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PharesDeCorse_extrait

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SOMMAIRE<br />

5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . INTRODUCTION<br />

8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I. ÉCLAIRER LA MER<br />

9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La recherche du lieu d’implantation<br />

11 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Première campagne de balisage de l’île<br />

12 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Seconde campagne de balisage de l’île<br />

15 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Emplacement des phares et principaux feux<br />

18. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . II. DES OUVRAGES TECHNIQUES<br />

18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Architecture<br />

18 . . . . . . . . . . . . . . . . . Le plan des cinq premiers grands phares<br />

20 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La construction des phares<br />

26 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La vie dans les phares<br />

30 . . . . L’entretien par le service des Phares et Balises<br />

34 . . . . . . . . . . . . III. LES GRANDS PHARES DE CORSE<br />

38 . . . . . . . . . . . . . . . 1. Le phare des Sanguinaires<br />

50 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Le phare de Pertusato<br />

58 . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Le phare de la Chiappa<br />

66 . . . . . . . . . . . . . . . 4. Le phare de la Giraglia<br />

78 . . . . . . . . . . . . . 5. Le phare de la Revellata<br />

88 . . . . . . . . . . . . . . . . 6. Le phare de la Pietra<br />

102 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7. Le phare d’Alistro<br />

110 . . . . . . . . . . . . . . . .8. Le phare des Lavezzi<br />

120 . . . . . . . . . . . . . . 9. Le phare de Senetosa<br />

132. . . . . . . . . . . IV. LES FEUX REMARQUABLES<br />

135 . . . . . . . Le feu de la citadelle d’Ajaccio<br />

138 . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de la Madonetta<br />

144 . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de Scoglio Longo<br />

148 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu du Dragon<br />

155 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu du môle Génois<br />

156 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de Capo di Feno<br />

162 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de Fornali<br />

166 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de Mortella<br />

170 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de Saint-Cyprien<br />

174 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de Capo di Muro<br />

178 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de l’écueil des Moines<br />

184 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le feu de l’écueil des Lavezzi<br />

189 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . GLOSSAIRE<br />

191 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . BIBLIOGRAPHIE


D’HIER À AUJOURD’HUI<br />

INTRODUCTION<br />

Les phares jalonnent tout le pourtour du littoral de la Corse et semblent<br />

y avoir toujours été présents, aux côtés des vénérables tours génoises.<br />

Ils restent cependant plutôt méconnus du grand public. Véritable patrimoine<br />

chargé d’histoire, ces ouvrages d’art, souvent érigés sur les plus<br />

beaux sites de l’île de Beauté, méritent pourtant tout notre intérêt.<br />

Il est étonnant de constater que si certaines régions adulent les phares<br />

jusqu’à les afficher partout et même en faire leur emblème, la Corse reste<br />

jusqu’à présent très détachée de ces ouvrages pourtant tout aussi vieux<br />

et importants qu’ailleurs, si ce n’est plus compte tenu de l’insularité.<br />

Il résulte de cet abandon moral un abandon physique laissant la plupart de<br />

ces bâtiments inoccupés depuis le départ des derniers gardiens. Les phares<br />

sombrent dans l’oubli alors que des associations se démènent ailleurs pour<br />

en avoir la gestion. Puisse ce livre impulser la réappropriation de ces lieux<br />

mythiques par la population.<br />

Mon métier d’ingénieur aux Phares et Balises m’a mené un peu par hasard,<br />

et non sans une certaine fierté, en plein cœur de ce monde fascinant. Étant<br />

par ailleurs passionné de photographie, le projet de consacrer un livre à cet<br />

univers devint rapidement une évidence 1 . Presque gardien de phare des<br />

temps modernes derrière un bureau, héritier d’un passé lourd d’histoire, je<br />

ne pouvais laisser dans l’oubli plus longtemps ces bâtiments indispensables<br />

à tant de marins, hier et encore aujourd’hui.<br />

Les technologies modernes les ayant parfois relégués au second plan, ils<br />

n’en restent pas moins essentiels, et il est temps de remettre sur le devant<br />

de la scène ces somptueux phares, restés presque intacts au fil du temps.<br />

Du moins en apparence, car cette fonction constante qu’est la signalisation<br />

maritime a connu un grand nombre d’évolutions au cours des deux siècles<br />

passés.<br />

La Corse compte aujourd’hui pas moins de 177 aides à la navigation sur son<br />

littoral, allant de la simple bouée au phare majestueux. Chaque ouvrage, du<br />

plus simple au plus imposant, possède sa propre histoire et ses anecdotes,<br />

mais s’il fallait balayer en détail chacun d’entre eux, ce livre ne serait<br />

qu’un tome parmi beaucoup d’autres. J’écarterai donc ici volontairement<br />

le balisage flottant (85 bouées) et les petits feux de port, tourelles en mer<br />

et autres ouvrages tout aussi importants pour la navigation mais d’une<br />

taille moindre (au revoir Pecorella, Guardiola, Campanina, Gargalo, Tignoso,<br />

