15.11.2020 Views

360_196_MASTER-final-2

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Tropiques

helvétiques

Mariage

Bientôt fixé·e·s

Vacances

Echappées belles

Culture

Perfos afropéennes

360° juillet-août 2020 - N°196




Edito

Convergence

Nous sommes sans doute à l’aube d’une nouvelle

ère en Suisse. Le mariage égalitaire va subir

l’épreuve du feu au Conseil des Etats à la rentrée,

après un passage en commission au mois d’août.

Il s’agit peut-être de l’éventuelle fin d’un (trop) long

travail parlementaire. Peu importe, la victoire remportée

lors du passage au Conseil National par la formule

égalitaire nous laisse espérer une belle issue sur cet

important sujet.

Nous ne serons toutefois pas à l’abri d’une mobilisation

conservatrice. Il y a bien des chances que le peuple

soit appelé à se prononcer. Si tel est le cas, il faudra faire

face à l’habituel train d’arguments fallacieux et, une fois

encore, au fait que le sort de nos communautés se trouve

être un enjeu d’ordre politique.

Au jeu politique opposons le bon sens. Non pas uniquement

celui de pouvoir faire union. Mais notre droit,

en tant que citoyen·ne·s et contribuables à pouvoir mener

notre vie comme la constitution fédérale le stipule

dans son préambule « déterminés à vivre ensemble leurs

diversités dans le respect de l’autre et l’équité… »

La diversité. Le respect de l’autre. L’équité. Nous en

sommes quand même bien loin aujourd’hui. Vous ne

trouvez pas ? D’autant plus si l’on pense aux questions

d’identité de genre et des variations du développement

sexuel. L’attention est aujourd’hui focalisée sur le mariage.

N’oublions pas qu’il nous faut rester mobilisé·e·s

pour l’ensemble de nos communautés et au-delà. L’actualité

internationale, notamment sous le prisme de la

lutte contre le racisme, est là pour nous le rappeler. Vous

l’avez compris : la question de la convergence des luttes

est plus que jamais centrale.

Vous pouvez être assuré·e·s d’une chose, le magazine

360° et toute son équipe est et restera mobilisée aussi

longtemps qu’il le faudra. En attendant de vous retrouver

au mois de septembre, nous vous souhaitons un été

succulent, chaud, tendre et excitant. On vous aime.

Rédaction en chef

Guillaume Renevey

(guillaume@magazine360.ch)

Rédaction textes

Edmée Cuttat, Greta Gratos, Annabelle

Georgen, Alexandre Lanz, Guillaume

Renevey, Antoine Bal, Johanna

Schopfer, Antoine Gessling, Lana

Cueto

Corrections

Zelda Chauvet, Zino Davidoff

Rédaction image

Ester Paredes

Graphisme

Marion Bareil (Tourmaline studio)

Charles Chalas

Stéphane Hernandez

Publicité

Philippe Scandolera (pub@360.ch)

Jérémy Uberto (marketing@360.ch)

Stéphanie Siggen

(stephanie.siggen@360.ch)

Christina Kipshoven

(christina@mannschaft.com)

Abonnement

Rolan Delorme (abo@360.ch)

Expédition

Alain, André, Claude, Erdal, Jacques,

Laurentiù, Otto, Giovanni, Jérôme

Editeur

Association Presse 360

Impression

Appi, Gland

360°

36, rue de la Navigation

CP 2217 – CH-1211 Genève 2

Tél. 022 741 00 70

Toute reproduction est strictement

interdite pour tous les pays, sauf

autorisation écrite de 360°.

Vignette édito © Patrick Mettraux

Couverture © Eugène Chrytiakov

Des exemplaires vous sont offerts

dans tous les lieux partenaires LGBT

et friendly de Suisse romande. 360°

est un magazine indépendant dont

le contenu rédactionnel ne reflète

pas nécessairement les positions de

l’Association 360. Retrouvez toutes

les infos sur 360.ch

360° juillet-août 2020 - N°196 1



Sommaire

P4

Actu

internationale

Goodbye, M. Pinkwashing…

P4

À son tour, la Roumanie fait

la guerre au « genre »

P5

Bref, le monde...

P5

suisse

« Il faut libérer chaque

lettre de l'acronyme

LGBTI »

P6

pride

La Romandie tiendra sa fierté à

Genève en 2020

P8

Chronique

genre

Mon corps qui est le bon

P11

Dans l'été pandémique, la Suisse regorge

de promesses de rivières. À lire en page 12

P12 P33

Gaymap

théâtre

Tendances

vacances

Swiss Summer Love

P12

Culture

tendances design

Dans l'œil de VIU

P18

rencontre

Le goût du risque

P20

bande dessinée

Échappée belle

P22

cinéma

Une romance signée Ozon

P27

Émancipation féminine en

Arabie saoudite

P28

Danseuse en quête de

libération

P28

livres

Eros et Thanatos

P31

Transdessinée

P31

Trois petits tours et puis

s’en vont…

P33

jeu

Le disco quiz des disco

queens !

P35

Les réponses du disco quiz

P37

expo

Photographier le présent et

préfigurer le futur

P38

sorties

« Il b » prend le large

P40

Le vagin star de la night

P40

Infos Partenaires

P48-49

Chants nocturnes de Greta

Gratos

P50

twitter@magazine_360

facebook.com/magazine360lgbt

L’actualité est

sur 360.ch

360° juillet-août 2020 - N°196 3



Actu internationale

Goodbye,

Mr. Pinkwashing...

Richard Grenell à la Maison-Blanche en 2017 © Instagram

Seule figure ouvertement gay de l’administration Trump, Richard Grenell s’est

mis en retrait après deux ans d’hyperactivité controversée, notamment sur le

dossier LGBTQ+.

Par Antoine Gessling

« J’aime mon enfant trans »: slogan à la Pride de Bucarest © DR

Actu internationale

À son tour, la

Roumanie fait la

guerre au « genre »

Bref, le

monde...

L’actualité internationale

en 30 secondes.

CANADA – Incarcérée pour avoir

brandi un drapeau arc-en-ciel lors

d’un concert de Mashrou’ Leila au

Caire, en 2017, la militante queer

égyptienne Sarah Hegazi s’est donné

la mort à Toronto, où elle vivait

en exil. Le leader du groupe de rock

libanais a exprimé son bouleversement

et sa colère. Son sentiment de

culpabilité aussi. «Dans mon optimisme

d’autrefois, j’ai eu l’illusion

que la musique pouvait changer le

monde», écrit Hamed Sinno, avant

de conclure sur un message aux

jeunes LGBTQ+: «Vous êtes la création

de Dieu, parfait·e·s, aimé·e·s.

Vous méritez mieux.» AG

C’est notre homme à Washington.

Richard Grenell incarne

tout ce dont les LGBTQ+ à travers

le monde peuvent rêver de la

part de l’Amérique: un soutien fort

pour la liberté. C’est ainsi qu’en 2019,

ce diplomate ouvertement gay au CV

impressionnant a pris la tête d’une

« initiative globale » pour décriminaliser

l’homosexualité dans près

de 70 pays. La grande idée! Mais à y

regarder de plus près, cette offensive

ressemble plus à une pitoyable opération

de pinkwashing.

Attardons-nous d’abord sur le

CV de Grenell. Le fringant Républicain

de 53 ans, diplômé d’Harvard,

a été porte-parole des États-Unis à

l’ONU, puis entrepreneur médiatique

avant de devenir le chouchou

de Trump, qui l’a nommé à un

poste-clé: ambassadeur à Berlin.

Dès son arrivée, il s’est mis à dos la

quasi totalité de la classe politique

allemande: tweets sexistes, remontrances

aux entreprises, critiques

de la politique d’Angela Merkel. « Je

veux absolument renforcer le pouvoir

des autres leaders conservateurs

à travers l’Europe », confiait-il

même à Breitbart News. Quitte à

frayer avec les très homophobes

régimes hongrois ou polonais.

En janvier 2019, le magazine

« Der Spiegel » publiait un portrait

gratiné du diplomate. Ceux qui le

côtoyaient soulignaient son ignorance

de l’Allemagne, de l’Europe et

de ses dossiers en général, ainsi que

sa «personnalité vaniteuse et narcissique,

qui balance agressivement,

mais peine à supporter la critique».

Bref, un Trump miniature.

« L’initiative globale pour la décriminalisation

de l’homosexualité »

était donc mal barrée, même si Grenell

bombait le torse dans une interview

au « New York Times », en avril.

Il prétendait que l’Amérique ne partagerait

plus de renseignements stratégiques

avec les 68 pays pénalisant

l’homosexualité. Pour cela, il pouvait

se targuer de sa nouvelle casquette:

celle du directeur du renseignement

national, un poste quasi ministériel.

Ces rodomontades ont été accueillies

avec un profond agacement par les

ONG, non consultées, pas plus que le

groupe de l’ONU chargé de promouvoir

les droits des LGBTI. L’initiative

US était d’autant plus malvenue que

la situation des minorités sexuelles

aux États-Unis s’est détériorée depuis

l’arrivée de Trump à la présidence. De

plus, la méthode musclée prônée par

Grenell était perçue comme contreproductive.

« Au lieu de se concentrer

seulement sur la décriminalisation

nous avons besoin de promouvoir

l’acceptation, la compréhension et

l’égalité », a rappelé Jessica Stern, de

l’ONG Outright.

Big flop

Quinze mois plus tard, il ne reste

pas grand chose de l’offensive lancée

par le diplomate américain. Les

alliés des États-Unis (Égypte, Arabie

saoudite, etc.) continuent de persécuter

les LGBTQ+ en toute impunité.

Certes l’Angola et le Botswana

ont décriminalisé l’homosexualité,

mais c’est le fruit de longues

procédures menées par des militants

locaux. Finalement, en juin,

Richard Grenell a été remplacé à la

tête des services de renseignements

au moment même où il quittait son

poste d’ambassadeur à Berlin. Mais

de l’avis des observateurs, sa carrière

est loin d’être finie. Surtout

si son mentor à la Maison-Blanche

s’arroge un second mandat.

Un projet de loi qui bannirait toute discussion du

genre dans les écoles et universités du pays a été

largement adopté par le parlement.

Pendant que le débat sur la prétendue

« théorie du genre » continue

d’empoisonner la politique

polonaise et que la Hongrie prive

désormais sa population trans du

droit à changer d’état-civil, un autre

pays succombe aux sirènes de l’ultraconservatisme.

Le Sénat roumain a

approuvé le 15 juin un texte inspiré

par l’Église orthodoxe et soutenu par

le puissant Parti social-démocate (très

conservateur au niveau sociétal) qui

interdirait toute discussion sur la

« théorie du genre » dans les écoles et

universités du pays. Seul le sexe biologique

devrait être pris en considération.

Au-delà, l’enseignement « porterait

atteinte aux normes morales ».

Identités effacées

Les organisations LGBTQ+ roumaines

ont exprimé leur indignation,

ainsi que leur inquiétude que ce projet

de loi « marginalise davantage la

communauté transgenre, qui souffre

déjà de discrimination ». Elles soulignent

aussi que le texte constitue

une violation de la liberté d’expression

et du droit à l’éducation, et

constituerait un recul dramatique

dans la lutte pour l’égalité des sexes

et contre le harcèlement scolaire,

notamment. « Je suis en colère, je me

sens effacée. L’État roumain me dit

que, en tant que femme trans rom, je

n’existe pas. Non, les politiciens n’ont

pas à décider de mon identité », déclare

Antonella Lerca Duda, membre

du comité de MozaiQ, dans un communiqué

de l’association.

