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SEXUALITÉS
Texte Velia Ferracini
Illustration Antoine Bouraly
La pénétration n'est pas le
centre du monde
La rédaction de Spectrum a le plaisir de vous présenter sa
nouvelle rubrique Sexualités ! Dans ce numéro, nous vous
proposons de réfléchir à l'omniprésence de la pénétration
dans les rapports sexuels. Il est peut-être temps de réaliser une
révolution copernicienne dans nos ébats.
Léa 1 : On s’est chauffé·e·s, j'te dis pas !
Cloé : Vous avez couché ensemble ?
Léa : Oui.
Cloé : Vous avez fait quoi ?
Léa : Je l’ai sucé, et il m’a fait un de ces
cunnis.
Cloé : Ah mais vous avez juste fait des
préli, vous avez pas couché ensemble !
Les fellations et cunnilingus sont aussi
bien nommés « préliminaires »
qu'« actes sexuels », ce qui révèle une
contradiction. Avec « préliminaires », il
y a une idée de préparation censée mener
à la pénétration finale, considérée
comme le clou du spectacle, le grand feu
d'artifice. Alors qu'avec « actes sexuels »,
ces pratiques se suffisent à elles-mêmes.
Notre désignation de la sexualité
est donc ambigüe, ce qui se perçoit dans
nos usages et peut se résumer par cette
question : la pénétration doit-elle être le
but ultime de tout rapport sexuel ?
L'éducation par la pornographie
Qui n'a jamais vu de porno ? Selon ses
statistiques de 2019, Pornhub comptabilise
42 milliards de visites par an.
Ce support parfois dangereux participe
donc à notre éducation sexuelle. En
effet, la finalité du porno est généralement
la pénétration, ce qui est délicat
car seules 18% des femmes jouissent
lors de rapports avec pénétration selon
une étude de la même année réalisée
par Lelo, l'un des leaders de la vente
d'accessoires intimes. De plus, le porno
montre des pratiques toujours plus
hard, problématiques lorsqu'elles deviennent
un exemple jugé applicable
dans la réalité.
Pénétration douloureuse
La pénétration est parfois douloureuse,
voire même inappropriée dans certaines
situations. C'est notamment un
problème en cas de vaginisme (une
contraction réflexe des muscles du vagin),
d'endométriose (la présence de
tissus semblables à la muqueuse utérine
en-dehors de l’utérus), de mycoses
ou encore d'utérus rétroversé (situation
où l’utérus est orienté en direction du
rectum plutôt que de la vessie). Mais
également dans certaines situations masculines
telles que les troubles de l'érection,
le phimosis (un rétrécissement de
l'anneau préputial) ou encore un rétrécissement
de l'urètre.
Mais alors, il n'y a pas que la pénétration
?
Aujourd'hui, le clitoris – clé du plaisir
féminin sans laquelle la moitié des êtres
qui en sont dotés ne peuvent atteindre
l'orgasme – est connu. On commence
donc par là avec diverses pratiques
possibles sans pénétration : tu peux utiliser
ta bouche, tes doigts, un glaçon (si
tu n’es pas frileux·euse), un sextoy, ton
nez (enfin pas trop quand même, généralement
c'est signe que tu t'es perdu·e)
ou ce que tu veux d'autre. Laisse vivre
ton imagination ! Mais dans la limite de
ce qui est médicalement censé : ne vas
pas te fourrer une gousse d’ail là-dedans,
certain·e·s ont essayé, iels ont eu
des problèmes.
Cette réflexion porte aussi sur le masculin
: n'est-il pas possible d'avoir un
orgasme génial avec une fellation ? Il y
a des pratiques en abondance : branlet-
te espagnole et grecque, plaisir prostatique,
caresses de tes mamelons et testicules,
etc. Alors pourquoi se limiter à
la sacro-sainte pénétration ?
D’autres pratiques peuvent mener au
plaisir et à l'orgasme : masturbations,
pratiques orales, sexe tantrique ou dry
humping (une pratique plutôt fun qui
consiste à se caresser en gardant ses
vêtements), il y en a des choses à découvrir
et heureusement ! Pourquoi se
limiter à un schéma unique ? L'essentiel
est de prendre son temps, de faire monter
le désir, d'explorer le corps sans avoir
le but absolu de finir l'un·e dans l'autre.
Bien sûr, il n'est pas question de bannir
la pénétration. C'est très bien et si ça
te plaît, fonce ! Ce qui est souligné ici,
c'est que les rapports sans pénétration
doivent être revalorisés et reconsidérés.
LE petit guide
Jouissance Club de Jüne Pla renouvelle
ta sexualité en t'offrant un manuel
d'éducation sur le plaisir pour tous·tes
(femme, homme, non-binaire, hétéro,
homo, trans, etc.). Il propose de laisser
de côté la pénétration pour découvrir
d'autres façons d'explorer ton désir.
L'idée lui est venue de l'ennui du schéma
standard « préli, coït, éjac » qui lui
semble révélateur d'un problème dans
notre conception de la sexualité. Alors si
tu veux en découvrir plus, investis dans
cette bible inédite du sexe ! P
1
Prénoms d'emprunts
28 spectrum 10.20