Vecchiaja et autres édifices…). Les pages suivantes seront donc dédiées aux<br />

ouvrages significatifs, les grands phares évidemment, mais aussi les feux<br />

importants ou caractéristiques ainsi que certaines tourelles en mer méritant<br />

leur place ici en raison de leurs dimensions.<br />

1. Au cours de mes recherches dans les archives, j’ai pu observer que beaucoup d’affirmations sur<br />

les phares de Corse, que ce soit dans les ouvrages ou sur internet, étaient incohérentes, voire<br />

totalement fausses. Ce livre permettra, je l’espère, de rétablir la vérité sur ce sujet, même si<br />

certaines interprétations des archives peuvent évidemment toujours dévier de la réalité.<br />

7


I.<br />

ÉCLAIRER LA MER<br />

Depuis le célèbre phare d’Alexandrie,<br />

sur l’île de Pharos – qui a laissé son nom<br />

aux édifices actuels –, la mer<br />

n’a cessé d’être éclairée pour guider<br />

les marins à bon port.<br />

Sous l’Ancien Régime, de grands feux<br />

allumés dans des tours, les nuits de<br />

mauvais temps, guidaient les marins<br />

vers les ports comme cela a été le cas<br />

à Bastia.<br />

Bien que de nombreuses cartes et autres plans<br />

du XVIII e siècle montrent des tours s’apparentant<br />

à des phares dans les différents ports de Corse,<br />

aucune politique générale n’est encore en place<br />

à cette époque. Service public par excellence, d’ouvrages<br />

et d’hommes veillant en permanence à la sécurité<br />

d’autres hommes, il faut attendre la loi du 15 septembre<br />

1792 pour que l’État français fasse de la signalisation<br />

maritime une mission régalienne. Il en découle la<br />

construction d’une vingtaine de phares jusqu’en 1800,<br />

allongeant la liste de la quinzaine qui existait déjà, principalement<br />

sur les côtes atlantiques. Le phare de Planier,<br />

au large de Marseille, était en effet le seul grand phare<br />

méditerranéen antérieur à cette époque.<br />

Prenant conscience, lors de ses multiples traversées<br />

Corse-Continent, de la nécessité d’un balisage maritime<br />

pour les intérêts militaires et commerciaux, un Ajaccien<br />

connu sous le nom de Napoléon Bonaparte désire<br />

alors instaurer un programme de balisage des côtes<br />

françaises et un service de surveillance performants.<br />

Il concrétise ce souhait en créant par décret, le 7 mars<br />

1806, le premier service central des Phares et Balises, en<br />

charge d’éclairer l’ensemble des côtes françaises. Cette<br />

nouvelle administration, alors dirigée par un certain<br />

Augustin Fresnel, fut rattachée à la direction des Ponts<br />

et Chaussées dépendant du ministère de l’Intérieur.<br />

Cinq ans plus tard, en 1811, la Commission des phares<br />

fut créée avec pour objectif de jalonner toutes les côtes<br />

françaises de phares de premier ordre afin de faire disparaître<br />

toute zone d’ombre pour les navigateurs. Ainsi,<br />

grâce aux cartes maritimes plus fiables et à la signature<br />

Des tours génoises<br />

sur le pourtour de l’île,<br />

premier balisage des côtes corses<br />

La période ayant probablement connu le jalonnement<br />

le plus uniforme sur le pourtour de l’île fut<br />

l’ère génoise. La navigation y était alors très importante<br />

avec l’essor du commerce maritime.<br />

La menace d’incursions hostiles planant toujours<br />

sur les côtes de l’île, un dense réseau de tours fit son<br />

apparition sur tout le littoral corse. À la fois tours de<br />

défense, vigies de surveillance du trafic maritime<br />

pour collecter les taxes ou avertir d’un navire ennemi,<br />

ces tours servaient aussi d’amers* voire de feux<br />

certaines nuits, faisant de la Corse une des îles les<br />

mieux balisées de l’époque.<br />

lumineuse de chaque phare, il serait possible de se positionner<br />

assez précisément dès lors qu’au moins deux<br />

signaux lumineux seraient aperçus à l’horizon.<br />

Ce gigantesque chantier put débuter en 1825, grâce<br />

aux progrès techniques dus à Augustin Fresnel en 1822<br />

qui permirent de réduire considérablement la taille des<br />

optiques* 1 , et sur la base du rapport du contre-amiral<br />

Rossel, intitulé « Exposition du système pour éclairer<br />

les côtes de France », planifiant la construction d’une<br />

cinquantaine de grands phares et d’une quarantaine<br />

de feux de ports sur les côtes continentales. Une trentaine<br />

de tours de 20 à 50 m sortirent alors de terre et<br />

une centaine d’éléments optiques complexes furent<br />

fabriqués afin d’équiper ces ouvrages d’art.<br />

1. Les mots suivis d’un astérisque (*) sont définis dans le glossaire p. 189<br />

8


À Bastia, le premier phare de Corse photographié en 1865, peu avant sa destruction<br />