Une pétition a été adressée au

président Klaus Iohannis. Issu du

parti libéral PNL, qui s’est majoritairement

abstenu lors du vote, c’est à lui

de ratifier le projet de loi. Mais selon

les médias locaux, il pourrait exercer

son droit de veto. C’est du moins ce

qu’espèrent les militants LGBTQ+. AG

Sarah Hegazi avait 30 ans © DR

ÉTATS-UNIS – La Cour suprême a

déjoué les pronostics en étendant la

protection des employé·e·s contre les

discriminations basées sur l’orientation

sexuelle et l’identité de genre.

Deux juges conservateurs se sont

ralliés à leurs collègues libéraux, au

grand dam de la Maison-Blanche. AG

ITALIE – Comme la Suisse, la Péninsule

tente de combler son retard

législatif. Le projet de loi contre

l’homotransphobie et la misogynie

devrait arriver au Parlement en

juillet. Son auteur, le député Alessandro

Zan, se prépare à une opposition

féroce. Il est déjà assailli de

menaces de mort. AG

4 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 5



Manif en faveur du mariage pour tous à Berne, en février 2019 © DR

Lisa Mazzone © DR

Actu suisse

« Il faut libérer chaque lettre de

l’acronyme LGBTIQA »

La Suisse se rapproche un peu plus du mariage égalitaire. Le projet

est entre les mains de la Chambre haute du parlement. Nous

pourrions être fixé·e·s au mois de septembre. Rencontre avec la

sénatrice genevoise Lisa Mazzone.

Propos recueillis par Guillaume Renevey

Après un large succès au Conseil

national, le projet de mariage

égalitaire passera les 10 et 11

août dans la commission compétente

du Conseil des États. Le sujet

sera donc débattu en plénière en septembre

et, espérons-le, voté dans la

foulée. Lisa Mazzone est une sénatrice

genevoise et vice-présidente

des Verts suisses. Elle s’est largement

engagée sur ce dossier, mais également

sur celui du changement de

sexe facilité auprès de l’état civil, qui

sera quant à lui abordé au National.

Entretien.

Le conservateur Conseil des

États sera l’épreuve du feu pour

le mariage égalitaire en Suisse.

Comment percevez-vous

les débats à venir ?

Notre chance, c’est que l’objet est

largement passé au National. J’ai

été renversée, très impressionnée

par ce résultat. On revenait de loin.

Ce résultat est aussi un message à

l’égard des sénatrices et des sénateurs.

Il est vrai que les rapports de

force sont beaucoup plus difficiles

dans la Chambre haute, notamment

sur des sujets de société. Nous pourrons

difficilement éviter des propositions

des rangs conservateurs pour

supprimer, par exemple, l’accès à la

parentalité, que cela soit la PMA ou

l’adoption. Il est encore trop tôt pour

dire si ces propositions pourront

trouver une majorité.

Quelle est la stratégie

aujourd’hui ?

Il faut commencer tout de suite le travail

de lobbying, de conviction. Tout

de suite et de manière soutenue. Il

faut bien avoir en tête que le National

a été très largement renouvelé lors des

dernières élections. C’est aussi le cas

du Conseil des États, mais pas forcément

pour le meilleur. Je siégeais à la

Chambre du peuple lors du passage

en commission du projet. Le travail

avec le PLR a été très constructif.

C’est ce qu’il faut que nous puissions

mettre en place aux États.

Il s’agit de faire comprendre

que nous sommes en retard sur

ces questions ?

Oui, il est plus que temps de se

mettre à niveau. Car il ne suffit pas

de décréter l’égalité. Il faut être

conséquent. L’enjeu sera aussi de

montrer que, dans la réalité, les

couples de même sexe ont et élèvent

des enfants et que tout se passe très

bien. C’est le moment de reconnaître

cette réalité et de donner les moyens

à notre pays de protéger ces enfants,

ainsi que leurs parents, au même

titre que les autres.

Les femmes ont été à l’avantposte

durant le travail parlementaire.

Quelle analyse peuton

en tirer ?

J’ai aussi observé cela en commission

du National.. Quand on a une

connaissance ou un vécu des discriminations,

quelles qu’elles soient, on

est plus sensible à leur élimination.

Surtout quand on parle du don de

sperme pour toutes. C’est une question

qui concerne les femmes, d’égalité

entre les femmes, puisque les

couples hétérosexuels y ont accès.

L’opinion publique suisse estelle

véritablement prête ?

J’en suis sûre. Je suis également sûre

que le parlement a été lent à le réaliser.

C’est regrettable. Le parlement

devrait avoir à coeur d’être le moteur

de l’élimination des discriminations

et de la poursuite des principes de

l’égalité. J’ai l’impression qu’il a

attendu le dernier moment, que la

vague le submerge et l’oblige à intervenir.

D’ailleurs, on observe que dans

tous les partis, il y a des personnes

concernées, ce qui a bien sûr permis

ce magnifique résultat au National.

Est-ce que le Conseil fédéral

fait son travail ?

Sur ce sujet, clairement non. Sur le

mariage égalitaire, il a tout laissé faire

au parlement. Sur le changement de

sexe facilité à l’état civil, le gouvernement

a déposé un projet en simplifiant

les procédures, mais l’introduction

du consentement parental

est un retour en arrière. Cela dénote

de la mécompréhension du sujet. Le

Conseil fédéral est beaucoup trop

attentiste. Vu les premiers succès sur

le mariage égalitaire, j’espère qu’il en

tirera les conséquences.

Le changement de sexe facilité,

parlons-en...

Ce qui m’a marquée dans le débat,

c’est la pathologisation de cette thématique.

Le vocabulaire y était très

médical, parfois inadéquat. Mon

sentiment c’est que nous avons

des blocages idéologique que nous

n’arrivons pas à dépasser. Au point

que, lorsque j’ai demandé de changer

le terme « sexe » par « identité de

genre », cela a été refusé. Cela n’aurait

rien changé sur le fond. Mais sur la

forme, pour certain·e·s, cela revenait

à reconnaître ces questions d’identité

de genre sous un prisme autre

que médical.

Le Conseil fédéral doit remettre

un rapport sur la question.

Je me réjouis de lire ce rapport. Il faut

rapidement avancer avec le projet

que l’on a sur la table de simplification

du changement d’état civil et

suivre les autres pistes, comme le

troisième genre, ou plus simplement

que nous n’ayons plus à inscrire le

genre dans l’état civil. Pour moi, on

pourrait sortir cela des éléments de

l’identité administrative.

Est-ce que la communauté doit

faire son autocritique et se mobiliser

aussi autour de la thématique

de l’identité de genre

de manière plus efficace ?

Je pense que c’est un projet de

société global de libérer tout le

monde des formes d’assignation. Je

trouve que les associations ont fait

un travail vraiment remarquable,

rusé et astucieux sur le plan tant

juridique que social, sur la question

du mariage égalitaire. Elles ont

su appuyer sur les bons boutons au

bon moment. Il faut prolonger cet

effort de groupe. C’est un bagage

précieux pour libérer les autres

lettres de l’acronyme LGBTIQA et

faire changer la société.

À l’image de Lynn Bertholet,

on se réjouit d’observer des

figures trans émerger sur la

scène nationale. Est-ce que

l’on peut espérer que cette

visibilité permette d’accélérer

les choses ?

Très certainement. Il faut amener

ces réalités dans le quotidien de

tout un chacun. Et montrer la diversité

de celles-ci. Mais la médiatisation

n’est pas une obligation.

L’espace public est très violent avec

tout ce qu’il ne comprend pas, il

faut aussi se protéger. Cela dit,

incarner les thématiques est extrêmement

précieux pour faire évoluer

les mentalités.

6 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 7



Actu pride

La Romandie tiendra sa fierté

à Genève en 2020

Appel aux témoignages,

aux dons et aux bénévoles

Pour alimenter le programme du Week-end des Fiertés,

deux appels à témoignages viennent d’être lancés, le

premier sur le racisme anti-Noir·e·x·s, le second sur le

confinement (lire page de gauche). Les personnes queer

noires et/ou racisées sont invitées à s’annoncer pour

témoigner, en lien avec le mouvement BLM. Les personnes

célibataires ou en couple LGBTIQ+ prêtes à partager leurs

expériences d’amour, de séparation, de sexe, de solitude ou

leurs rencontres durant le confinement sont aussi invitées

à s’annoncer.

Vous voulez témoigner ? Ecrivez sans plus attendre à

culturel@genevapride.com.

Les conséquences négatives du Covid sur notre

communauté sont également pécuniaires. Les difficultés

économiques que traversent les entreprises se reflètent

dans la recherche de soutiens financiers pour la Geneva

Pride. Pour que notre Week-end des Fiertés soit flamboyant

et pour préparer la Pride 2021 dans les meilleures

conditions, vous pouvez faire un don à l’association

Geneva Pride. Nous avons aussi besoin de bras pour

construire ces événements.

Rejoignez l’équipe des bénévoles sur genevapride.ch/

soutien

Défilé des fiertés à Genève 2019 © Laurent Guiraud

Sortez vos couleurs. Un week-end des fiertés est annoncé

du 10 au 13 septembre.

Par Anasta Tsingos

Une pride online

contre le racisme !

Pas de Semaine ni de Marche des Fiertés cet été à

Genève, la faute à corona. Mais la vengeance queer

est un plat qui se mange froid, et il sera copieux :

l’association Geneva Pride contre-attaque avec un Weekend

des Fiertés du 10 au 13 septembre 2020. La Semaine

et Marche des Fiertés aura bel et bien lieu, en été 2021.

Pour Mo Léonard, co-président de l’association, il

était essentiel de maintenir des festivités cette année

malgré le contexte sanitaire difficile. « Le confinement

a été synonyme d’isolement, de violences physiques et

psychiques pour de nombreuses personnes contraintes

de vivre avec des individus LGBTIQ-phobes. C’est essentiel

de nous retrouver cette année pour échanger sur

ces mois difficiles, montrer notre solidarité envers les

membres de notre communauté les plus précarisé·e·x·s

par la crise, et célébrer notre fierté queer. »

Un appel à témoignages vient d’être lancé pour parler

de nos expériences de confinement durant le Week-end

des Fiertés, mais également pour donner la parole aux

personnes queer noires ou racisées dans le contexte des

revendications Black Lives Matter (BLM - lire ci-après).

« Outre les conséquences du confinement sur notre

communauté, on doit occuper l’espace public cette

année pour des raisons politiques », précise Linn Molineaux,

également co-présidente. « Cette année, le mouvement

BLM a rappelé au monde la violence quotidienne

du racisme anti-Noir·e·x·s. Il est capital de dénoncer cela

et de visibiliser les personnes concernées au sein de notre

communauté. De plus, le mariage égalitaire est en discussion

au parlement, ainsi que la facilitation du changement

de sexe à l’état civil. Nous devons faire entendre nos

voix dans ces moments charnières pour que ces projets

passent la rampe. Et pas dans une version light ! »

Le Week-end des Fiertés se déroulera en pleine

session parlementaire, justement. Toutes les mesures

sanitaires seront prises pour protéger l’ensemble de la

communauté LGBTIQ+ qui y participera, ainsi que leurs

allié·e·x·s. Save the date !

« Pride was a riot led by queer and trans black people. »

Aux avant-postes de juillet, du 2 au 4 exactement, le

CRAQ (Collectif Radical d’Action Queer) organise la Pride

Against Racism. En empoignant l’actualité brûlante des

luttes antiracistes, l’évènement veut célébrer l’esprit

éminemment politique de la Pride, visibiliser les identités

queer et trans noires et racisées.

Au programme: discussions, performances, concerts,

DJx sets et VJaying ainsi que quelques surprises. Le tout

sera diffusé en livestream facebook. À noter que lors de

chaque livestream, l’événement partage le lien d'une

cagnotte paypal dont la totalité des fonds récoltés seront

reversés à des associations de lutte contre le racisme,

associations et collectifs de personnes noires et racisées,

LGBTIQA++ et réfugiées.

