner le Canard Gascon, la photo est dans<br />
le bon sens. C’était à l’école de voltige de Limoges, Claudette<br />
avec B. Chauvreau. Ça décoiffe !<br />
qu’elle volait. Le couple s’installe à<br />
l’aéro-club de Saint-Junien, et Félix<br />
Morel en deviendra le charismatique<br />
président.<br />
Dix années en l’air<br />
Pour les Morel, ce seront dix années<br />
glorieuses, dans une ambiance bon enfant.<br />
Baptêmes de l’air pour tous, gratuits<br />
pour les petits, une vie de fêtes,<br />
bals, musique, Claudette aux fourneaux<br />
entre deux vols. Le collectionneur<br />
d’avions et aviateur Jean Salis leur rend<br />
visite avec le Caudron G3 de l’héroïne<br />
Adrienne Bolland qu’il a reconstruit.<br />
Après le décès de son époux, Claudette<br />
continuera à voler : voltige, vol en montagne,<br />
hydravion sur lacs au Canada.<br />
Elle ne s’est jamais crue exceptionnelle.<br />
Juste une femme volontaire et<br />
passionnée. Au temps merveilleux de<br />
l’aviation populaire.<br />
Ingrid Carlander<br />
(*) À noter, jusqu’en août 2021, l’exposition<br />
« Antoine de Saint-Exupéry, un Petit Prince<br />
parmi les Hommes », à Toulouse-Montaudran,<br />
site de l’Envol des Pionniers, pour le 120 e<br />
anniversaire de sa naissance.<br />
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