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SOCIÉTÉ

Texte Mériem Ottet

Photo Mériem Ottet

Des podcasts contre la

discrimination

Rencontre avec Fayiza Cissé et Kaziwa Raim, co-fondatrices

de L’InConfortable, le podcast qui te sort de ta zone

de confort !

Kaziwa Raim (à gauche) et Fayiza Cissé (à droite), créatrices de L’InConfortable.

uand un sentiment de non-représen-

dérange deux jeunes femmes*

Qtativité

suisses racisées, celles-ci s’engagent sur la toile.

L’InConfortable offre un espace de paroles

aux femmes* doublement discriminées – par

leur genre et par leurs origines.

Quand la lutte pour l’égalité révèle de

“nouvelles” inégalités

Engagées pour la cause féministe, c’est en

partie lors de la grève des femmes* de juin

2019 que nos deux interviewées ont le sentiment

(ou plutôt la confirmation) de la

non-représentativité de la femme* suisse racisée

dans la société. Durant leur engagement,

l’atmosphère de solidarité est un tantinet

gâchée par un constat. Fayiza nous le résume :

« Au sein de l’activisme féministe, la femme*

racisée subit des inégalités liées à ses origines

ethniques ». Kaziwa précise : « Le terme

“racisé·e” indique que la personne est assignée

à une supposée “race” du fait de certaines caractéristiques

ethnotypiques, telles que la couleur

de peau, le type de cheveux ou encore sa

morphologie » . Être racisé·e « ne dépend pas

forcément de la personne elle-même mais plutôt

de la façon dont elle est perçue par autrui »,

nous dit-elle, donnant l’exemple d’une Libanaise

à la peau blanche et aux yeux bleus qui

dans une foule ne sera pas repérée comme une

personne venant d’ailleurs, du moins pas sur la

base de ses caractéristiques physiques.

Des pionnières en Suisse

L’inspiration de créer un podcast dédié à

la problématique des femmes* racisées est

nourrie par les expériences personnelles de

nos deux interviewées et est encouragée par

le podcast Kiffe ta race produit en France.

En Suisse, Fayiza Cissé et Kaziwa Raim sont

les pionnières d’un tel format. Fayiza vise

deux objectifs : « Offrir une opportunité aux

femmes* racisées de s’exprimer honnêtement

et authentiquement. En quelque sorte, être

une voix pour elles. Et aussi ouvrir les yeux

aux gens et permettre un processus de déconstruction

». De son côté, Kaziwa souhaite

« permettre aux femmes* racisées de se sentir

représentées et amener le débat sur la place

publique ».

Du racisme et de la discrimination

Fayiza précise l’importance de la distinction

entre les deux notions : « Le racisme est un

processus de catégorisation découlant de jugements

moraux. Il est construit et structuré

dans nos sociétés par la suprématie blanche et

à partir de cette suprématie, il y a toute une hiérarchie

de “races” qui nous est imposée et cela

de façon systémique. C’est implanté dans notre

système de vie et dans nos institutions de façon

générationnelle et inconsciente. On peut

même parler de trauma, car ce racisme existe

depuis des siècles et est inscrit dans notre mémoire

épigénétique ». La discrimination, elle,

« est ponctuelle, observable dans des situations

bien précises et n’est pas systémique »,

précise-t-elle. Kaziwa ajoute : « Plus concrètement,

une femme* noire aura plus de chance

de se voir refuser un job ou un appartement

en raison de son origine, contrairement à une

femme* blanche qui peut être victime d’un

acte raciste ponctuel, une insulte par exemple,

mais cela ne va pas mettre un frein à l’ensemble

de son parcours de vie ».

Des solutions générales ?

En plus d’ouvrir le débat, il faut être

conscient·e·s que la question concerne tout

le monde, personnes racisées ou non. Le but

est d’entrer dans une phase de réflexion et de

changement des comportements. Kaziwa précise

qu’il faut admettre que nous avons tous·tes

des biais racistes. Et ajoute avec humilité :

«Nous les premières, nous avons des biais racistes.

Il y a un temps où nous-mêmes faisions

des blagues racistes. Mais justement il faut reconnaître

ces actes en tant que tels, s’informer

et apprendre à déconstruire ces stéréotypes ».

En somme, les deux podcasteuses s’accordent

à dire qu’« il faut nourrir une volonté générale

de déconstruction et arrêter de faire semblant

que le racisme n’existe pas ». P

Podcast disponible sur toutes les

plateformes d’écoute, notamment via

anchor.fm/l1confortable. Plus d’infos

sur Instagram (@l1confortable) et

Facebook (L’InConfortable).

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