Plus d’infos : Pride Against Racism sur FB

8 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 9



Chronique genre

Mon corps

qui est

le bon

Notre chroniqueuse revient sur

son parcours de femme trans entre

refoulement et libération.

Par Lana Cueto

Portrait de Lana Cueto © Pauline Humbert

Parole de femme trans, je jouis depuis ma transition

d’un privilège que je n’aurais jamais soupçonné,

celui de me faire aborder régulièrement par des

questions qui ne se posent pas de prime abord. Bien

des inconnu·e·s m’ont par exemple demandé quel était

mon sexe avant mon prénom. C’est malaisant et un poil

incongru, ne trouvez-vous pas ? Parmi ces questions, il

s’en trouve une qui éveille en moi une réflexion de nature

profondément philosophique. Qu’est-ce que ça te fait

d’être née dans le « mauvais » corps ? Ce corps qui est le

mien, pourquoi serait-il le mauvais ? N’est-ce pas en effet

à travers lui que je vis et éprouve ma sensibilité trans ?

En supposant que je serais née dans le mauvais corps,

j’ai l’impression que ma puissance de vivre est tenue en

négation, comme si mon existence n’était qu’une erreur

dans la nature. Ma vie n’a toutefois rien d’un accident,

et si je suis née dans le mauvais corps, ne devrait-on pas

parler plutôt de corps social ?

J’ai appris, dès l’enfance, à porter mes inclinations

naturelles en méfiance, à refouler mon identité, parfois

même à m’en satisfaire et à apprécier de jouer des codes

de la performativité masculine. En mon esprit cependant

se jouait une sorte de contre-performativité mentale dans

laquelle je simulais une vie née dans le « bon » corps. De

quoi engendrer un sentiment de haine envers soi-même

et une sensation de mal-être, à endurer les souffrances de

cette dysphorie vécue en silence. Et pourtant, ce corps,

c’est celui qui m’a été donné par la vie, dans lequel ma

conscience s’éveille, stimulée par le monde qui m’entoure,

les êtres et les choses qui le composent, qui me composent.

Je n’ai pas choisi d’être qui je suis. En revanche,

j’ai choisi de le devenir. Mon corps était déjà tout par principe.

Par la transition, j’ai actualisé ma puissance interdite

afin qu’advienne mon être en totalité. Le geste trans est

une conquête existentielle et une réappropriation phénoménale,

la grande réconciliation entre mes polarités.

Jamais mon corps n’a été si bon, si bien et si beau. Mon

esprit a trouvé en ma chair son refuge comme d’autres

construisent des sanctuaires pour y déposer leur prière.

Entreprendre la transition a été un exercice de décolonisation

mentale, une insurrection philosophique. Ce

qui jadis constituait ma honte, mon vice et ma folie est

soudainement devenu ma fierté, ma vertu et ma clairvoyance.

Pour devenir qui je suis, il m’a fallu renverser

l’ordre métaphysique, et c’est dans un geste résolument

subversif que j’ai osé engendrer ma puissance interdite,

en commençant par un acte de langage, celui de dire je

en m’accordant elle, et d’éprouver cette conjugaison

sur mon épanouissement personnel. Se réapproprier le

monde – mon monde – commence toujours par le verbe,

car de lui la lumière procède. Telle est donc désormais ma

raison, guidée par le seul impératif que dicte la vie, celui de

vivre conformément à sa nature sensible. En renversant le

sens, j’ai contribué à me redéfinir en tant que substance,

enfantant ma propre renaissance. Quand je dis je suis une

femme, je le deviens, en tant que sujet politique, en tant

que trajectoire individuelle, en tant que corps, ce corps

qui à jamais sera le bon !

10 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 11



Tendances vacances

Swiss Summer Love

© Danielle Macinne © Savva Motovilov

Vallemaggia © Switzerland Tourism

Dans l’été pandémique, la Suisse regorge de promesses de rivières,

de trips trains et de coins de paradis pour réenchanter l’ici.

Quelques idées pour mieux rester.

Par Antoine Bal et Alexandre Lanz

«Sur la plage abandonnée,

coquillages et crustacés… »:

Brigitte Bardot à tue-tête dans

la playlist estivale, toit décapoté,

lunettes noires et cheveux aux vents

sous la visière, Info Route ne prévoit

pas de bouchons sur l’autoroute

de Soleil en direction du Sud de

la France. En tout cas, pas de ruée

annoncée quelques semaines après

le déconfinement post-Covid. Au

lieu de ça, de nombreux citoyens et

citoyennes suisses sautent sur l’occasion

de visiter leur si beau pays !

Pendant que certain·e·s optent

pour le camping-car pour sillonner

les routes bucoliques helvétiques,

d’autres font le choix des rivières et

des coins verts où respirer le bon air

à pleins poumons et, pourquoi pas,

faire des rencontres sympas entre

deux plongeons. En plus de votre

crème solaire et votre liste de bonnes

adresses, n’oubliez pas de glisser dans

vos bagages votre petit lexique en

« schwyzerdütsch » et en italien pour

dialoguer avec les habitants des cantons

alémaniques et du Tessin.

Quant aux excité·e·s de la fête, ils

ne seront pas en reste. Le bouche-àoreille

sera de mise afin de savoir

vers quelle forêt se diriger pour danser

dans les arbres jusqu’au bout de

la nuit. Soyez donc à l’affût, la prochaine

rave se passe peut-être près

de chez vous !

Et un site intéressant répertoriant les

hôtels avec la certification OutNow :

www.how.lgbt/outnow-certified

2020, l’année du camping-car

Dès les premiers signes estivaux

au début du mois de juin, les Grisons

et le Tessin se sont rapidement

profilés comme les destinations

phares en Suisse cet été. La plupart

des hôtels étant pris d’assaut dans

ces régions, la solution du camping-car

séduit familles et couples

cette année. Plus confortable que

le camping, il permet d’explorer

le pays dans le confort cosy d’une

maison à quatre roues dans un

esprit baroudeur. On adore ! Si les

ventes ont littéralement explosé il

y a quelques semaines, cela reste

très cher à l’achat. Et encore fautil

savoir où le stationner le reste

de l’année. Avec des propositions

dès 100 francs par jour, la location

demeure abordable pour deux personnes

ou plus. Notons qu’il est

parfois plus aisé de se rendre dans

une agence près de chez vous pour

obtenir les services recherchés et

les réponses à toutes vos questions

pour une première location.

Pour toute informations concernant

une location, rendez-vous sur le site

de référence mycamper.ch/fr

L’Allondon (GE), drague alluviale

Dans un petit coin de paradis coincé

entre les communes de Russin

et de Dardagny, l’Allondon se jette

dans le Rhône. Un savant équilibre

de mecs et de galets forme le biotope

bucolique de ce haut lieu de

cruising de la campagne genevoise.

Même les plus excités n’oublierons

pas leurs sandalettes d’eau, parce

que le spot naturiste se divise en

plusieurs petites zones qui obligent

à traverser les virages de la rivière

plusieurs fois. Et qu’à chuter pied

nus, l’air idiot cramé par le soleil

(crème !), vous finirez seul à lire « À

la recherche du temps perdu » dans

3cm d’eau... Prudence et discrétion

de mise, le naturisme étant officiellement

interdit dans le canton.

Accès CFF ligne Genève-La Plaine,

station Russin. Du village, suivre la

route des Molards sur 500m vers le

nord, puis le chemin descendant dans

le vallon, jusqu’à une petite station

hydraulique. De là, suivre les sentiers.

Schwarzwasser et Singine (BE),

gorges reculées

Une vingtaine de minutes seulement

de Berne en train régional vous sépare

de ces « eaux noires » très prisées

par les familles et les naturistes.

On y accède par un petit chemin

12 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 13



Vallemaggia © DR

sauvage, aussi protégé qu’encaissé à

travers roches et pinède. Une fois au

bord de l’eau, il faut serpenter environ

2 kilomètres. Car pris en sandwich

entre deux zones hétéro-nues,

le coin gay est un petit havre communautaire

aussi sexy que convivial,

où certains restent camper, sauvagement

bien sûr (attention, pas d’aménagement).

Respect et protection de

toutes les natures sont évidemment

les mots d’ordre.

Accès CFF depuis Berne par la

ligne S6, dir. Schwarzenburg.

Stations Schwarzwasserbrücke ou

Lanzenhäuser. On y accède aussi en

voiture par le côté ouest, avec parking

à disposition.

Werdinsel (ZH), oasis urbaine

Si les lacs vous collent la moue (hé

ho) ou que vous saturez de la Romandie

en général cet été, Zurich a

son oasis de nature très populaire,

un bain naturel idéal au beau milieu

de la Limmat. Cette petite île permet

d’échapper au ciment urbain sans

aller très loin, pour mieux y revenir.

À l’est, les familles, quelques aménagements

et ces fameux Schrebergarten,

ces petits bouts de jardin à louer

qui font frontière avec la partie ouest

beaucoup plus désirable : mélangées

mais très gay aussi, des grappes se

prélassent. On pique-nique, on se

baigne, on se met à poil. Il peut y avoir

du monde mais on trouvera toujours

un petit carré à soi. Ça drague aussi,

mais le cruising est devenu plus délicat

depuis que la ville a rasé les bosquets,

après les plaintes du voisinage.

Accès CFF en train depuis Stadelhofen

(ligne S5, 12 min), en tram (ligne 2 dir.

Altstetten, 24 min) ou bus 67 (15 min)

La Vallemaggia (TI), la magie

de la nature

Les habitués du Festival du film de

Locarno connaissent bien cette

vallée alpine longue de cinquante

kilomètres. Serpentant autour de la

rivière La Maggia qui se jette dans

le lac Majeur, de nombreuses plages

sauvages invitent à l’oisiveté en écoutant

l’eau ruisseler sur les galets. Un

décor enchanteur où la nature règne

en souveraine absolue. Au gré des petits

villages en authentique rustico de

pierre anciennes tels qu’Aurigeno, les

randonneurs en quête de calme et de

contemplation trouveront leur bonheur

dans ce coin du pays historique

et authentique. Un séjour idéal alliant

gastronomie simple et savoureuse

dans les grotti typiquement tessinois

et le rafraîchissement dans la rivière

et ses ravissantes cascades.

Accès CFF et en voiture facilités depuis

Locarno. Infos: ascona-locarno.com/

fr/esplora/vallemaggia

Le Doubs (JU), oublier le temps

Romantiques et suspendus dans

une intemporalité qui fait son

charme, les abords du Doubs se

déploient à proximité de la frontière

française. Caractérisée par

son paysage idyllique, la région

est propice à une cure de jouvence

sereine, loin du stress de la ville. Sa

flore et sa faune très riches invitent

au silence au fil de l’eau. Rivage rocheux

et plage de galets permettent

d’accéder aux eaux paisibles du Lac

des Brenets, situé un peu plus loin

dans le canton de Neuchâtel. Le

lieu est idéal pour une baignade

en eau libre dans le Doubs : ici, la

rivière entourée de falaises forme

un lac aux eaux tranquilles et invite

à la baignade.

Infos sur le site Jura Trois lacs : j31.ch

14 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 15



Les Brenets © DR

Sources de l'Allondon © DR

Christophe & Michel, Loisirs à la ferme © DR

La Grande Maison (VS), secrets

de montagne

« On aime faire découvrir des coins

moins connus des Suisses. » Voilà

tout l’intérêt d’opter pour l’expertise

locale de Pascal et Alain, les hôtes de

cette maison classée à Chandolinprès-Savièse,

dans la famille depuis

200 ans. Ces gars ont du goût : il faut

voir les douze chambres somptueusement

boisées qu’ils proposent, avec

vue sidérante sur la plaine du Rhône.

Un restaurant en salle voûtée, une

terrasse sur les vergers, un jacuzzi, et

même une scène, car ces amateurs

de théâtre invitent régulièrement

des compagnies pour des soupersspectacles.