(cliché Miguel Aleo – Bibliothèque patrimoniale de Bastia).<br />

L’ancien phare de Bastia<br />

Chaque feu dispose donc déjà de sa signature lumineuse,<br />

un rythme qui lui est propre sur un secteur donné, allant<br />

du feu fixe au feu rythmé, grâce à d’énormes optiques*<br />

à huit ou seize pans tournant plus ou moins rapidement.<br />

Alors que les ouvrages s’élevaient vers le ciel les uns<br />

après les autres sur le continent, la Corse, française<br />

depuis seulement une cinquantaine d’années, fut alors<br />

quelque peu délaissée.<br />

Avant 1800, seul le phare de Bastia est en fonctionnement<br />

sur l’île, premier et unique classé comme tel à<br />

cette époque. Dans une belle tour circulaire de 12 m<br />

de hauteur surmontée d’une lanterne* sont installés un<br />

candélabre et un système de réflecteurs métalliques.<br />

Le décret impérial du 7 mars 1806, demandant aux<br />

ingénieurs des Ponts et Chaussées en poste en Corse<br />

un recensement de tous les ouvrages de signalisation<br />

maritime, ne fait remonter pour toute l’île que ce phare<br />

ainsi qu’une bouée en place sur l’écueil de la citadelle<br />

d’Ajaccio.<br />

La recherche du lieu d’implantation<br />

En février 1833, Léonor Fresnel, frère et successeur<br />

d’Augustin à la mort de celui-ci, est le premier à<br />

proposer un programme cohérent d’implantation de<br />

phares de premier et second ordre en Corse. À l’occasion<br />

d’échanges sur la rénovation du phare de Bastia, Léonor<br />

Fresnel évoque déjà certains emplacements des futurs<br />

phares : la pointe du Cap Corse, le golfe de Calvi, l’entrée<br />

Le phare de Bastia était présent avant 1800 à l’extrémité<br />

de l’ancien môle* Génois du port. Il fut le<br />

premier phare à être édifié en Corse, bien avant tout<br />

programme national. Cet ancien édifice fit l’objet<br />

de nombreuses modifications et modernisations,<br />

notamment en 1807 et 1833 pour les plus importantes<br />

(tour, lanterne*, source lumineuse…).<br />

Le 19 septembre 1837, une grande pétition fut rédigée<br />

par les marins et armateurs de la ville demandant que<br />

ce phare soit allumé toute l’année au lieu de neuf mois<br />

sur douze. Cette prise de conscience impulsa, entre<br />

autres, le programme d’illumination de l’île, la signalisation<br />

maritime étant déjà jugée totalement arriérée<br />

par Léonor Fresnel en 1833.<br />

En 1859, un projet de modernisation du port fut<br />

réalisé, impliquant la construction d’un quai et d’un<br />

mur abri sur le môle* du port de Bastia alors prolongé<br />

(aujourd’hui encore nommé môle* Génois). En<br />

raison de cette modification du port, le phare de<br />

Bastia se retrouva au milieu du môle*. Il fut donc<br />

détruit et remplacé par un nouvel ouvrage dans la<br />

citadelle de la ville.<br />

du golfe d’Ajaccio, les îles au sud de Bonifacio et les<br />

ruines d’Aleria.<br />

Il faudra pourtant attendre la loi du 14 mai 1837 pour<br />

que le service national des Phares et Balises s’intéresse<br />

plus en détail aux côtes corses. Des crédits importants<br />

9


II. DES OUVRAGES<br />

TECHNIQUES<br />

Architecture<br />

Un phare n’est finalement qu’une source lumineuse<br />

portant suffisamment loin pour être distinguée depuis la<br />

mer. Plus sa portée doit être importante (en fonction du<br />

besoin nautique), plus la source doit être haute et puissante<br />

pour contrer la courbure de la terre et la déperdition<br />

dans l’air. Pour atteindre ces grandes portées, la<br />

solution technique fut donc de bâtir une tour très haute,<br />

au sommet de laquelle se trouve une source lumineuse<br />

focalisée sur l’horizon et rythmée par une optique*<br />

à plusieurs lentilles. Comme, il n’y a pas si longtemps<br />

encore, la lumière devait être allumée, entretenue et<br />

éteinte par un voire plusieurs gardiens, un logement<br />

était aménagé dans la construction.<br />

Cette vision simplifiée décrit ainsi le plan type d’un<br />

phare et permet au passage d’expliquer pourquoi les<br />

phares de Corse peuvent sembler plus petits que leurs<br />

cousins d’Atlantique. Là où, dans les régions de plaines<br />

à fortes amplitudes de marées, il est nécessaire d’ériger<br />

des tours très hautes pour atteindre des portées importantes,<br />

en Corse, le relief des côtes permet d’implanter<br />

les phares sur des terrains suffisamment en altitude<br />

pour éviter la réalisation d’ouvrages colossaux.<br />

Le plan<br />

des cinq premiers grands phares<br />

Une fois l’emplacement précis des différents sites arrêté,<br />

il fallut se pencher sur l’ouvrage en lui-même. L’ingénieur<br />

en chef de Corse, M. Fourier, sollicita les conseils de<br />

Léonor Fresnel pour l’érection des ouvrages. Ce dernier<br />

lui proposa de construire des édifices de petite taille,<br />

compte tenu du relief des côtes, et de faire en sorte<br />

que la source lumineuse soit suffisamment<br />

élevée pour que les phares de 1 er ordre<br />

aient une portée acceptable.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Coupe sur un phare type<br />

