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26.10.2020 Views

COUP DE GUEULETexte Manon Savary et Leonardo MariacaPhotos ByteDance, Leo MonferiniTikTok, le réseau social quiflirte avec les adosL’application TikTok est au cœur d’une polémiquerécurrente dans la sphère des réseaux sociaux. Réflexionsur un monde qui va de plus en plus vite avec un témoignagede Leo Monferini, créateur de contenu.ancée en septembre 2016 et dévelop-par l’entreprise chinoise ByteDance,LpéeTikTok rassemble aujourd’hui plus d’un milliardd’utilisateur·rice·s actif·ve·s et se placejuste derrière WhatsApp en termes de popularité.Cette application permet de filmer, depublier et de partager. Elle propose des outilsde montage afin de personnaliser les vidéoscréées. TikTok regorge de contenus participatifs.Le contenu est plutôt court, souvent à caractèrehumoristique ou artistique, et surtoutrempli de challenges tels que le kissyourbestfriends.Une jeunesse sur les réseauxLa force de la plateforme, c’est son algorithme.En effet, comme le confirme Leo, il est possiblede se faire connaître en partant de rien : « Jem’appelle Leo Monferini, j’ai 19 ans, je vis à Fribourget je suis sur TikTok depuis juin 2020. »Le Marlynois, plus connu sous le pseudonymede @leocommeleshauts, est un poids lourdde la plateforme en Suisse. Avec un cumul deplusieurs millions de vues, il a débuté pendantle confinement : « J’ai vu plein de petit·e·scréateur·rice·s réaliser des vidéos drôles et j’aipensé : pourquoi pas moi ? » sourit-il.En raison de sa nouveauté, ce sont initialementles plus jeunes qui ont pris en main ce nouveauréseau social. La majorité des utilisateur·rice·sont moins de 15 ans. Des mineur·e·s donc,qui usent de leur créativité pour proposer ducontenu original et diversifié : « S’il y a desjeunes qui ont peur de créer des vidéos, lancez-vous! Faites en premier ce qui vous rendheureux·ses ! » s’enthousiasme Leo. Libres oui,mais gare aux dérapages !Le problème de l’hypersexualisationDepuis la libération sexuelle dans les années1960, on entend parler de l’hypersexualisation.Avec sa désormais célèbre note de musique enguise de logo, l’application TikTok se démarqueaujourd’hui par sa popularité envers les moins de15 ans.Ce qui pendant longtemps était cantonné à lasphère privée peut s’étaler aujourd’hui à la vuede tous·tes grâce entre autres à TikTok. « C’estun sujet délicat et assez tabou », reconnaîtLeo. « Plusieurs défis sexualisants circulentsur TikTok. Il y a eu récemment une tendancequi consistait à se cambrer en suggérant unelevrette », se désole le jeune homme.Il y a aussi le danger d’être mis·e en contactavec un·e pédophile. Sur une application aussirécente, la prévention et la défense contrece genre de prédateur·rice·s ne sont pasoptimales. D’autant que les codes qui régissentles réseaux sociaux ne sont pas les mêmes queceux de la société : « Il est important que lestiktokeur·euse·s réalisent que leurs actions surcette plateforme sont irréversibles », met engarde Leo. « Même s’il est possible de “supprimer”une vidéo, elle restera stockée quelquepart. » Ces affirmations ne sortent pas de nullepart : en février 2019, l’application a été reconnuecoupable d’avoir illégalement collecté lesdonnées d’enfants de moins de 13 ans.À qui revient la responsabilité ?Il est alors difficile de savoir quoi penser decette tendance. Est-ce provoquant ? Ou aucontraire un acte d’appropriation de son corps ?Si une personne réalise la signification de seschoix et comprend les codes auxquels elle lesassocie, où est le problème ? Ce dernier sesitue dans la difficulté qu’ont les mineur·e·s àfaire cette distanciation. Iels reproduisent ceschallenges sans forcément avoir conscience deleurs propres sexualités. À qui la faute alors ?« Je pense que c’est en premier lieu à TikTokd’agir, de savoir filtrer ce qui doit et ne doit paspasser sur l’application », affirme Leo.Le monde virtuel est complexe et les parents ysont peu sensibilisé·e·s : « Si vous êtes mineur·e,veillez à vous faire conseiller par vos parentsavant de publier quoi que ce soit », souligne-til.Dans un monde en constante accélération,chaque génération se sent en décalage parrapport à la précédente. Toujours est-il queles réseaux sociaux font déjà partie du monded’aujourd’hui et continueront d’en faire partiedemain. À chacun·e d’apprendre à vivre avec. PLeo Monferini de la chaîne@leocommeleshauts.26 spectrum 10.20

