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Histoire<br />

Narcisse-Achille de Salvandy<br />

Un Condomois deux fois ministre<br />

Tour à tour officier, magistrat, député, ambassadeur, par ailleurs homme de lettres,<br />

c’est comme ministre de l’Instruction Publique que Narcisse-Achille de Salvandy (1795-1856) a laissé une trace.<br />

Photographie<br />

Louis Ducos du Hauron<br />

L’inventeur de la photo couleur<br />

Ce savant du sud-ouest, mort il y a 100 ans, est considéré comme l’inventeur de la photographie couleur.<br />

Son nom est pourtant tombé dans l’oubli. Mais depuis peu, il refait surface.<br />

N- A de Salvandy en Grand Maître de l’Université,<br />

par Paul Delaroche, 1846 (Paris, musée du Louvre)<br />

Il naît à Condom dans une famille de<br />

petite noblesse de robe le 16 juin 1795<br />

et sa vie est un tourbillon. Ses études<br />

secondaires le mènent à Paris comme<br />

boursier. On le destine à une carrière<br />

dans l’enseignement, mais, pour échapper<br />

à une sanction, il rejoint l’armée<br />

napoléonienne en 1813. Il participe aux<br />

campagnes de Saxe et de France. Rallié<br />

à la Restauration, il intègre la maison<br />

militaire de Louis XVIII en 1814, en est<br />

exclu en 1815, y retourne encore puis<br />

fait des études de droit qui lui ouvrent<br />

les portes du Conseil d’État en 1818.<br />

En 1821, il épouse Julie Feray, riche<br />

héritière d’une famille de négociants<br />

normands et petite-fille de l’industriel<br />

Oberkampf 1 . Le couple s’installe au<br />

Quartier Latin et aura deux enfants.<br />

Écrivain et noctambule<br />

Sa vie familiale semble paisible, mais<br />

elle cache des zones d’ombre : sa bisexualité<br />

et ses très éclectiques nuits<br />

parisiennes sont attestées par les fiches<br />

de la police des mœurs archivées à la<br />

Préfecture de Police. Son nom y est cité<br />

deux fois ainsi que sa relation « contre<br />

nature » avec un ami d’enfance.<br />

D’opinions politiques modérées et<br />

partisan d’une monarchie constitutionnelle,<br />

il publie quelques articles plutôt<br />

libéraux et collabore au Journal des<br />

Débats où il s’oppose vigoureusement<br />

aux ultra-royalistes. En 1821, lorsque<br />

ces derniers arrivent au pouvoir, Salvandy<br />

est radié du Conseil d’État. Il<br />

se lance alors en littérature : romans,<br />

essais politiques, ouvrages historiques<br />

— ces derniers plutôt superficiels —. Il<br />

s’exprime dans une prose poétique qui<br />

imite Chateaubriand en tombant dans<br />

l’excès. Pourtant, plus tard en 1835, ses<br />

écrits lui ouvriront les portes de l’Académie<br />

française.<br />

En 1828, à la faveur de la nomination<br />

d’un gouvernement plus modéré, il réintègre<br />

le Conseil d’État. Las en 1829,<br />

retour des ultras et Salvandy démissionne.<br />

L’opposition aux mesures antilibérales<br />

prises par le gouvernement<br />

Polignac se faisant de plus en plus<br />

forte, Salvandy met le roi en garde. À<br />

Charles X, droit dans ses bottes, lui<br />

disant : « Je ne reculerai pas d’une<br />

semelle », il aurait répliqué : « Plaise<br />

à Dieu que Votre Majesté ne soit pas<br />

forcée de reculer d’une frontière ». Peu<br />

après, Charles X est chassé par la révolution<br />

de 1830.<br />

Grand réformateur<br />

Rallié à Louis-Philippe, Salvandy se<br />

lance en politique. De 1830 à 1848, il<br />

est régulièrement élu député dans la<br />

Sarthe, l’Eure, l’Eure-et-Loir et le Gers<br />

(Lectoure). Libéral sous la Restauration,<br />

il vote désormais avec le parti<br />

conservateur, s’oppose aux libéraux et<br />

aux républicains, flirte avec les royalistes<br />

légitimistes.<br />

Le voilà ministre : le portefeuille de<br />

l’Instruction Publique lui échoit par<br />

deux fois et les réformes s’enchaînent.<br />

En 1838-39 : création de l’inspection<br />

primaire, de l’école maternelle<br />

Le square Salvandy à Condom (Photo J. M.)<br />

dite « école du premier âge », modernisation<br />

de l’enseignement secondaire<br />

(une langue vivante obligatoire,<br />

renforcement de l’enseignement des<br />

mathématiques), revalorisations salariales.<br />

En 1845-48 : création de l’École<br />

d’Athènes, réforme de l’École des<br />

Chartes, réorganisation des études de<br />

Droit et de Médecine, création d’une<br />

caisse de retraite pour les instituteurs…<br />

Entre ses deux passages à l’Instruction<br />

Publique, il est ambassadeur à Madrid<br />

puis à Turin 2 .<br />

Survient la Révolution de 1848. Son<br />

temps est passé : après un bref exil à<br />

Jersey, il retourne à la vie civile. Il<br />

meurt en 1856 dans son château de<br />

Graveron (Eure). À Condom, un petit<br />

square honore modestement cet homme<br />

politique à la fois modéré et ardent réformateur.<br />

Atelier histoire du Clan<br />

1 Christophe-Philippe Oberkampf a fondé<br />