Cette année, un festival

de petites formes, deux par soir sur

une semaine, du 7 au 11 juillet. Mais

la grande maison c’est surtout le nid

confortable duquel passer sa vie

dehors : sources d’eaux chaudes du

Val d’Hérens, randonnées loin du

tourisme habituel, du Torrent Neuf

à Ernen, jusqu’au col du Sanetsch,

et balades en vélo électrique. De

quoi bien pimper vos fessiers dans

les montées pour mieux déguster

ensuite…le meilleur du cru valaisan.

Et si vous êtes de l’hiver, sachez que

la Grande Maison a organisé la toute

première Gay Ski Week romande

avant la pandémie, et remettra le couvert

du 13 au 20 février 2021. Arosa n’a

qu’à bien se tenir : l’été sera valaisan,

ou ne sera pas !

Plus d’infos sur lagrandemaison.ch

Loisirs à la ferme (VD), luxe,

calme et cabanes perchées

Christophe Moos est agriculteur

dans sa ferme familiale à Cremin,

non loin de Moudon. Avec son ami

Michel, il a construit deux cabanes

perchées dans les grands noyers du

domaine en 2014. Salle de bains, toilettes

séparées, elles sont spacieuses

et tout-confort. Le succès est au

rendez-vous, la clientèle est sous le

charme, aussitôt fidélisée et friandes

des nombreuses activités proposées

autour de la ferme, comme le swingolf

ou les randonnées. Souhaitant

pouvoir assurer un accueil de qualité

et attentionné, le couple tient à

se limiter à ses deux lieux de location,

le premier étant parfaitement adapté

pour une famille de cinq personnes

et l’autre idéal pour un couple. Le

matin, ils préparent leur brunch

somptueux et passent du temps avec

les clients. « Nous sommes les papys

des enfants, explique Christophe

en riant. Ils disent à leurs parents

: On veut aller chez Christophe et

Michel ! » Loin d’eux également l’intention

de faire de leur histoire de

couple gay un argument marketing,

ils observent toutefois un engouement

de la part des couples de lesbiennes.

« La plupart sont devenues

des amies, elles adorent le côté nature

et les moments de partage avec

nous ». Il n’est pas trop tard, il reste

des places cet été !

Infos et réservations sur :

dormiralaferme.ch

Publicité

16 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 17



Tendances design

Dans l’œil

de VIU

Dans la pure lignée des

« success stories » qui

font la réputation prestigieuse

du design suisse,

la marque de lunettes

zurichoise VIU voit loin

et impose son style sur la

scène internationale.

Par Alexandre Lanz

Sangoku dans Dragon Ball © DR

Lamborghini © DR

Lego © DR

Christopher Reeve dans Superman © DR

Allier style, urbanité, qualité et

prix abordables tout en célébrant

la personnalité individuelle,

il fallait y penser: VIU l’a

fait. Brisant les codes des marques

de luxe, VIU se veut accessible pour

tous, en un clic ou au coin d’une

« shopping avenue » à Londres ou

au détour d’une rue lausannoise.

Nous sommes allés à la rencontre

de Fabrice Aeberhard, fondateur et

directeur de création de la marque,

pour lui poser quelques questions,

entre souvenirs d’enfance et métaphysique.

À 40 ans, le designer basé

à Zurich, né d’une mère française et

d’un père suisse allemand, jongle

entre différentes cultures qui ont

forgé son regard sur le monde.

360° - Y a-t-il un.e designer qui

vous a donné envie de faire ce

métier ?

Fabrice Aeberhard - À 18 ans, j’avais

lu une interview de Karim Rashid

(designer canado-américain d’origine

égyptienne, ndlr.) dans laquelle

il expliquait que chaque jour,

nous sommes en contact avec environ

500 produits sur le chemin du

travail et du retour, tous créés pour

le quotidien. J’ai compris ce jour-là

que le design industriel serait mon

futur métier.

Si vous n’étiez pas devenu

designer, que feriez-vous

aujourd’hui ?

J’ai toujours voulu être architecte,

c’est un métier très universel. Le design

industriel me permet aussi de

faire de l’architecture si j’en ai envie,

ce que l’inverse ne permet pas.

À quoi sert le design ?

À définir le monde. Le design peut être

une solution autant qu’une destruction.

Cela nous donne la possibilité de

repenser le mode de vie humain, car

nous avons besoin de la nature, mais

elle n’a pas besoin de nous.

Une pièce de design qui vous a

marqué ?

Pour moi, la création est directement

liée à la fonction. Quand je repense

aux jouets de mon enfance, LEGO

me saute immédiatement à l’esprit:

une petite pièce en plastique avec

un tel potentiel de création. C’était

mon premier contact avec un objet

qui donnait une multitude de

VIU Creative Director Fabrice Aeberhard © Sandra Kennel

possibilités. En terme de design pur,

je me souviens de mon premier couteau

suisse à l’âge de 7 ans, incroyablement

ingénieux. Et puis, d’un

point de vue plus personnel, il y a ce

petit pape que mon grand-père avait

créé à base de coquilles, duquel je ne

me sépare jamais. Il est magnifique.

Quelle est votre période de

design préférée ?

J’aime beaucoup la période des

années 1920 à 1950. Jean Prouvé,

Charlotte Perriand et Le Corbusier

ont défini une approche de création

très particulière. Créé vers 1880

lorsqu’on a commencé à introduire

de la création dans les machines,

le design industriel annonçait cette

volonté de savourer le moment, de

s’émanciper du rythme de six jours

de travail par semaine.

Une esthétique qui vous touche

particulièrement ?

La physique, la chimie, les mathématiques

et la géométrie m’ont toujours

beaucoup inspiré. La création

découle en grande partie des mathématiques,

ne serait-ce que pour gérer

les proportions.

Comment avez-vous commencé

à dessiner ?

Par le manga japonais. À 7 ans,

j’étais complètement accro aux Chevaliers

du Zodiaque et Dragon Ball

dans Club Dorothée. Cette esthétique

m’a aidé à comprendre le graphisme,

la 3D et les couleurs. Mon

père a travaillé pendant 16 ans pour

Sony et j’aime beaucoup la culture

et la tradition japonaise, je trouve ça

assez magique.

Qui était votre héros

de fiction ?

C’était Superman. Il volait avec

ses yeux laser et avait le don de

chauffer et refroidir les choses. Les

premiers films avec Christopher

Reeves sont tellement bien réalisés

qu’on y croit réellement.

Quel est votre émoi en terme de

voiture ?

Ma voiture préférée, c’est toujours

la même aujourd’hui. Il s’agit de la

Lamborghini Miura, produite entre

1966 et 1973. Elle est magnifique.

Vous en avez déjà conduit une ?

Non, elle coûte plus d’un million et

personne ne prêterait la sienne (rires).

Votre lien avec la mode ?

La grande différence avec le design

industriel, c’est l’effet « all about

now » de la mode. Je suis fasciné par

cette capacité de se réinventer tous

les trois mois avec une telle rapidité

de création. Je porte du Acne

Studios, Etudes, Dries Van Noten,

Martin Margiela, tout ce qui est sur

le fil du rasoir, mais avec un certain

classicisme. Encore une fois, j’aime

la fonctionnalité et le streetwear

amorce une phase très différente.

Au-delà des T-shirts et des hoodies,

on remarque plus de complexité, de

détails et d’éléments de haute couture.

Et la durabilité trouve enfin son

chemin dans la mode, pour aider à

changer la façon de consommer.

Quelle figure de la nature

représente la forme parfaite

pour vous ?

La forme naturelle la plus forte vient

des proportions du nombre d’or, il

s’agit de la recréation de la nature

en géométrie. Mais la forme parfaite

pour moi reste la sphère, c’est infini.

Elle a un pouvoir universel, c’est la

perfection en soi.

www.shopviu.com/fr_ch

18 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 19



« Pour qu’on puisse réaliser

ensemble la gravité

des choses, il est nécessaire

qu’il y ait une prise

de risque de ma part. »

Culture rencontre

Le goût du risque

Aurore Déon et Rébecca Chaillon © Cyrille Choupas

Rébecca Chaillon dans « Whitewashing » © Luca Ferreira

Radicales et subversives, puissamment intersectionnelles, les

performances de l’artiste française Rébecca Chaillon explorent

ses multiples identités : femme, noire, grosse, lesbienne, queer...

Par Annabelle Georgen

Sur la scène tendue de plastique

blanc du Flutgraben, une maison

d’artistes autogérée du

quartier berlinois de Treptow, Rébecca

Chaillon et sa complice Aurore

Déon sont deux femmes de ménage.

Elles nettoient, astiquent le sol à l’eau

de javel. L’odeur âcre du produit emplit

la salle. Puis Rébecca commence

à ôter ses vêtements un par un, les

utilisant comme des serpillères.

Une fois nue, le corps entièrement

maquillé de blanc, c’est elle-même

qu’elle frotte avec cette eau corrosive.

Dans cette performance intitulée

« Whitewashing », qu’elle est

venue présenter à Berlin dans le

cadre d’une série de manifestations

intitulée « Afropéennes – Afropäerinnen

», Rébecca Chaillon aborde plusieurs

vérités aussi douloureuses que

révoltantes sur les femmes racisées :

le fait que beaucoup de femmes

noires, dans nos sociétés majoritairement

blanches, soient reléguées à

des tâches socialement dévalorisées,

telles que les professions du secteur

du nettoyage et du soin, le fait que

certaines de ces femmes essaient de

« se blanchir », au propre comme au

figuré, dans l’espoir d’échapper au

racisme, ou encore leur manque de

visibilité dans les médias et les représentations

collectives.

Limite

L’eau de javel qu’elle utilise sur

scène est bien réelle. « Pour qu’on

puisse réaliser ensemble la gravité

des choses, il est nécessaire qu’il y

ait une prise de risque de ma part »,

explique la performeuse de 34 ans.

Pas étonnant quand on apprend

qu’elle a pour mentore l’artiste serbe

Marina Abramovitch, reine des performances

de l’extrême. Mais Rébecca

Chaillon confie pourtant avoir récemment

atteint une limite : « Au fur

et à mesure des représentations, ma

peau a commencé à changer de couleur,

à se tacher de jaune », expliquet-elle.

« Je ne pense pas que ça vaille

la peine de se détruire, surtout si c’est

pour jouer devant un public majoritairement

blanc. »

« Whitewashing » est une sorte

de galop d’essai pour une création

à venir : « Carte noire nommée

désir », une pièce de théâtre qu’elle

est en train de monter avec sa

compagnie, Dans le ventre, dont le

titre est emprunté à une vieille pub

pour le café diffusée à la télévision

française dans les années 1990, qui

convoquait plusieurs stéréotypes

racistes pour vendre du rêve et du

café moulu. La première est prévue

pour le printemps 2021.

Le cheval de bataille de Rébecca

depuis quelques années, c’est la lutte

contre le racisme. Un sujet que cette

fille de fonctionnaires martiniquais

née en France et qui a grandi en Picardie

a longtemps ignoré avant qu’elle

ne se prenne « une grosse claque »

durant le tournage du documentaire

« Ouvrir la voix » de la réalisatrice lesbienne

Amandine Gay, dans lequel

elle intervient. La militante afroféministe

lui a ouvert les yeux : « Avant de

la rencontrer, je pensais que le fait que

j’étais noire était plutôt à mon avantage,

que cela me rendait plus visible

dans le milieu du spectacle vivant »,

se souvient Rébecca. « Dans les entretiens

qu’on a eu pour le film, elle me

parlait de racisme systémique, d’exotisation,

de colorisme... Des mots

que je ne connaissais pas, ce qui faisait

que je demandais tout le temps

des explications. Et je me demandais

ce qu’elle devait vivre au quotidien

pour être aussi énervée, le cliché ! »,

s’amuse l’artiste.