1. Coupole. 2. Lanterne : paroi vitrée surmontée de la<br />

coupole, protégeant l’optique et les autres éléments<br />

actifs du phare. 3. Soubassement de lanterne et balcon.<br />

4. Chambre de veille. 5. Tour. 6. Bâtiment abritant les<br />

logements, bureaux et salles des machines<br />

5<br />

Les plans du phare de la Revellata furent<br />

les premiers dessinés (le 1 er janvier<br />

1839) et déclinés ensuite pour les<br />

quatre autres phares corses. Rien ne<br />

fut réellement inventé pour réaliser ce<br />

projet primitif. Léonor Fresnel transmit<br />

à M. Fourier deux plans existants<br />

qui seraient aisément adaptables au<br />

projet d’illumination de l’île, compte<br />

tenu de l’altitude des emplacements :<br />

ceux du phare d’Hyères (Porquerolles)<br />

et de Fécamp (Cap Fagnet en bord<br />

6<br />

18


LE PLAN DES CINQ PREMIERS GRANDS PHARES<br />

Courrier de Léonor<br />

Fresnel à l’ingénieur local Fourier fournissant<br />

deux exemples de<br />

plan pour les phares de Corse.<br />

de Manche). Ces phares étaient tous deux<br />

situés au sommet de falaises et disposaient<br />

d’un bâtiment principal destiné à recevoir<br />

les gardiens et les éléments techniques de<br />

l’époque.<br />

Le phare de Fécamp fut quasiment<br />

cloné pour l’avant-projet du phare de la<br />

Revellata. Parmi les quelques adaptations<br />

du plan de 1834, on note par exemple<br />

la citerne déplacée sous la cuisine et<br />

les caves agrandies afin de pouvoir<br />

stocker l’huile de colza épurée servant<br />

à alimenter le feu dans des conditions<br />

optimales malgré le climat local.<br />

Plans du phare de l’île de Porquerolles<br />

au sud de Hyères.


II. DES OUVRAGES TECHNIQUES<br />

L’entretien par le service<br />

des Phares et Balises aujourd’hui<br />

L’âne des Lavezzi aidant les agents et gardiens des Phares et Balises à acheminer<br />

du matériel au phare depuis la vedette Îles Lavezzi, mai 1980.<br />

La signalisation maritime est encore à l’heure actuelle<br />

une compétence qui relève exclusivement de l’État.<br />

Les phares sont aujourd’hui toujours gérés et entretenus<br />

par les services des Phares et Balises, ces services ayant<br />

été rattachés à différentes entités au fur et à mesure<br />

des évolutions de la fonction publique. Ils sont maintenant<br />

intégrés sur chaque façade maritime à une DIRM<br />

(Direction interrégionale de la mer).<br />

Pour la Corse, le service des Phares et Balises de<br />

Méditerranée dispose aujourd’hui de trois<br />

centres à Ajaccio, Bastia et Bonifacio.<br />

Il existait une antenne à Calvi qui est<br />

maintenant fermée. Les agents de ces<br />

différents centres maintiennent en fonctionnement,<br />

entretiennent et dépannent<br />

tous les phares de l’île ainsi que les feux<br />

et bouées utiles à la navigation. Pour ces<br />

opérations, ce service dispose de tous les<br />

corps de métiers nécessaires : ingénieurs, techniciens,<br />

électriciens, soudeurs, peintres… Il bénéficie<br />

aussi de l’appui des marins de l’armement des Phares et<br />

Balises pour les accès maritimes, afin de pouvoir intervenir<br />

sur chaque partie de ces ouvrages à tout moment.<br />

Travaux sur la feu de Scoglio Longo, début 2020.<br />

Même si ce service n’a plus sa splendeur passée,<br />

en moyens humains ou financiers, les Phares et<br />

Balises continuent à maintenir ce service public au<br />

prix parfois de quelques sacrifices (transfert d’ouvrages<br />

trop coûteux à entretenir, externalisation de chantiers…).<br />

Tant qu’il existera, les phares continueront de balayer<br />

l’horizon de leurs faisceaux.<br />

30


LES PHARES ET BALISES<br />

Le baliseur Îles Sanguinaires II, capable de lever des charges de 14 t, est le principal<br />

outil de travail pour l’installation et l’entretien de tout le balisage flottant de Corse.<br />

Test du feu de secours de Scoglio Longo,<br />

mars 2017.<br />

L’une des deux Aerowatt 1 100<br />

du phare des Lavezzi tombée<br />

en décembre 1980.<br />

Dépose<br />

de la lanterne du phare<br />

des Lavezzi le 21 septembre 1978<br />

Travaux sur la tourelle<br />

de Pecorella,<br />

le 24 novembre 1977<br />

31


III.LES GRANDS PHARES<br />

DECORSE


Les ouvrages présentés dans cette partie<br />

sont les phares réellement classés comme tels<br />

à l’heure actuelle. En effet, bien que pour le grand<br />

public il s’agisse d’un terme générique désignant<br />

toute tour supportant un système d’éclairage en bord<br />

de mer et servant à la signalisation maritime,<br />

il existe un certain nombre de critères fixés par<br />

l’administration française pour définir<br />

ce qu’est un « phare ». Ces édifices sont aussi<br />

les plus importants sur le plan architectural.


