Essais & Simulations n°109
Les essais aggravés : où en sommes-nous ?
Les essais aggravés : où en sommes-nous ?
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En quoi consiste cette technique et<br />
comment l’avez-vous mise en place ?<br />
Au début, et moi le premier, nous étions<br />
particulièrement sceptiques sur cette<br />
approche. La raison de notre réticence<br />
trouve ses origines dans notre culture européenne<br />
qui a souvent pour défaut de<br />
vouloir tout expliquer et de remettre en<br />
question toute décision innovante.<br />
Il nous a fallu du temps pour bien com -<br />
prendre l’intérêt et la philosophie des<br />
essais aggravés. Mais les résultats des<br />
essais effectués sur des pilotes nous ont<br />
convaincus. Maintenant, je recommande<br />
vivement cet outil à condition de savoir<br />
bien l’utiliser ; c’est-à-dire qu’il faut pratiquer<br />
ce type d’essais en ayant pleinement<br />
conscience qu’il est destiné à mettre en<br />
évidence les faiblesses d’un produit. Or<br />
bon nombre d’industriels ont considéré<br />
que les essais aggravés (déjà très coûteux)<br />
ne leur ont servi à rien dans la mesure où<br />
ils n’ont pas accepté de voir remise en<br />
cause leur solution ou leur technologie,<br />
souvent le fruit de plusieurs années de<br />
recherche. Or c’est précisément à ça qu’ils<br />
servent : être capable de déceler les<br />
faiblesses d‘un produit en le menant à<br />
bout, en connaître ses limites même si<br />
celles-ci dépassent les spécifications<br />
vendues. Le but ici n’est pas de vérifier<br />
que le produit « tient » ses spécifications,<br />
mais de voir s’il n’y a pas quelque chose<br />
(une faiblesse) qui pourrait faire qu’il ne<br />
les tienne plus à un moment donné. Par<br />
exemple ; un appareil-photo numérique ne<br />
doit pas être utilisé dans des températures<br />
négatives. Pourtant, en réalité, personne<br />
n’aimerait voir son appareil tomber en<br />
panne dès que le thermomètre affiche zéro<br />
degré. Les essais aggravés servent donc<br />
à mettre en avant les faiblesses lors de<br />
la conception, pour en avoir connaissance<br />
au lieu de les découvrir par la suite et<br />
décider si nécessaire de les corriger, mais<br />
aussi, lors de la phase de production pour<br />
trouver les défauts de jeunesse et les<br />
éliminer. Dans ce cas, il s’agit d’un « Super<br />
déverminage ».<br />
Aujourd’hui, quelles sont les pers -<br />
pectives de ce marché ?<br />
Les essais aggravés ont conquis une partie<br />
du marché et continuent de séduire de<br />
plus en plus de secteurs d’activité. Tout<br />
est parti des États-Unis et du secteur aéronautique,<br />
mais les essais aggravés ont<br />
ensuite touché le grand public avec l’informatique<br />
et des sociétés comme Dell,<br />
HP, Cisco ou Apple. Naturellement tout le<br />
secteur Automobile utilise les essais<br />
aggravés, on peut citer Ford et General<br />
Motors par exemple. L’Europe était à la<br />
traîne mais le Vieux Continent s’est<br />
rattrapé dans cette dernière décennie.<br />
D’autres secteurs utilisent désormais cette<br />
technique à commencer par l’horlogerie,<br />
l’électronique et l’électromécanique pour<br />
les moteurs de machines à commande<br />
numérique par exemple. L’Asie est également<br />
devenue un très gros utilisateur des<br />
essais aggravés.<br />
Pour l’heure, en Europe, ce type d’essais<br />
n’en est qu’à sa phase de démarrage car<br />
il n’est pour l’instant utilisé que par des<br />
grands comptes. L’étape 2 sera de les<br />
réaliser au sein des fabricants de sousensembles<br />
et des sous-traitants ; ce sera<br />
d’ailleurs, à mon sens, une exigence croissante<br />
de la part des grands donneurs d’ordres<br />
car ces opérations coûteuses sont<br />
toutefois moins onéreuses si on les<br />
applique plus en amont dans la réalisation<br />
des constituants des produits.<br />
C’est ce que l’on note déjà aux États-Unis<br />
et en Asie, au début, les essais aggravés<br />
étaient mis en oeuvre par les intégrateurs<br />
au niveau final, maintenant, ils sont<br />
réalisés par les équipementiers sur les<br />
sous ensembles.Une autre tendance très<br />
intéressante concerne la production et<br />
nous vient d’Asie. Le terrible séisme qu’a<br />
connu le Japon l’an dernier a vu émerger<br />
de nou velles applications : les essais<br />
aggravés ont en effet permis à de nom -<br />
breuses sociétés et en un temps record<br />
(quelques semaines seulement) de revalider<br />
la fabrication des usines alors<br />
détruites pour produire ailleurs, sur d’autres<br />
sites et ce avec un même niveau<br />
de qualité.<br />
Il faut voir la technique d’essais aggravés<br />
comme un outil permettant de bien<br />
connaitre les limites (faiblesses) d’un<br />
produit. Tout produit a des limites, certains<br />
sont des défauts qu’il convient de corriger,<br />
d’autres sont des limites par exemples<br />
technologiques qu’il faut connaitre pour<br />
pouvoir vivre avec ●<br />
Propos recueillis<br />
par Olivier Guillon<br />
E S S A I S & S I M U L A T I O N S ● JA NVI E R , F ÉVR I E R , M A R S 2 0 1 2 ● PAG E 4 4