Rébecca est venue à la performance

après des études de théâtre

à la fac. Elle se destinait à être prof,

« un métier viable », tout au mieux à

faire du doublage, « parce qu’[elle]

n’imaginai[t] pas [s]a présence

visible sur des écrans ou des plateaux

de théâtre ». Jusqu’à ce qu’elle

soit recrutée par une compagnie de

théâtre-forum pendant ses études,

enchaînant les cachets et gagnant

par là son statut d’intermittente : « La

légitimité dans le monde du spectacle

est venue par l’épuisement »,

commente-elle.

Viande crue

Très crues, au sens propre comme

au figuré, ses toutes premières performances

tournaient beaucoup

autour de la chair et de l’alimentation

: « Je suis partie de mon rapport

un peu boulimique à la nourriture,

de mon obsession pour la viande et

le poisson, des aliments qui représentent

l’énergie et la puissance. »

Elle se met par exemple en scène

en train de dépecer une dorade non

écaillée à mains nues, déclenchant

le malaise dans le public : « Cela

dit beaucoup de choses de voir

quelqu’un de gros manger sur un

plateau. C’est quelque chose que

les gens ne veulent pas voir », souligne

Rébecca. Elle se joue aussi du

politiquement correct. En incarnant

un personnage cannibale dans son

spectacle « Monstres d’amour », une

performance autour du thème de

« l’amour dévorant », dans lequel elle

ingurgitait des tranches de viande

rouge crue étalées sur le corps nu

de sa partenaire de jeu, blanche et

maigre, elle a aussi déclenché les

foudres de quelques afroféministes

lui reprochant de « s’auto-exotiser ».

Bien que son travail soit bel et bien

engagé, Rébecca revendique sa liberté

artistique : « Le principe n’est pas

de monter des spectacles pédagogiques

en faisant du politiquement

radical correct mon seul curseur de

création. Je ne peux pas tout régler

toute seule, ni répondre à toutes les

questions intersectionnelles. » En

attendant, elle aussi, à sa manière,

elle ouvre la voie.

Le site de Dans le ventre, la compagnie

théâtrale de Rébecca Chaillon :

dansleventre.com

Ouvrir la voix, le documentaire

d’Amandine Gay :

ouvrirlavoixlefilm.fr

20 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 21



Ci-dessus : Mariko Tamaki, page de droite : « Mes ruptures avec Laura Dean » © Éditions Rue de Sèvres

Culture bande dessinée

Échappée belle

Coup de cœur estival : le roman graphique « Mes ruptures avec Laura

Dean » raconte en creux la relation toxique dont tente de se défaire une ado

amoureuse d’une fille qui la mène par le bout du nez. Flashant, profond,

résolument queer et baigné de soleil californien.

Par Annabelle Georgen

Laura Dean, Laura Dean, Laura

Dean... Freddy a 17 ans et elle

est éperdument amoureuse de

Laura Dean, la fille la plus cool du

lycée. Avec sa gueule d’ange, son look

de garçonne et la réputation sulfureuse

qui la précède, Laura Dean n’a

eu qu’à planter ses yeux dans ceux de

Freddy un beau jour et lui balancer

quatre petites phrases bien senties

pour obtenir ce qu’elle voulait : « Je

vais te proposer d’aller au ciné. Et

tu vas dire oui. Et tu sais pourquoi

? Parce que je suis irrésistible. » Cela

fait maintenant un peu plus d’un an

que les deux adolescentes sortent

ensemble, mais Freddy a de plus

en plus de mal à croire à cet « ensemble

», tant leur relation vacille.

On dirait un château de cartes sans

cesse défait et remonté à la hâte. Car

Laura n’arrête pas de quitter Freddy

au gré de ses lubies, puis de refaire

irruption dans sa vie comme si de

rien n’était.

C’est d’une histoire d’amour

toxique dont il est question dans ce

beau roman graphique de la scénariste

de bande dessinée canadienne

Mariko Tamaki, mais c’est aussi celle

d’un affranchissement. Car l’héroïne

de « Mes ruptures avec Laura Dean »,

lasse d’être traitée comme une poupée

parmi tant d’autres dans le

royaume d’une enfant gâtée, taraudée

par la conscience douloureuse

de « la situation de plus en plus ridicule

qu’est la [s]ienne », comme elle

le dit elle-même, va trouver en elle la

force qui lui permettra de mettre fin

à ce cercle vicieux.

Regard fou d’amour

Les planches délicates de la jeune

dessinatrice américaine Rosemary

Valero-O’Connell donnent à ce roman

introspectif une touche tendre

et poétique. Elle a choisi de raconter

l’histoire en noir et blanc, en la

rehaussant de rose pâle de temps à

autre, illuminant certaines scènes,

comme en écho au regard fou

d’amour que pose Freddy sur Laura.

Elle parvient aussi, grâce à d’habiles

séquençages graphiques, à étirer

certains instants, à rendre certains

détails obsédants, restituant le vertige

du sentiment amoureux.

« Mes ruptures avec Laura

Dean » a aussi l’originalité de

faire de l’orientation sexuelle des

deux personnages un détail parmi

d’autres, ne requérant ni explications,

ni traditionnelle scène de

coming out vis-à-vis des parents ou

d’homophobie à l’école. Mariko Tamaki

a préféré se concentrer sur le

caractère universel de cette passion

adolescente. L’histoire peut aussi se

lire comme une ode à l’amitié, cette

autre forme d’amour que Freddy

va peu à peu redécouvrir au fil du

roman. Dans un monde idéal, ce

livre au fort potentiel émancipateur

devrait traîner dans beaucoup

de chambres d’ados. Et il est aussi

à conseiller aux adultes, une piqûre

de rappel ne pouvant pas faire de

mal. Parce qu’on a tout·e·s croisé un

jour une Laura Dean.

« Mes ruptures avec Laura Dean », de

Mariko Tamaki et Rosemary Valero-

O’Connell, éditions Rue de Sèvres, 304

pages.

22 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 23



24 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 25



Culture cinéma

Une romance

rétro signée Ozon

Felix Lefebvre et Benjamin Voisin dans « Été 85 » de François Ozon © DR

Avec « Été 85 », histoire d’amour entre deux garçons en Normandie,

l’éclectique réalisateur français change à nouveau de registre.

Par Edmée Cuttat

Le nouveau film de François Ozon,

« Été 85 », aurait dû être présenté

en compétition sur la Croisette en

mai dernier. Victime du coronavirus, il

est dorénavant labellisé Cannes 2020.

Après « Grâce à Dieu », remarquable

fiction traitant des abus sexuels dans

l’Église catholique qui lui avait valu

le Grand Prix de la Berlinale 2019, le

cinéaste de 52 ans change radicalement

de registre.

C’est une constante chez cet

auteur d’une quarantaine de métrages,

longs et courts. Soucieux de

construire une œuvre en évitant de

se répéter il ne cesse de surprendre

en passant du fantastique au musical,

de la comédie au drame, du thriller

au mélo. Ouvertement gay, aussi

éclectique que prolifique, Ozon fait

de la sexualité, de l’ambivalence, de

la subversion des normes sociales ses

thèmes privilégiés.

« Été 85 » est adapté de « La danse

du coucou » du Britannique Aidan

Chambers, que le cinéaste de 52 ans

avait adoré en le lisant il y a 35 ans.

Il replonge dans l’année de ses 17

ans pour raconter la rencontre entre

deux jeunes gens dont les destins se

croisent sur une plage de Normandie.

Lors d’une sortie seul en mer, Alexis,

16 ans (Félix Lefebvre), est sauvé du

naufrage par David, 18 ans (Benjamin

Voisin). Alexis (désormais Alex),

qui se pose des questions existentielles,

pense avoir trouvé l’ami de ses

rêves. Il va les vivre intensément pendant

six semaines. 60’480 minutes et

3’628’800 secondes qui vont le révéler

à lui-même. Comme il le dit, la seule

chose qui compte, c’est d’échapper à

son histoire.

Frivolité rebelle

Avec la musique de The Cure, les cassettes

audios, les bagarres, les chevauchées

à moto, les fêtes foraines,

les boîtes de nuit et un pacte délirant,

le film sensuel, érotique, évoque une

idylle entre deux garçons sans pourtant

que l’homosexualité soit un enjeu

majeur. Le problème est ailleurs.

Séducteur, désinvolte, frivole, rebelle,

David ne veut appartenir à personne.

Il aime le changement et craint l’ennui,

tandis qu’Alex, intelligent, doué

pour l’écriture mais physiquement

moins à l’aise, ne se rassasie pas de

la présence de l’être aimé. Jusqu’à

l’irruption de Kate (Philippine Velge),

jeune Anglaise très décontractée au

look de garçon manqué.

Mais si la situation peut sembler

classique, banale, l’un aimant

moins que l’autre et l’abandonnant

par caprice, François Ozon laisse

planer le suspense et le mystère dès

le début, entraînant le spectateur

sur de fausses pistes, contrairement

à l’auteur du livre. Côté comédiens,

Benjamin Voisin et Félix Lefebvre

sont excellents. À l’image de Valeria

Bruni Tedeschi en mère de David

extravertie, complice, follement

possessive, inspirée de la dévorante

Katherine Hepburn dans « Soudain

l’été dernier » de Joseph L. Mankiewicz.

Melvil Poupaud en professeur

un rien équivoque et Isabelle

Nanty, dévouée corps et âme à son

fils Alex, complètent le casting de

cette romance initiatique à l’issue

dramatique.

Sortie le 15 juillet.

26 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 27



Culture cinéma

Danseuse

en quête de

libération

Film incandescent

et complexe,

« Ema y Gastón » est

une surprise signée du

Chilien Pablo Larraín.

Culture cinéma

Émancipation

féminine en

Arabie saoudite

Médecin dans une petite ville

d’Arabie saoudite, Maryam

pose sa candidature à un

poste de chirurgien dans un grand

hôpital et doit se rendre à Ryad.

Mais, célibataire et faute d’une autorisation

de son père, on lui refuse le

droit de prendre l’avion. Révoltée, la

jeune femme décide de se présenter

aux élections municipales.

« The Perfect Candidate » est

signé Haifaa al-Mansour. Cette réalisatrice

saoudienne de 45 ans est

notamment l’auteur de « Wadjda »

(2013), premier long métrage officiel

produit par l’Arabie saoudite et

surtout réalisé par une femme. Avec

cette nouvelle histoire d’émancipation

elle témoigne, six ans plus

tard, des changements qui se sont

produits dans son pays. Symbole

de cette transformation, le film

Nora Al Awadh dans « The Perfect Candidate » de Haifaa al-Mansour © DR

Dans « The Perfect Candidate », Haifaa al-Mansour

suit le parcours médical et politique semé d’embûches

de Maryam.

commence avec Maryam, au volant

de sa voiture, l’autorisation

de conduire ayant été délivrée en

2018. Et depuis août 2019, elles ont

entre autres le droit de voyager sans

l’accord d’un tuteur.

Mais en dépit de ces bouleversements,

les Saoudiennes craignent

encore de s’approprier ces nouvelles

libertés. D’où le désir de la cinéaste

de montrer le quotidien d’une

femme représentative de la mentalité

de ses congénères. Traditionnelle,

culturellement conservatrice, elle se

couvre les cheveux et le visage, mais

tentera de s’affranchir des restrictions

sociales pour mieux faire son

travail, tout en encourageant d’autres

femmes à se jeter à l’eau. EC

Sortie le 12 août.

Après sa trilogie sur la dictature

Pinochet et ses biopics sur

Pablo Neruda et Jackie Kennedy,

Pablo Larraín, grand réalisateur

chilien issu d’un milieu aisé et

fils de l’une des principales figures

du parti démocrate-chrétien, revient

au présent avec « Ema y GastÓn ».