III. LES GRANDS PHARES DE CORSE<br />

L’imposante optique de Fresnel BBT de 0,30 m de focale,<br />

en place dans le phare de Pertusato.<br />

Qu’est-ce qu’un phare ?<br />

Pour être classé comme tel, un établissement de signalisation<br />

maritime sur support fixe doit comporter au moins deux<br />

critères parmi les quatre suivants :<br />

Fonction : établissement d’atterrissage ou de jalonnement<br />

Hauteur: établissement d’une hauteur totale au-dessus du sol<br />

de plus de 20 m<br />

Portée: établissement dont la portée est supérieure à<br />

20 milles (37 km)<br />

Infrastructure : établissement abritant en son enceinte un ou<br />

plusieurs bâtiments, et/ou établissement conçu pour être<br />

habité (c’est-à-dire anciennement gardienné).<br />

En Corse, seuls neuf établissements rentrent donc<br />

actuellement dans cette définition, à savoir la totalité des feux<br />

d’atterrissage* ainsi que quelques feux de jalonnement*. Ce<br />

sont ces ouvrages que nous allons aborder dans un premier<br />

temps. Les autres sont considérés comme de simples « feux »<br />

de signalisation maritime, même s’ils n’en demeurent pas<br />

moins des phares aux yeux de tous.<br />

Ancien classement des phares par portée mis en place par<br />

Fresnel et Arago<br />

• Phares de 1 er ordre, 32 milles (60 km), focale de 0,92 m :<br />

phares de pleine mer guidant la phase d’approche à la côte.<br />

• Phares de 2 nd ordre, 22 milles (40 km), focale de 0,70 m :<br />

phares ou feux indiquant les chenaux d’accès.<br />

• Phares de 3 e ordre, 15 milles (28 km), focale de 0,50 m :<br />

phares ou feux balisant l’entrée des ports.<br />

• Les plus petits feux sont classés en 4 e et 5 e ordre.<br />

Classement équivalent selon la fonction, encore d’actualité<br />

• Phares d’atterrissage* : ils permettent la reconnaissance<br />

sans ambiguïté de repères côtiers à la suite d’une navigation<br />

au large et de confirmer ainsi et éventuellement de préciser<br />

sa position. Le but principal est de signaler l’approche de la<br />

terre 1 et d’alerter sur la présence d’un ensemble de dangers.<br />

En cas de mauvaise visibilité, les phares d’atterrissage*,<br />

ayant une grande portée, vont permettre de prévenir<br />

l’approche des terres à courte distance, alors que les autres<br />

aides physiques à la navigation ne seront pas encore<br />

visibles.<br />

• Phares et feux de jalonnement* : ils permettent aux<br />

usagers, en zone côtière pour une navigation de transit<br />

ou d’approche, d’estimer à tout moment leur position<br />

par rapport aux repères locaux disponibles, donnant des<br />

informations directes et signalant d’une manière concrète<br />

les dangers ou les eaux saines. Ils précisent le tracé d’une<br />

route très fréquentée. De portée moindre, leur densité<br />

permet aux marins de toujours apercevoir plusieurs feux<br />

de jalonnement* en navigation côtière et de se positionner<br />

ainsi précisément par triangulation*.<br />

• Phares et feux d’entrée de port ou atterrage.<br />

1. Étymologiquement, l’atterrissage est le fait de rejoindre la terre ferme.<br />