KURZGESCHICHTEText Natalie MeleriOperation Zukunftedankenversunken läuft sie die Strasse entlang. Die Hochhäu-aus Stahl und Glas, die sich links und rechts der StrasseGsererheben, nimmt sie kaum wahr. Es ist ein kühler Herbsttag, dieschwachen Sonnenstrahlen vermögen den Asphalt nicht mehr zuwärmen. Doch wie sich Kälte anfühlt, weiss sie gar nicht. Ihre Gedankenkreisen um die Auseinandersetzung mit ihrer Chefin vonletzter Woche. Ihre Vorgesetzte hatte sie ungehalten ange herrschtund die ganze Abteilung hatte es mitbekommen. Mel steigt sofortwieder die Röte ins Gesicht. Ein Ping ertönt und stört ihre Gedanken.Eine mechanische Frauenstimme warnt: Achtung, negative Gedankenentdeckt. Bitte umdenken. Wollen Sie eine Liste positiverGedankengänge konsultieren? Sie seufzt und tippt mit dem Zeigefingerzwei Mal an ihre Schläfe. Dann denkt sie an das bevorstehendeEssen mit ihrer Freundin Kate. Die letzten zwei Tage hat siesich bewusst gesund ernährt, damit sie sich heute etwas gönnenkann. Seit sie ihre neue Stelle angetreten hat, kommt es nicht oftvor, dass sie ausgeht. Wenn sie sich also schon einmal die Zeit nimmt,in ein Restaurant zu gehen, möchte sie ungern nur Gemüsesticksessen müssen.Das Lokal ist bereits in Sichtweite und ihre Vorfreude steigt. DaKate oft im Ausland ist, sehen sich die beiden Freundinnen nurselten. Sie betritt das warme Lokal und spürt sofort, wie ihre Kleidungdie Temperatur reguliert.Kate sitzt bereits an einem Zweiertisch und nippt an einem GlasWein. Lächelnd geht sie auf ihre Freundin zu und sie umarmen sichherzlich.«Gut siehst du aus!», bemerkt Kate, als sie sich gesetzt haben.Sie lächelt. Es ist eine Floskel, die sich hartnäckig hält, auch wennseit der Grossen Reform jeder immer gut aussieht.«Ich habe mich die letzten Tage bewusst zurückgehalten, damit wiruns einen richtig schönen Abend machen können», sagt Mel undihre Augen blitzen vor Vorfreude auf.«Braves Mädchen. Ich habe es versucht, aber ein Dessert wird heutenicht drin liegen», erwidert Kate und seufzt enttäuscht.«Dann lass uns mal herausfinden, was drin liegt», sagt sie und legtihren Zeigefinger an die linke Schläfe. Willkommen! Sie habenheute noch 800 Kilokalorien übrig. Dafür können sie aus folgendenOptionen wählen: Grüner Salat, Lasagne, Tiramisu. Oder: GrünerSalat, Pizza Crudo, Panna Cotta. Oder… Die mechanische Frauenstimmezählt so viele Optionen auf, dass Mel irgendwann abbricht.Kate scheint es genauso zu gehen. Gerade verdreht sie die Augenund nimmt den Zeigefinger wieder von der Schläfe.«Zum Glück listet sie die Optionen nach unseren Präferenzen auf!Nicht auszudenken, wenn wir uns das alles anhören müssten.»Mel nickt zustimmend. Kurz darauf bringt ein menschenähnlicherRoboter ihre Getränke und den Salat.«Ich frage mich schon, weshalb sie den Salat bei jeder Optionaufzählt. Er ist ohnehin Pflicht», sagt sie und greift nach ihrer Gabel.Kate lacht zustimmend. Im Restaurant befinden sich noch andereLeute, doch deren Gespräche sind nicht hörbar. Jeder Tisch verfügtüber eine eigene Schalldämpfung und leise Hintergrundmusiksorgt für Ambiente. Es muss schrecklich gewesen sein, als man sichvor der Grossen Reform ständig mit dem Lärm anderer Menschenherumschlagen und ihre Gespräche mitanhören musste. Heutzutageist jeder Restaurantbesuch so intim, als befände man sich zuHause – wenn man mal davon absieht, dass die High-Tech-Mikrofonejedes Gespräch aufzeichnen und auf Bedrohungen überprüfen.«Ich habe Neuigkeiten», kündigt Kate freudestrahlend an.Mel sieht sie erwartungsvoll an.«Ich wurde für die Operation Zukunft ausgewählt!»Sie springt begeistert auf und stösst dabei fast ihr Glas um. «Dasist fantastisch! Herzlichen Glückwünsch!» Sie umarmen sicheuphorisch.Mel selbst wird nie für das Projekt ausgewählt werden. Ihre Positionist zu wichtig, als dass man sie für ein Jahr entbehren könnte.«Kennst du deinen Spender schon?»«Nein, das werden wir morgen erfahren. Luke und ich sind richtigaufgeregt!»«Jetzt verstehe ich auch, weshalb du dein Glas Wein so geniesst»,sagt sie augenzwinkernd und hebt ihr eigenes Glas. «Auf euch!»Bravo, es wurden gerade Endorphine ausgeschüttet, unterbrichtdie mechanische Frauenstimme ihren Glücksrausch. Kate sieht siefragend an, doch Mel schüttelt nur den Kopf.«Ich bin heute auf einen Artikel gestossen, der vor der GrossenReform datiert ist. Im Jahr 2020 gab es anscheinend Bewegungengegen den Algorithmus!»Kate sah ihre Freundin ungläubig an: «Wirklich? Stell dir mal vor,die hätten Erfolg gehabt! Dann müssten wir unsere Entscheidungenständig selbst treffen. Wie furchtbar!». P10.20spectrum27