à Jouy-en-Josas la manufacture royale<br />

de toiles imprimées dites « toiles de Jouy ».<br />

2 Capitale du royaume de Piémont-Sardaigne.<br />

Ducos photographié par Nadar, qui lui a eu plus de chance<br />

avec la postérité.<br />

24 25<br />

«<br />

Forcer<br />

le soleil à peindre avec des<br />

couleurs qu’on lui présente. Tel est<br />

le problème que j’ai conçu et que j’ai<br />

résolu ». Ainsi parlait Louis Ducos du<br />

Hauron (1837-1920), le génial inventeur<br />

de la photo en couleurs. Toute la<br />

vie de ce Gascon sera une aventure passionnée<br />

avec le soleil.<br />

Tout jeune, il est assez bon peintre. Sur<br />

sa palette, une combinaison de nuances<br />

issues des couleurs primaires, le rouge,<br />

le jaune et le bleu. En tant que musicien,<br />

il sera un remarquable pianiste,<br />

proche de Camille Saint-Saëns. Son bagage<br />

scientifique, physique et chimie,<br />

joint à une exceptionnelle puissance<br />

d’imagination, va lui ouvrir les voies<br />

de l’avenir. Déjà à 22 ans, il porte à la<br />

Société des Arts et Sciences d’Agen un<br />

mémoire sur « l’Étude des Sensations<br />

lumineuses ».<br />

Ancêtre des frères Lumière<br />

Ses recherches sont riches et multiples.<br />

Ainsi le cinéma. En 1864, 30 ans avant<br />

les frères Lumière, il dépose un brevet<br />

sur la chronophotographie (le cinéma).<br />

Il invente la perforation qui permettra<br />

de faire avancer la pellicule, il imagine<br />

le travelling, le ralenti. Mais son<br />

invention majeure sera la photographie<br />

en couleurs. Furieusement perfectionniste,<br />

Ducos du Hauron se voue corps<br />

et âme à ses expérimentations, souvent<br />

réalisées dans des laboratoires de fortune,<br />

même des greniers ! Parfois au<br />

bord de la ruine, il est soutenu par son<br />

frère Alcide, homme de lettres et avocat<br />

à Agen, son admirateur et mécène.<br />

Réussites, échecs se succèdent, avant la<br />

reconnaissance académique.<br />

Première photo couleur au monde<br />

L’année 1868 le trouve à Lectoure.<br />

C’est par une visite chez un miroitier<br />

que débute la grande aventure de la<br />

photo en couleurs. Selon ses indications,<br />

l’artisan lui taille trois plaques de<br />

La première épreuve couleur, réalisée en intérieur d'après un<br />

trio de négatifs.<br />

verre coloré, rouge, jaune, bleu. Avec<br />

ces filtres, trois images seront réalisées<br />

séparément, et la synthèse donnera une<br />

image complète. « Le soleil n’aura pas<br />

trompé mon attente ! » s’exclame l’inventeur,<br />

mais cette découverte lui aura<br />

coûté les travaux les plus complexes,<br />

les plus ardus. Louis Ducos du Hauron<br />

vient de réaliser, dans le Gers, la première<br />

photo couleur au monde et d’inventer<br />

la trichromie, une technique utilisée<br />

encore aujourd’hui pour imprimer<br />

les documents en couleurs. Plus tard, en<br />

1877, l’inventeur réalise plusieurs vues<br />

panoramiques d’Agen, les premières<br />

photos couleur en extérieur au monde.<br />

Célèbre vue panoramique d'Agen, la première photo couleur au<br />

monde prise en extérieur en 1877.<br />

Un incompréhensible oubli<br />

L’Exposition universelle de 1878 présente<br />

une importante collection de ses<br />

réalisations. Et en 1900, il reçoit la médaille<br />

de la Royal Photography Society.<br />

Et puis notre homme sombre dans l’oubli.<br />

Ses trouvailles feront la fortune<br />

d’industriels de l’édition, de l’impression,<br />

de la photo, du cinéma.<br />

À la faveur du centenaire de sa mort,<br />

des gens de science et des arts se sont<br />

mobilisés pour corriger cette injustice<br />

(voir encadré) et redonner à Ducos du<br />

Hauron sa juste place dans l’histoire du<br />

génie humain.<br />

Ingrid Carlander<br />

Une <strong>BD</strong>, une expo, un colloque<br />

L’Association des amis de Louis Ducos du<br />

Hauron (3, rue Viala — 47000 Agen), présidée<br />

par Charles Sarion, est des plus actives. Parmi<br />

les événements marquants autour des 100 ans<br />

de la mort du photographe, la parution le 1 er<br />

décembre d’une bande dessinée de 80 <strong>pages</strong><br />

réalisée par Marine Gasc (scénario) et Pauline<br />

Roland (dessin). Elle sera livrée avec une paire<br />

de lunettes (rouge et bleu) pour retrouver la<br />

lecture 3D des « Anaglyphes » mis au point par<br />

le savant. La mise en place d’une grande exposition<br />

photographique, et expérimentale, dans<br />

l’église des jacobins à Agen du 3 juillet 2021 au<br />

3 octobre 2021. Et l’organisation d’un colloque<br />

international le samedi <strong>11</strong> septembre 2021 au<br />

théâtre d’Agen sous la présidence d’Alain Aspect,<br />

professeur à l’Institut d’Optique, directeur<br />

de recherche émérite au CNRS et professeur à<br />

l’École Polytechnique.

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