En navigation maritime, c’est le moment où, sur un navire venant du<br />

large, le navigateur aperçoit la terre.<br />

36


QU’EST-CE QU’UN PHARE ?<br />

L’escalier du phare d’Alistro.<br />

37


LE PHARE<br />

DES<br />

SANGUINAIRES


Emblématique de la Corse,<br />

à l’entrée du golfe d’Ajaccio, au point<br />

culminant de l’île de Mezu Mare<br />

– la « Grande Sanguinaire » –,<br />

ce grand phare fut le premier,<br />

à proprement parler, sur l’île de Beauté.<br />

1.<br />

L’îlot de Mezu Mare, sauvage<br />

et magnifique, est la perle du<br />

golfe d’Ajaccio. On peut s’y<br />

rendre par bateau depuis le<br />

port ou la pointe de la Parata<br />

et ainsi découvrir le paysage<br />

idyllique dépeint par Alphonse<br />

Daudet en son temps. Cette<br />

île appartient au grand site<br />

Sanguinaires-Parata et fait<br />

partie du réseau Natura 2000.<br />

C’est en effet un havre de paix<br />

pour les différentes espèces<br />

d’oiseaux marins et sa flore<br />

offre un condensé d’espèces<br />

rares et endémiques. Une telle<br />

diversité concentrée sur une si<br />

petite superficie est d’autant<br />

plus remarquable. C’est ici, au<br />

sommet de ce petit paradis, que<br />

trône le phare des Sanguinaires.<br />

Sa construction fut arrêtée par<br />

la Commission des phares le<br />

13 juillet 1838 et son faisceau<br />

balaye l’horizon depuis le<br />

15 novembre 1844.<br />

<br />

Caractéristiques<br />

Classe : phare hauturier de transit<br />

Emplacement : côte nord de<br />

l’entrée du golfe d’Ajaccio. Au<br />

point culminant de la grande île<br />

Sanguinaire<br />

Fonction principale : atterrissage,<br />

grand atterrage<br />

Rythme : 3 éclats groupés blancs<br />

toutes les 15 s<br />

Portée actuelle : 24 milles (44,5 km)<br />

Altitude de la base : 83 m<br />

Hauteur de l’ouvrage : 18 m


III. LES GRANDS PHARES DE CORSE<br />

Chronologie<br />

Construction : 1838-1844<br />

Date d’allumage : 15 novembre<br />

1844<br />

Ingénieurs locaux : Berthelin,<br />

Fourier<br />

Ingénieurs centraux : Fresnel,<br />

Reynaud<br />

1 re optique* : 15 novembre 1844,<br />

optique tournante* en verre<br />

taillé de 0,92 m de distance<br />

focale*, feu fixe blanc varié par<br />

des éclats longs toutes les 4 min<br />

2 de optique* : 1 er juin 1904,<br />

optique tournante* en verre<br />

taillé de 0,70 m de focale, feu à<br />

3 éclats blancs toutes les 20 s<br />

(3 lentilles au 1/5 1 )<br />

Optique* actuelle : 1965, optique<br />

tournante* en verre taillé à<br />

6 lentilles au 1/6 de 0,50 m de<br />

focale, 3 éclats blancs groupés<br />

toutes les 15 s<br />

Cuve à mercure : 1904-2013<br />

Soubassement à billes : 2013<br />

Huile végétale : 1844<br />

Huile minérale : 1875<br />

Vapeur de pétrole : 1904<br />

Électrification : 1952<br />

Automatisation : 1984<br />

1. Une lentille ou plus généralement un<br />

panneau – pouvant être une lentille<br />

ou un pan opaque – est dit ouvert<br />

au 1/n lorsqu’il est vu de son foyer<br />

sous un angle de 2pi/n dans le plan<br />

horizontal. Ainsi, un panneau au 1/5<br />

couvre 72 degrés.<br />

Pour la construction de ce<br />

phare, deux emplacements<br />

furent envisagés. Celui de la<br />

petite tour génoise carrée,<br />

dite de la Petite Garde ou de Castellucciu,<br />

au sud-ouest de l’îlot. Mais<br />

ce bâtiment avait été construit sur<br />

un sommet si escarpé et resserré<br />

que l’on ne pouvait y placer sur<br />

un même plan les logements et<br />

magasins du phare.<br />

L’intérêt se porta par ailleurs sur<br />

l’ancienne tour génoise ronde, dite<br />

de la Grande Garde ou Sanguinare<br />

di Fuori, au nord-est de l’îlot. Bâtie<br />

en 1590 pour remplacer celle<br />

de la Parata et protéger le golfe<br />

d’Ajaccio, elle fut positionnée plus<br />

haut et sur un plateau plus large.<br />

L’ingénieur Berthelin, en charge<br />

du projet, proposa de réutiliser la<br />

tour génoise comme base du phare.<br />

Cette double circonstance, lieu plus<br />

adapté et tour réutilisable, emporta<br />

la décision. Acquisition fut faite de<br />

cet emplacement auprès du génie<br />

militaire, propriétaire de la tour à<br />

l’époque, qui posa ses conditions<br />

quant à la récupération de cette<br />

dernière. Elle devait rester accessible<br />

à l’armée. Un fossé de 4 m<br />

de profondeur devait être creusé<br />

40


LE PHARE DES SANGUINAIRES<br />

devant la porte et un pont en bois<br />

construit pour le franchir. Toutes les<br />

fenêtres devaient être équipées de<br />

barreaux et la plate-forme munie<br />

d’un parapet avec mâchicoulis.<br />

Finalement le projet original réutilisant<br />

la tour génoise ne fut pas<br />

retenu. Il ne reste de cette idée<br />

que les plans qui laissent entrevoir<br />

ce qui aurait pu être aujourd’hui<br />

un phare absolument unique. On<br />

retrouve tout de même sur ce phare<br />

des mâchicoulis, seule prescription<br />

du génie militaire respectée ou<br />

simple folie esthétique inspirée par<br />

l’ancienne tour génoise.<br />

Dans un souci d’harmonisation et<br />