Ce film incandescent, féministe, au

récit complexe, se déroule sur fond

de danse salvatrice. Ema (Mariana

Di Girolamo), danseuse, professeur

d’expression corporelle, et GastÓn

(Gael García Bernal), son mari chorégraphe

qui accompagne sa troupe

expérimentale, ont adopté Polo, petit

garçon colombien qui a vécu dix

mois avec eux. Ces deux êtres aux

caractères opposés sont débordés

dans leur tâche de parents. Après

que Polo a mis le feu à la maison,

Ema se résout à le rendre aux services

sociaux. Cet abandon et la tentative

de le récupérer mettent le couple à

rude épreuve.

Mêlant culpabilité, malaise, passion

et tension, Pablo Larraín nous

plonge dans un océan d’images et de

sons. Il nous entraîne dans une expérience

sensorielle en forme de ballet

sexuel et libertaire où la jeune Ema,

héroïne bouillonnante de passion et

d’énergie danse de toutes ses forces,

partant dans une sorte d’odyssée

sauvage à travers la ville en quête de

sa libération personnelle et éventuellement

d’une nouvelle vie. Suivant

Ema, les danseuses investissent les

places publiques, se déhanchant et

se pliant au rythme du reggaeton que

GastÓn déteste. EC

Sortie le 19 août.

28 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 29



Culture livres

Eros et Thanatos

Paul B. Preciado : « Je suis un

monstre qui vous parle » ; Grasset

«La psychanalyse freudienne

a commencé à

fonctionner à la fin

du XIX e siècle comme une

technologie de gestion de

l’appareil psychique « enfermé

» dans l’épistémologie

patriarcale et coloniale

de la différence sexuelle »

dénonce en substance Paul

B. Preciado. Après l’immanquable

Appartement sur

Uranus paru l’année passée,

nous retrouvons avec

délectation la pensée subversive

de Paul B. Preciado

qui publie ici un discours

prononcé devant une assemblée

de 3500 psychanalystes

et qui avait alors

provoqué un séisme dans

l’assemblée. Un petit livre,

mais de grandes idées, à

mettre sans hésiter sur sa

pile de lecture estivale !

Valentine Imhof : « Par les

rafales » ; Rouergue noir

Pour son premier roman,

Valentine Imhof,

s’attaque à un sujet

fort. L’auteure nous montre,

au travers de la fuite éperdue

d’Alex, son héroïne,

que le viol n’est jamais un

épisode dans la vie d’une

femme. Il tue et détruit,

définitivement et irrémédiablement.

Par les rafales

est un texte étonnamment

écrit, profond, rageur, où la

violence flirte avec la poésie,

où les mots ont un poids

incommensurable, et où

les corps en disent encore

plus long. La culture y est

omniprésente, musicale,

littéraire, picturale, mythologique.

Roman noir d’une

grande qualité où l’humain

prend le pas sur l’histoire,

c’est une véritable pépite à

ne pas laisser filer !

Transdessinée

30 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 31



Gaymap théâtre

Trois petits tours

et puis s’en vont…

Le Théâtre de Vidy sort de la pandémie

d’une pirouette magistrale grâce à

« Boîte noire - Théâtre fantôme pour

1 personne », émouvante création

de Stefan Kaegi

Par Katja Baud-Lavigne

Dans la vie, il y a ce que l’on anticipe. Et puis il y a

ce qui nous tombe dessus sans prévenir. Du côté

de Vidy, on avait bien prévu de baisser le rideau.

Au 1er septembre 2020, pour une durée de deux ans. Le

temps nécessaire à un sérieux lifting intérieur, la carcasse

du centre dramatique – construit en 1964 par l’architecte

Max Bill à l’occasion de l’exposition nationale –, devant

être préservée.

Mais voilà. Covid-19 oblige, le couperet tombe le 16

mars: tous les lieux de divertissement se doivent de fermer

leurs portes au public jusqu’à nouvel ordre. Le metteur

en scène Stefan Kaegi se trouve alors à Lausanne, en

train de répéter sa « Société en chantier », dont la première

doit se tenir trois jours plus tard sur les planches

de Vidy.

Compte tenu de la situation, il renonce à rentrer à

Berlin, où il vit habituellement. Comme tout le monde,

il prend son mal en patience. Il lit, cuisine et s’interroge.

Que reste-t-il du théâtre quand on ne peut plus le

partager physiquement ? « Avec ‹ Boîte noire - Théâtre

fantôme pour 1 personne ›, j’ai surtout cherché à recréer

tout ce qui m’a manqué ces trois derniers mois dans le

théâtre », confie le metteur en scène dans l’émission

« Vertigo ». « Parce que le live streaming ne le remplace

pas du tout. C’est trop bidimensionnel et pas du tout ce

que je recherche. J’adore les bons textes. Mais le théâtre,

c’est beaucoup plus que ça. C’est être avec des gens, des

odeurs, des hormones. »

De son côté, Vincent Baudriller, directeur du Théâtre

de Vidy, cherche une manière de continuer à faire vivre le

lieu. Quand Alain Berset annonce que les musées pourraient

rouvrir le 8 juin (date avancée par la suite au 11

mai), il y voit une occasion à ne pas manquer. « Nous

nous sommes dit qu’il fallait inventer quelque chose

qui permettrait d’ouvrir comme les musées, en attendant

qu’on puisse travailler normalement », confie-t-il

au journal « Le Temps ». « Stefan Kaegi était confiné à

Lausanne, je lui ai proposé d’imaginer un circuit pour

nous. »

Et parce qu’à quelque chose, malheur est bon, naît

alors un concept unique, qu’aucun théâtre ne peut se

permettre en temps normal: métamorphoser l’édifice

vide en héros représentatif d’une foule qui manque.

« Stefan Kaegi a visité le bâtiment dans tous ses recoins »,

poursuit Vincent Baudriller. « Il a été sensible à ses

odeurs, aux vestiges de ses créations. »

Si le théâtre est vide, on y croise pourtant beaucoup

de monde. Le foyer, la scène, les loges, la régie lumière,

tout bruisse encore des rires, des larmes et des applaudissements,

des critiques, du trac et des bravos. Qu’il soit

technicien·ne, comédien·ne, agent de sécurité, journaliste,

dramaturge, costumière, spectateur·trice, chaque

protagoniste a marqué les lieux de son empreinte.

Ces gentils fantômes ont d’ailleurs particulièrement

inspiré Stefan Kaegi. En s’appuyant sur un système binaural

– la technique de spatialisation sonore la plus

proche de l’écoute naturelle – il plonge son spectateur

dans un univers d’une réalité saisissante. Casque sur

les oreilles, le visiteur déambule dans les entrailles du

théâtre comme il se promènerait dans le jardin d’Alice

au Pays des Merveilles.

Lumières mouvantes, machine à fumée et petits systèmes

robotisés permettent de l’immerger un peu plus

dans ce monde parallèle où il fait bon flâner. De temps

à autre, quelques interactions lointaines avec d’autres

spectateurs sont possibles. Mais pas suffisamment pour

quitter sa bulle.

Et Vincent Baudriller de conclure sur les ondes de

Couleur 3 : « C’est un spectacle qui est né de ce moment

un peu inédit, qui en fait à la fois un spectacle de réouverture

post crise sanitaire et un spectacle d’au revoir à la

mémoire de ce bâtiment qui a tant de souvenirs depuis

une cinquantaine d’années ».

Au moment de refermer les portes de cette intense

expérience immersive, on ressent un petit pincement au

cœur, identique à celui qui point lorsque l’on referme la

maison de famille après de longues et belles vacances.

On sait que l’on reviendra, mais quand ? Avec qui ? D’icilà,

qu’est-ce qu’elle nous manquera !

« Boîte noire, Théâtre-fantôme pour 1 personne »,

de Stefan Kaegi. Jusqu’au 12 juillet au Théâtre de Vidy

Lausanne. vidy.ch

32 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 33



Gaymap jeu

Le disco quiz

des disco queens !

Dans votre salon, en forêt ou dans votre club préféré,

dansez maintenant ! Mais avant de retrouver

la piste, révisons les classiques du disco.

Par Alexandre Lanz

Survenu dans les années 70, le disco a trouvé son

essor dans les tribus invisibilisées jusqu’alors aux

États-Unis, la communauté afro-américaine et la

communauté LGBTQI+. Un peu comme si, grâce aux

rythmes disco, la résonance de leur voix était d’un coup

amplifiée. Le mouvement a eu son lot d’icônes. Qui sontelles

? C’est l’heure de tester vos connaissances !

Dancing Queen chez Heidi

Après les immenses succès, les tensions en coulisses et

la séparation d’ABBA, la brunette Anni-Frid Lyngstad

est venue s’installer en Suisse. Quel était son premier

domicile dans notre beau pays avant Zermatt ?

Zurich

Verbier

Montana

Fribourg

Disco Manifesto !

Dans son hymne « Your Disco Needs You » (2000), Kylie

Minogue s’égosillait dans la langue de Molière. Que

disait-elle ?

« Laissez-vous faire, suivez-moi sur la piste de

danse. Brûlons ensemble jusqu’au bout de la nuit,

votre disco a besoin de vous ! »

« Vous n’êtes jamais seuls, vous savez ce qu’il faut

faire. Ne laissez pas tomber votre nation, la disco a

besoin de vous »

« La disco a besoin de vous, vous avez besoin de

moi. Réunissons-nous dans la moiteur en rythme

jusqu’au bout de la nuit »

« Ralentissez et dansez avec moi, oui, doucement.

Sautez en rythme et bougez votre corps, oui,

doucement »

Les délires d’Amanda

Sans Amanda Lear, les années 70 auraient manqué de

glamour. Dans son sillage, la star traine une rumeur la

désignant comme une femme trans. Comment est née

l’histoire ?

Suite à sa rencontre avec Salvador Dali, qui lui

aurait payé les frais de son opération de transition

à Casablanca en 1963.

Fasciné par les médias, Andy Warhol adorait

lancer des rumeurs. Il avait affirmé dans une

interview qu’elle était le modèle de la pochette de

l’album « Sticky Fingers » des Rolling Stones. Celle

où le relief d’un jean usé laisse deviner la forme

d’un sexe masculin.

Elle l’a lancée elle-même : « Je l’ai fait non

seulement par pure provocation, mais aussi parce

que j’avais cette voix très grave qui laissait planer

le doute. »

De Coccinelle, une des premières femmes trans

connues du grand public, qui avait débuté sa

carrière sur la scène de Madame Arthur en 1953.

Abbamania

Benny Andersson et Björn Ulvaeus, les deux BB

d’ABBA refusent systématiquement que leur musique

soit samplée, à deux exceptions près.

Mis à part Madonna avec « Hung Up » (2005), qui

a eu cet honneur ?

Amanda Lear avec « Les Femmes » (1986)

Cher avec « Save Up All Your Tears » (1991)

Robbie Williams avec « No Regrets » (1998)

The Fugees avec « Rumble in the Jungle » (1997)

Donna dans tous ses états

En 1975, Donna Summer commettait « Love To

Love You Baby » avec la complicité du producteur

italien Giorgio Moroder, 17 minutes dégoulinantes

de sensualité torride. Quelle était la recette de ses

gémissements ultra suggestifs ?

Plongée dans l’obscurité en studio, elle a

enregistré sa voix allongée, « la main sur le

genou », précisera-t-elle. Pour être convaincante,

elle a pensé très fort à Marilyn Monroe et son

« incroyable » petit ami d’alors, Peter.

Ne parvenant pas à l’effet escompté, Donna

Summer avait accepté de se faire enregistrer

pendant son sommeil en studio. Le résultat est

sans appel.

Ancienne chanteuse de gospel, elle avait un

fétiche pour le costume de nonne qu’elle n’hésitait

pas revêtir en studio pour trouver l’inspiration

divine.

Friande de magazines porno gay, elle en prévoyait

toujours une pile pour se stimuler pendant

les sessions en studio.