COUP DE GUEULE

Texte Manon Savary et Leonardo Mariaca

Photos ByteDance, Leo Monferini

TikTok, le réseau social qui

flirte avec les ados

L’application TikTok est au cœur d’une polémique

récurrente dans la sphère des réseaux sociaux. Réflexion

sur un monde qui va de plus en plus vite avec un témoignage

de Leo Monferini, créateur de contenu.

ancée en septembre 2016 et dévelop-

par l’entreprise chinoise ByteDance,

Lpée

TikTok rassemble aujourd’hui plus d’un milliard

d’utilisateur·rice·s actif·ve·s et se place

juste derrière WhatsApp en termes de popularité.

Cette application permet de filmer, de

publier et de partager. Elle propose des outils

de montage afin de personnaliser les vidéos

créées. TikTok regorge de contenus participatifs.

Le contenu est plutôt court, souvent à caractère

humoristique ou artistique, et surtout

rempli de challenges tels que le kissyourbestfriends.

Une jeunesse sur les réseaux

La force de la plateforme, c’est son algorithme.

En effet, comme le confirme Leo, il est possible

de se faire connaître en partant de rien : « Je

m’appelle Leo Monferini, j’ai 19 ans, je vis à Fribourg

et je suis sur TikTok depuis juin 2020. »

Le Marlynois, plus connu sous le pseudonyme

de @leocommeleshauts, est un poids lourd

de la plateforme en Suisse. Avec un cumul de

plusieurs millions de vues, il a débuté pendant

le confinement : « J’ai vu plein de petit·e·s

créateur·rice·s réaliser des vidéos drôles et j’ai

pensé : pourquoi pas moi ? » sourit-il.

En raison de sa nouveauté, ce sont initialement

les plus jeunes qui ont pris en main ce nouveau

réseau social. La majorité des utilisateur·rice·s

ont moins de 15 ans. Des mineur·e·s donc,

qui usent de leur créativité pour proposer du

contenu original et diversifié : « S’il y a des

jeunes qui ont peur de créer des vidéos, lancez-vous

! Faites en premier ce qui vous rend

heureux·ses ! » s’enthousiasme Leo. Libres oui,

mais gare aux dérapages !

Le problème de l’hypersexualisation

Depuis la libération sexuelle dans les années

1960, on entend parler de l’hypersexualisation.

Avec sa désormais célèbre note de musique en

guise de logo, l’application TikTok se démarque

aujourd’hui par sa popularité envers les moins de

15 ans.

Ce qui pendant longtemps était cantonné à la

sphère privée peut s’étaler aujourd’hui à la vue

de tous·tes grâce entre autres à TikTok. « C’est

un sujet délicat et assez tabou », reconnaît

Leo. « Plusieurs défis sexualisants circulent

sur TikTok. Il y a eu récemment une tendance

qui consistait à se cambrer en suggérant une

levrette », se désole le jeune homme.

Il y a aussi le danger d’être mis·e en contact

avec un·e pédophile. Sur une application aussi

récente, la prévention et la défense contre

ce genre de prédateur·rice·s ne sont pas

optimales. D’autant que les codes qui régissent

les réseaux sociaux ne sont pas les mêmes que

ceux de la société : « Il est important que les

tiktokeur·euse·s réalisent que leurs actions sur

cette plateforme sont irréversibles », met en

garde Leo. « Même s’il est possible de “supprimer”

une vidéo, elle restera stockée quelque

part. » Ces affirmations ne sortent pas de nulle

part : en février 2019, l’application a été reconnue

coupable d’avoir illégalement collecté les

données d’enfants de moins de 13 ans.

À qui revient la responsabilité ?

Il est alors difficile de savoir quoi penser de

cette tendance. Est-ce provoquant ? Ou au

contraire un acte d’appropriation de son corps ?

Si une personne réalise la signification de ses

choix et comprend les codes auxquels elle les

associe, où est le problème ? Ce dernier se

situe dans la difficulté qu’ont les mineur·e·s à

faire cette distanciation. Iels reproduisent ces

challenges sans forcément avoir conscience de

leurs propres sexualités. À qui la faute alors ?

« Je pense que c’est en premier lieu à TikTok

d’agir, de savoir filtrer ce qui doit et ne doit pas

passer sur l’application », affirme Leo.

Le monde virtuel est complexe et les parents y

sont peu sensibilisé·e·s : « Si vous êtes mineur·e,

veillez à vous faire conseiller par vos parents

avant de publier quoi que ce soit », souligne-til.

Dans un monde en constante accélération,

chaque génération se sent en décalage par

rapport à la précédente. Toujours est-il que

les réseaux sociaux font déjà partie du monde

d’aujourd’hui et continueront d’en faire partie

demain. À chacun·e d’apprendre à vivre avec. P

Leo Monferini de la chaîne@leocommeleshauts.

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