de facilité, furent adoptés des plans<br />

déjà utilisés quelques années plus<br />

Ci-contre : Plan aquarellé du projet de phare réutilisant<br />

la tour génoise des Sanguinaires, 1 er août 1839.<br />

Ci-dessous : Plan aquarellé du phare des Sanguinaires,<br />

1 er août 1839. Ce projet sera adopté.<br />

Le phare équipé de sa seconde optique, juin 1959.<br />

Photo Toussaint Tomasi.<br />

tôt pour des phares du continent.<br />

Ainsi, en Méditerranée, on retrouve<br />

cette tour carrée sur soubassement<br />

carré servant d’habitation au cap<br />

d’Agde (1836), au cap Camarat<br />

(1837) ou encore à Porquerolles<br />

(1837), par exemple 1 .<br />

Quatre autres phares du littoral<br />

corse, contemporains de celui des<br />

Sanguinaires, possèdent une architecture<br />

identique à quelques particularités<br />

près.<br />

Lors du chantier de construction,<br />

entre le 18 novembre 1839 (date<br />

d’adjudication de l’entrepreneur<br />

Bernard Raimondi) et novembre<br />

1844, des navettes transportent<br />

les matériaux de gros œuvre<br />

depuis Ajaccio. Les pierres de<br />

taille proviennent de la carrière du<br />

Scudo, et les pièces spécifiques<br />

(lanterne*, optique*, support d’optique,<br />

mécanisme…) arrivent tout<br />

droit de Paris. Le tout est acheminé<br />

sur l’île par barges et monté au<br />

sommet de celle-ci à dos de mulet<br />

et bras d’homme.<br />

1. Voir « Le plan des cinq premiers grands<br />

phares », p 18.<br />

41


LE FEU<br />

DE<br />

LA MADONETTA


Ce feu d’entrée du port de Bonifacio<br />

est un joli bâtiment rectangulaire<br />

en maçonnerie blanche surmonté d’une<br />

tourelle carrée rouge. Il est situé à l’entrée<br />

du goulet de Bonifacio sur le promontoire<br />

d’un isthme calcaire rendant l’ouvrage<br />

particulièrement photogénique.<br />

2.<br />

Le site est accessible par la mer<br />

ou par la terre en empruntant<br />

une ancienne voie génoise<br />

allant en direction de Fazzio, à<br />

environ une heure de marche du<br />

port de Bonifacio.<br />

<br />

Caractéristiques<br />

Classe : feu hauturier d’approche<br />

Emplacement : à l’ouest de l’entrée<br />

du port de Bonifacio,<br />

sur les rochers de la pointe<br />

de la Madonetta<br />

Fonction principale : atterrage,<br />

latéral bâbord<br />

Rythme : 3 éclats groupés rouges<br />

Portée actuelle : 6,5 milles (12 km)<br />

Altitude de la base : 17,6 m<br />

Hauteur de l’ouvrage : 11,8 m<br />

Construction : 1852-1854<br />

Date d’allumage : 15 août 1854


IV. LES FEUX REMARQUABLES<br />

La construction de ce feu fut<br />

approuvée par la Commission<br />

des phares le 7 juillet 1850<br />

à la suite d’une doléance<br />

du conseil municipal de Bonifacio<br />

de septembre 1848. Les usagers<br />

souhaitaient un fanal à l’entrée du<br />

port de la ville qui, précieux refuge<br />

pour la navigation, n’était pas accessible<br />

de nuit et difficile à repérer de<br />

jour.<br />

La construction du fanal fut confiée<br />

à l’entrepreneur Toussaint Drago le<br />

26 octobre 1852. Ce dernier prit<br />

beaucoup de retard sur ce chantier<br />

isolé sur son rocher, souvent inaccessible<br />

par mer agitée. Les travaux<br />

s’achevèrent deux ans plus tard, le<br />

25 décembre 1854.<br />

Les roches constituant ce phare de<br />

4 e ordre proviennent de la carrière<br />

de granit de la Trinité, à l’intérieur<br />

des terres. À l’origine intégralement<br />

de couleur blanche, puis blanc à<br />

tourelle noire, cette dernière fut<br />

peinte en rouge après la guerre, pour<br />

s’adapter aux règles de balisage qui<br />

avaient été actualisées et impo-<br />

saient le rouge aux établissements<br />

bâbords.<br />

Lors de son premier allumage, la<br />

lanterne* est équipée d’un feu fixe<br />

blanc. Comme pour beaucoup de<br />

feux, un rythme lui fut donné afin<br />

qu’il ne puisse être confondu avec<br />

d’autres feux fixes d’éclairage urbain<br />

ou feux de mats. Bien que l’instruction<br />

de passer celui-ci en feu à<br />

occultations* régulières toutes les<br />

deux secondes fut donnée en 1929,<br />

cette modification ne fut réalisée<br />

qu’en 1951. Le feu est équipé encore<br />

aujourd’hui d’une optique d’horizon*<br />

en verre taillé de 0,1875 m<br />

de distance focale* au cœur d’une<br />

lanterne* à vitres rouges. La source<br />

lumineuse, comme toujours,<br />

autrefois alimentée à l’huile, à la<br />

vapeur de pétrole puis au gaz,<br />

est électrifiée à partir des années<br />

quatre-vingt à l’aide de panneaux<br />

solaires. Il s’agit aujourd’hui d’une<br />

DEL* rythmée de type V1.<br />

Initialement conçu pour recevoir<br />

deux gardiens, les deux seules<br />

pièces que comportait le feu de la<br />

Madonetta, tout comme celui de la<br />

Pietra, furent rapidement insuffisantes<br />

et, moins de trente ans après<br />

sa construction, le phare n’abritait<br />

déjà plus qu’un gardien. Par la suite,<br />

en toute fin de XIX e siècle, un agrandissement<br />

est réalisé, afin d’accueillir<br />

la famille de celui-ci.<br />

140