La fureur de vivre

Souvent crédité comme l’un des inventeurs de la

musique électronique, Patrick Cowley est décédé à 32

ans chez lui à San Francisco en 1982, victime du sida.

Il laisse derrière lui un héritage disco unique. Quel est

son plus grand hit ?

« D.I.S.C.O »

« Menergy »

« Supernature »

« Pull Up to the Bumper »

The only gay in the Village

Lorsqu’ils décident de monter le projet Village People

à New York, les producteurs français Henri Belolo et

Jacques Morali publient une annonce en 1975.

Que disait-elle ?

Recherchons des stéréotypes de mâles américains

pour monter un groupe disco. Conditions : être

gay et savoir danser.

Recherchons désespérément acteurs porno gay en

quête de reconversion professionnelle dans la

musique.

Young Men’s Christian Association (Y.M.C.A) (ndlr.

Union chrétienne de jeunes gens en français)

recherche des volontaires pour la chorale de sa

crèche de Noël au Heaven.

Recherchons des machos pour un groupe

mondialement célèbre. Conditions : savoir danser

et porter la moustache.

L’écho sous hélium

Les frères Gibb, plus connus sous le nom de Bee Gees,

sont au disco ce que les Beatles sont à la pop : des

monstres sacrés. De la trempe de ceux qui marquent

l’histoire. Parmi les artistes suivants, qui n’a pas repris

leur hit « How Deep Is Your Love » ?

Take That

Beth Ditto

David Hasselhoff

Mina

Une chanteuse venue de l’espace

En 1977, accompagnée de ses trois danseurs B.

Devotion, une chanteuse française donne

le tempo disco dans ses micro shorts à paillettes

et ses combinaisons sexy argentées avec son hit

planétaire « Spacer ». Qui est-elle ?

Amanda Lear

Karen Cheryl

Sheila

Régine

Disco Star

« Le disco aurait mérité une meilleure appellation,

c’est une forme artistique magnifique. Tout le monde

devient une star en dansant sur du disco » Qui a dit

cette phrase ?

Cerrone

Patrick Hernandez

Grace Jones

Barry White

34 360° juillet-août 2020 - N°196

360° juillet-août 2020 - N°196 35



Gaymap jeu

Les réponses

du disco quiz

Dancing Queen chez Heidi

Fribourg

Disco Manifesto !

« Vous n’êtes jamais seuls, vous savez ce qu’il

faut faire. Ne laissez pas tomber votre nation,

la disco a besoin de vous »

Les délires d’Amanda

Suite à sa rencontre avec Salvador Dali,

qui lui aurait payé les frais de son opération

de transition à Casablanca en 1963.

Abbamania

The Fugees avec « Rumble in the Jungle » (1997)

Donna dans tous ses états

Dans la nuit noire dans le studio, elle a

enregistré sa voix allongée, « la main sur

le genou », précisera-t-elle. Pour être

convaincante, elle a pensé très fort à Marilyn

Monroe et son « incroyable » petit ami

d’alors, Peter.

La fureur de vivre

« Menergy »

The only gay in the Village

Recherchons des machos pour un groupe

mondialement célèbre. Conditions :

savoir danser et porter la moustache.

L’écho sous hélium

Beth Ditto

Une chanteuse venue de l’espace

Sheila

Disco Star

Barry White

36 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 37



© Pacifico Silano, de la série Elegy

to the Void, 2019

Gaymap expo

Photographier

le présent et

préfigurer le futur

© Rochelle Brockington, de la série Skin + Hair

Stock photos, 2018

des 35 ans du musée, reGénération 4 animera une dernière fois les murs de

son bâtiment avant son déménagement en 2021 sur le site de Plateforme

10. Contactés par le Musée de l’Élysée, les 180 photographes des éditions

précédentes ont soumis les candidats de la nouvelle édition. Parmi les

258 candidatures reçues, 35 travaux sélectionnés seront accrochés.

« En plus de découvrir de nouveaux talents et de réactualiser un

projet majeur pour l’identité du Musée de l’Elysée, reGénération 4 avait

pour ambition de nous faire réfléchir à la forme que doit prendre aujourd’hui

notre engagement pour la photographie et de remettre en

question nos pratiques muséales notamment dans les domaines de la

durabilité, de l’égalité et du numérique », explique Pauline Martin, cocommissaire

de l’exposition.

Autour de l’engagement de l’artiste et celui du musée se déploient

trois axes principaux inscrits dans leur époque : l’environnement, le

genre et le numérique. Notons les œuvres de Pacifico Silano qui explorent

l’identité LGBTQI+ à travers la culture du tirage imprimé en s’appropriant

l’imagerie des magazines porno gay des années 1970 et 1980. Des

collages saisissants qui attirent l’attention vers leurs surfaces. Pour celles

et ceux qui auront envie de prolonger l’expérience de l’édition 2020 dans

leur bibliothèque, signalons également le très beau catalogue de

l’exposition.

reGénération 4 – Les enjeux de

la photographie et de son musée

pour demain.

Musée de l’Élysée, Lausanne.

Du 1er juillet au 27 septembre.

Plus d’infos sur : elysee.ch

La 4 e édition de reGeneration au

Musée de l’Élysée à Lausanne questionne

quelques-unes des urgences

d’un monde en pleine mutation.

Par Alexandre Lanz

reGeneration est cet exercice de style qui nous

«

pousse, tous les cinq ans, à nous arrêter un instant

sur une création contemporaine effervescente pour en

extraire les enjeux majeurs, tant chez les artistes photographes

que pour un musée consacré à leur médium »,

se réjouit Lydia Dorner, co-commissaire de la quatrième

édition de l’exposition du nom.

Initié en 2005, le projet dédié à la photographie émergente

internationale est réitéré tous les cinq ans. L’année

38 360° juillet-août 2020 - N°196

360° juillet-août 2020 - N°196 39



Gaymap sorties

« Il b » prend

le large

Figure bien connue de la riviera

lémanique, Gilbert lance un nouveau

concept sur le lac. Hissez haut !

Le vagin star

de la night

et de l’écran

Amies du sexe féminin, une soirée

s’organise pour la sortie du projet

vidéo « vulvavagina ».

Depuis avril 1999, il b* est présent dans des lieux

branchés de la Riviera suisse. On ne peut donc que

se réjouir du lancement du nouveau projet porté

par Gilbert.

Vous avez toujours rêvé de prendre le large avec

capitaine et hôte d’acceuil ? Désormais, c’est possible

avec « the ilB Boat ». Des croisières sur mesure à bord

d’un élégant Nimbus 33 pour vous et 9 de vos ami.e.s

sont désormais accessibles à des prix abordables pour

un tel niveau de service. On retiendra tout particulièrement

l’offre de cet été : les afterwork sur le Léman. Pour

400 francs, vous pourrez aller taquiner les mouettes de

17h jusqu’au coucher du soleil.

Toutes les informations sont sur baretto.ch

Les Klamydia’s organisent le vendredi 17 juillet dès

19h une soirée « vaginight » sur le plaisir féminin en

partenariat avec Lestime*. Ce sera l’occasion pour

les Klamydia’s de fêter leur nouveau projet vidéo « vulvagina

» qui sera mis en ligne fin juin. Ce projet a été

élaboré notamment avec des collaborateurs-trices de

l’UNIGE et des HUG. Il est soutenu entre autres par la

Ville de Genève, Santé sexuelle Suisse, Lestime, et la fondation

Emilie Gourd.

Au programme de la soirée: quizz, modelages,

le film et la fête bien sûr !

Pour en savoir plus, rendez-vous su klamydias.ch

40 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 41



Fête de départ de Gilbert

du 1814@1321 Bar, Vevey

42 360° juillet-août 2020 - N°196 360° juillet-août 2020 - N°196 43



Gaymap plans

Genève

Servette

Les Grottes

Pâquis

Gaymap plans

Lausanne

Beaulieu

Flon

Centre

Sélection agenda

VENDREDI 17.7

Vaginight

Soirée informative et festive consacrée au plaisir féminin,

avec les Klamydia’s 19h @Lestime; 5 rue de l’Industrie

DU JEUDI 10 AU DIMANCHE 13.9

Week-end des fiertés

@Geneva Pride; plus d’infos sur genevapride.ch

REMONTÉE DE FIÈVRE

Avec la réouverture des clubs annoncée fin juin, 360°

Fever pourrait bien faire son retour cet été. Surveillez le

site 360fever.ch pour les prochaines dates !

St-Jean

Jonction

Centre

Plainpalais

Eaux-Vives

Champel

Sélection agenda

DU JEUDI 30.7 AU DIMANCHE 2.8

Bordello Summer Festival

Le mythique week-end de la fête nationale, sa croisière

sur le Léman (le dimanche) et ses dance parties au MAD,

avec mousse (le vendredi) ou sans (les jeudi et samedi),

restent à l’agenda de l’été clubbing helvétique. Mieux

vaut tout de même aller vérifier sur la page Facebook de

l’événement : facebook.com/bordello.gay.party.

Gare

Sous-Gare

Ouchy

Acacias

Carouge

Bars & Cafés

Purple Bar 25, rue de Monthoux

Le Déclic ★ 28, bd. du Pont-d’Arve

Le Phare ★ 3, rue Lissignol

Livresse ★ 5, rue Vignier

Nathan ★ 34, route de Frontenex

La Bretelle 17, rue des Etuves

La Ferblanterie

8, rue de l’Ecole de Médecine

La Petite Reine

15, place de Montbrillant

Clubbing

Chez Jean-Luc ★

Rue de la Cité 9

La Garçonnière

4-8, rue de la Rôtisserie

La Gravière

9, ch. de la Gravière

Restaurants

Le Bzoo 20, rue Voltaire

Café du Marché

16, av. Henri Dunant

Café Gallay

42, bd. de Saint-Georges

Kampai 25, rue de Monthoux

Le Boteco 12, rue Micheli-du-Crest

Le Cheval Blanc 15, place de l’Octroi

L’Appart 36, rue du Faucigny,

Annemasse (F)

Pâtisseries & Tea Rooms

Chez Quartier 24, rue Voltaire

Dubois 4, Carrefour Villereuse

Dubois 49, bd. Carl-Vogt

Saunas & Sex Clubs

Bains de l’Est ★ 3, rue de l’Est

Cruising Canyon ★ 15, rue Dr.

Alfred-Vincent

Sauna des Avanchets ★

av. Baptista, Vernier

Substation ★ 14, rue de Neuchâtel

King Sauna ★ 39, rue Jean-Jaurès -

Ambilly (F)

Octopus Sauna 15, rue de Narvick,

Annecy (F)

Shopping & Services

Case à Max (2nd hand)

19, rue de la Navigation

Fazio & Cie (menuiserie &

agencement) 26, rue des Vollandes

Le Bal des Créateurs (multistore)

25, rue de l’Arquebuse

Monsieur Alain (fashion)

63, bd. Saint-Georges

Vue des Bains (optique)

8, av. du Mail

OZ Wellness (sport-santé)

10, rue d’Italie

Etienne&Etienne (ag. com.)