LE FEU DE LA MADONETTA<br />

Quoi qu’étonnant sur un édifice<br />

technique de l’État, dans la tour du<br />

feu, une niche abrite une statuette<br />

de la Vierge. Cette Madone, qui<br />

veille sur les marins des bouches,<br />

était déjà liée au rocher bien avant<br />

la construction du feu, comme l’indique<br />

si bien le nom de celui-ci. En<br />

effet, si son emplacement est stratégique,<br />

il a aussi une importance<br />

religieuse toute particulière pour<br />

les Bonifaciens et un oratoire était<br />

présent sur le rocher avant l’apparition<br />

de l’ouvrage. Les navigateurs<br />

quittant la protection physique<br />

du goulet ont bien besoin d’une<br />

protection spirituelle pour s’aventurer<br />

dans les bouches aux eaux<br />

meurtrières.<br />

Cette Madone, aujourd’hui indissociable<br />

du feu, n’était pas présente<br />

sur les plans d’origine. La niche<br />

n’était initialement qu’une fenêtre<br />

donnant sur l’escalier de la tour,<br />

comme on peut la trouver sur le<br />

phare de la Pietra dont le plan est<br />

identique. La transformation en<br />

niche encastrée fut réalisée par<br />

les gardiens eux-mêmes, intégrant<br />

ainsi définitivement ce phare-chapelle<br />

au site. C’est d’ailleurs en ce<br />

lieu qu’est célébrée tous les ans<br />

la Saint-Érasme, associant bénédiction<br />

de la mer et de ses usagers<br />

et hommage aux marins disparus.<br />

Cet édifice emblématique de la ville<br />

de Bonifacio fut confié au Conservatoire<br />

du littoral en 2018. Comme<br />

pour les autres phares dans ce cas,<br />

une convention liant le Conservatoire<br />

et le service des Phares et<br />

Balises définit les responsabilités<br />

des deux organismes qui s’exercent<br />

sur différentes parties de l’établissement<br />

: le Conservatoire du littoral<br />

récupère le bâti, les pièces à vivre<br />

de l’édifice et ses annexes tandis<br />

que le service des Phares et Balises<br />

conserve l’accès, la lanterne* et sa<br />

partie active ainsi que tout objet<br />

participant directement à la signalisation<br />

maritime.<br />

L’accès à ce feu devrait prochainement<br />

être facilité et l’esplanade<br />

au pied de celui-ci mise en valeur<br />

afin que le public puisse profiter<br />

pleinement du spectacle qu’offre<br />

l’entrée du goulet de Bonifacio.<br />

Au cœur de la lanterne et ses vitre rouges, l’optique du feu et<br />

le brûleur à gaz qui l’équipait dans les années 1980.<br />

141


LE FEU<br />

DU<br />

DRAGON


Le feu du Dragon, au bout de la jetée<br />

bâbord du Vieux-Port, figure sur<br />

de nombreuses cartes postales de la ville<br />

de Bastia et en est maintenant presque<br />

devenu un emblème.<br />

4.<br />

Le port de Bastia a toujours<br />

été le plus important de Corse<br />

du point de vue du trafic. Il est<br />

composé de trois parties : au<br />

sud, le Vieux-Port affecté à la<br />

pêche et à la plaisance, au nord,<br />

le port de plaisance de Toga et,<br />

au centre, le port de commerce<br />

qui représente à l ui seul 55 %<br />

du trafic commercial de la Corse.<br />

<br />

Caractéristiques<br />

Classe : feu hauturier de transit<br />

Emplacement : côté sud-est de<br />

l’entrée du Vieux-Port, sur<br />

le musoir* de la jetée<br />

Fonction principale : atterrage,<br />

jalonnement, latéral bâbord<br />

Rythme : éclats réguliers normaux<br />

Portée actuelle : 14,4 milles (27 km)<br />

Altitude de la base : 6,5 m<br />

Hauteur de l’ouvrage : 12,7 m<br />

Construction : 1904<br />

Date d’allumage : 27 décembre<br />

1861 (initialement sur perche<br />

métallique à cet emplacement)


IV. LES FEUX REMARQUABLES<br />

Carte postale ancienne du môle Génois. La photo est postérieure à la<br />

destruction du phare.<br />

Ce feu d’atterrage* du<br />

début du XX e siècle n’est<br />

autre que le descendant du<br />

plus vieux phare de Corse<br />

déjà présent plus de cent ans auparavant<br />

pour signaler le port depuis<br />

le môle* Génois (voir plus loin).<br />

Le 18 janvier 1861, la Commission<br />

des phares décida de déplacer<br />

l’ancien phare de Bastia dans la citadelle<br />

surplombant le port, où une<br />

nouvelle tour circulaire vit le jour<br />

en 1864. Ce phare d’atterrage* de<br />

4 e ordre, d’une portée de 10 milles,<br />

était complété par deux petits feux<br />

fixes rouges et verts hissés sur<br />

tringles, indiquant l’entrée du port<br />

à partir de décembre 1861. Mais<br />

l’exploitation du feu de la citadelle<br />

présenta rapidement des difficultés<br />

dues à la nature même des lieux.<br />

Photo du phare de Bastia en 1865, peu de temps<br />

avant sa destruction.<br />

En 1901 il fut décidé de remplacer<br />

les deux feux d’entrée de port et<br />

leurs supports métalliques par des<br />

tourelles pérennes en maçonnerie.<br />

Plan du port de Bastia de septembre 1856, avant que la jetée du Dragon ne soit prolongée et l’ancien môle modifié.<br />

On y distingue encore l’emplacement du phare de Bastia.<br />

150


LE FEU DU DRAGON<br />

153

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