30, rue St-Joseph, Carouge

Cumulus (BD) 5, rue des Etuves

Garçon Manquée (fashion)

31, rue St-Joseph

Livresse (librairie) 5, rue Vignier

Ciné 17 (cinéma)

17, rue de la Corraterie

Cinérama Empire,

72-74, rue de Carouge

Substation ★(Sex-shop)

14, rue de Neuchâtel

Coiffure, Beauté & Tattoo

Le Bal des Créateurs (multistore)

25, rue de l’Arquebuse

Trajectoire 9 (coiffure & beauty)

13, rue de la Filature

XXL barbier 5, rue de Genève

Annemasse (F)

XXL Coiffure 5, rue Adrien Ligué,

Annemasse (F)

Yashka 5, rue des Etuves (tattoo)

Santé

Checkpoint Genève ★ (hiv & sti

testing) 9, rue du Grand-Pré

Groupe Sida Genève (hiv support)

9, rue du Grand-Pré

AIDES Annemasse (hiv & sti testing)

11 Rue Paul Bert, Annemasse (F)

AIDES Ferney-Voltaire

(hiv & sti testing) 11, rue de Genève,

Ferney-Voltaire (F)

Pharmacie de l’Ecole-de-

Médecine 3, rue de l’E.-de-Médecine

Associations

Association 360 ★

36, rue de la Navigation

Dialogai ★ 5, rue du Levant

Lestime ★ 5, rue de l’Industrie

PVA (hiv support) 35, rue des Pâquis

Think Out ★ facebook.com/

ThinkOutThinkDifferent

Totem ★ federationlgbt-geneve.ch

Le Refuge ★

13, rue de la Navigation

Antenne LGBTI (LAB) ★

31, Avenue du Mail

Asile LGBT ★

36, rue de la Navigation

Parents d’Homos ★ gpeh.org

Epicène ★ epicene.ch

★ = Lieux et institutions LGBT

Bars

Le Saxo ★ 3, rue de la Grotte

GT’s ★ 5, avenue de Tivoli

Le Bar-Tabac 7, rue Beau-Séjour

Pin Up Bar 31, rue Marterey

La Couronne d’Or

13, rue des Deux-Marchés

Bourg 51, rue de Bourg

D3 9, place du Tunnel

Clubbing

GameBoy ★ c/o MAD

23, rue de Genève

GT’s ★ 5, avenue de Tivoli

Les Docks 34, av. de Sévelin

Restaurants

Auberge de Beaulieu

15, av.des Bergières

Café de Grancy

1, av. du Rond-Point

La Tonnelle 16, av. Mon-Loisir

Lausanne-Moudon

20, rue du Tunnel

Le Raisin Les Cullayes

Metropolis

20-22, rue Louis-de-Savoie, Morges

Hotels

Rainbow Inn ★ (guesthouse)

22, av. de Tivoli

Saunas & Sex Clubs

Pink Beach ★(sauna)

9, av. de Tivoli

Top Club ★(sauna)

6, rue Bellefontaine

Trafick ★(sex club)

22A, av. de Tivoli

Shopping & Services

7 e Ciel (sensual store) Galerie de

Bourg, 2 e sous-sol. 11, rue de Bourg

Contact auto moto (Driving)

57, rue de la Borde

Monsieur Alain (men’s fashion)

35, rue du Simplon

Pompes Funèbres (shoes)

8, place de l’Europe

Scorpion 18, rue de la Madeleine

Maniak (fashion)

4, rue du Port-Franc

Globus Voyages 26, rue de Bourg

Lemassage.ch Tazio Minotti,

1, rue Mauborget

Noémie Forlano (réflexologie)

2, place Bel-Air

Pierre Pantillon (massages-épilation),

c/o Sexopraxis,

7, Route de la Clochatte

Des Mélèzes (paysagiste)

18, ch. de la Foule, Croy

Un style de Vie (beauté)

9, av. Samson-Reymondin, Pully

Trafick ★ (sex shop)

22A, av. de Tivoli

Coiffure & Beauté

ABR ★ Rosina Fleury

7, ch. des Charmettes

Yookoso ★ Hair Design

74, rue Marterey

Casting 43B, av. de la Gare

Orange Hair 6, rue de la Barre

Tattoo & Piercing

Drop-In 7, rue du Maupas

Sam’s Piercing 8, Mauborget

Weirdiefox Tattoo ★

5, rue de la Plaine, Yverdon-les-Bains

Santé

Checkpoint Vaud ★

(hiv & sti testing) 22, rue du Pont

SID’Action (hiv support)

12, rue Etraz

Les klamydia’s ★ (santé femme)

klamydias.ch

Associations

Lilith ★ 60, av. Aloys-Fauquez

VoGay ★ 1, rue Pépinet

PlanQueer ★ planqueer.ch

Fondation Agnodice ★agnodice.ch

44 360° juillet-août 2020 - N°196

360° juillet-août 2020 - N°196 45



Gaymap plans

Berne

Länggasse

Lorraine

Gaymap plans

Et aussi !

Sélection agenda

SAMEDI 4.7

King Kong

22h @Gaskessel; Sandrainstrasse 25

MERCREDI 12.8

Willkommen in der Villa Bernau

18h30 @Villa Bernau; Seftigenstrasse 243

SAMEDI 22.8

Sommer Tolerdance (sous réserve)

22h @ ISC; Neubrückstrasse 10

Mattenhof

Centre

Sélection agenda

SAMEDI 11.7 / BÂLE

HRDR#7

23h @Stahlwerk; Hagenaustrasse 29

SAMEDI 1.8 / ZURICH

Hiveahkasha!

23h @Hive Club; Geroldstrasse 5

DU VENDREDI 4 AU DIMANCHE 6.9 / ZURICH

White Party Weekend «Diamonds»

by Angels @X-tra; Limmatstrasse 118

Tous les lieux

sympas de votre

Canton auprès de

votre association et

sur 360.ch/gaymap

Kirchenfeld

Bars & Restaurants

Blue Cat (café)

Gerechtigkeitsgasse 75

Comeback (bar) Rathausgasse 42

Du Nord (resto) Lorrainestrasse 2

Prima Luna (lounge)

Effingerstrasse 92

Lorraine (brasserie)

Quartiergasse 11

Marcel’s Marcili (restaurant)

Marzilistrasse 35

Adriano’s (bar) Theaterplatz 2

3gang (resto) Villa Stucki,

Seftigenstr. 11

Du Théâtre (Lounge Bar)

Hotelgasse 10

Saunas & Sex Clubs

Aqualis ★ Brunnmattstrasse 21

Sun Deck ★ Länggassstr. 65

Publicité

Shopping & Services

Pink Alpine (voyages)

Laubeggstrasse 54

Augenwerk (optic) Marktgasse 52

Créafloristique (fleurs)

Seftigenstrasse 68

Loveland (sex shop)

Gerechtigkeitsgasse 39-41

Planet Love (erotic)

Gerberngasse 36

Coiff your Success (coiffure)

Marktgasse 35 De Angelis (coiffure)

Marktgasse 56

Opera (coiffure) Gotenstrasse 4

Raaflaubs Family

Fashion (coiffure) Kornhausplatz 7

Uncut (Cinéma) C/o Kino Rex,

Schanengasse 9

QueerBooks, (librairie)

Herrengasse 30

Pigdreams.ch ★ (erotic)

Buchserstrasse 34, Aarau

Santé

Checkpoint ★ (hiv & sti testing)

Schwarztorstrasse 11

Associations

HAB ★ (organisation) Villa Bernau,

Seftigenstrasse 243

Pink Cross ★ (organisation)

Monbijoustrasse 73

LOS ★ (organisation)

Monbijoustrasse 73

Parties-Soirées

Frauenraum (Club)

c/o Reitschule, Neubrückstr. 8

ISC (Club) Neubrückstrasse 10

Kapitel (Club) Bollwerk 41, Bern

Du Théâtre (Club) Hotelgasse 10

Hôtels

Allegro Kornhausstrasse 3

Belle Epoque Gerechtigkeitsg. 18

★ = Lieux et institutions LGBT

Fribourg

Associations

Sarigai ★ (organisation) sarigai.ch

LAGO ★ (group) student.unifr.ch/

lago/fr

Santé

Empreinte ★

(hiv support + hiv & sti testing)

57, bd. de Pérolles

Jura

Associations

Juragai ★ (group)

16, rue de l’Eglise, Delémont,

juragai.ch

Santé

Groupe Sida Jura (hiv support)

6, route de Porrentruy, Delémont

Centre de santé sexuelle

(hiv & sti testing)

13, rue Molière, Delémont

Centre de santé sexuelle

(hiv & sti testing) 5, rue des Tanneurs

(Centre le Phénix), Porrentruy

Neuchâtel

Associations

Togayther ★ (group)

48, rue des Sablons, togayther.ch

Asile LGBTI+ ★

facebook.com/asilelgbtneuch

Arc-en-ciel ★

arcenciel-ne.ch

Santé

Générations Sexualités

Neuchâtel (hiv & sti testing)

18, Grand-Rue, Peseux

Valais

Associations

Alpagai ★ (group) 33, av du Ritz,

Sion, alpagai.ch

Santé

Antenne Sida du Valais romand,

8, rue de la Porte-Neuve, Sion

(hiv support)

SIPE Valais Monthey, Martigny, Sion,

Sierre & Susten (hiv & sti testing) www.

sipe-vs.ch

Hôtel

Les Mazots de la Source, Vercorin

La Grande Maison,

route du Sanetsch 13,

Chandolin-près-Savièse

Vevey-Riviera

Aebi Fleurs (fleurs)

1, rue de Lausanne

Chez moi (decoration)

5, rue du Centre

Evasion (boutique) 20, rue du Lac

Mario’s Piercing

& Tattoo Experience(body art)

23, rue du Conseil, Vevey

Le Goût du Voyage 18, rue du Lac,

Vevey (voyages-café bio)

B72 (coiffure) 3 rue du Léman

La Tour-de-Peilz

46 360° juillet-août 2020 - N°196

360° juillet-août 2020 - N°196 47



48 360° juin 2020 - N°195



Monde à l’envers,

tourne de travers, tout

à reprendre une maille

à l’endroit une maille à

l’envers. Envie de dire

la couleur du vent,

de sentir sur ma peau

la douceur de son souffle.

Envie de dire les sons

de l’onde, de me laisser

glisser dans le courant.

Envie de goûter aux

voluptés de l’heure

bleue, infiniment.

À mon Seul Désir

(extraits)

Chants nocturnes

Au Jour

le Jour

Par Greta Gratos

À

l’heure de cet été qui commence,

une simple question,

que j’imagine, de moi à toi, de

toi à moi. Toi que je n’ai vu-e que

virtuellement, depuis longtemps

maintenant, confiné-e-s que nous

étions, plus ou moins sévèrement.

Comment vas-tu ? Comment as-tu

traversé, traverses-tu encore, ces

événements ? Es-tu, comme moi,

fatigué-e nerveusement par ce

retour à ladite normalité, sa frénésie,

ses hurlances, ses vrombissements

? Te dit-on aussi que c’est ta

perception qui a changé, que c’est

évident, que c’est comme avant,

que tu as trop goûté aux voluptés

de ce ralentissement, aux chants

d’oiseaux, à l’air limpide, à ces ciels

si bleus, à ces paisibles instants ?

Avais-tu alors pensé que le Monde

freinerait sa course, ne pourrait

la reprendre comme avant ? Qu’il

allait changer, forcément ? Et moi,

l’avais-je envisagé ? Pas vraiment.

Même pas du tout, à aucun instant.

Observant les humaines

manières depuis longtemps maintenant,

aucune illusion rassurante

de ce genre n’a habité mon esprit.

Il m’était doux ce temps de confinement,

abstraction faite des chagrins,

des pertes, des annulations

d’événements, du manque de ces

magiques instants que je partageais

avec toi quand je montais sur scène.

Ma nature autistique a repris le dessus

et je peine à rejoindre ce Monde

et ce que ma chair perçoit, ressent,

comme une intrusion violente. Dès

mon apparition dans l’humaine

société, dès que mes yeux se sont

ouverts sur ses pratiques, j’ai réalisé

qu’il me faudrait, au même titre

qu’une étrangère hors de sa terre

natale, m’adapter à d’incessantes

contraintes. Mais j’avoue humblement

qu’en ces temps je peine. Et

pour toi, est-ce le cas ou est-ce tout

à fait différent ?

autoportrait d’après Pisanello - portrait d’une princesse d’Este

50 360° juillet-août 2020 - N°196

360° juillet-août 2020 - N°196 51



52 360° juillet-août 2020 - N°196

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!